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nourrir, entretenir et élever ses enfans mineurs, et pour payer les frais funéraires du prédécédé (1); tandis qu'aucun de ces objets n'a jamais été une charge de l'usufruit légal des Romains.

Le gardien était de plus tenu d'acquitter toutes les dettes mobilières de la succession. Les capitaux des rentes passives ne tombaient pas sa charge, parce que les rentes ayant alors la nature d'immeubles dans le patrimoine du créancier, étaient, par une conséquence toute naturelle, considérées comme dettes immobilières dans la succession du débiteur. Mais il n'en était pas ainsi des arrérages annuels: ils n'étaient à tous égards que l'objet d'une créance ou d'une dette mobilière; en conséquence de quoi le gardien était tenu d'acquitter ceux qui étaient échus, même avant l'ouverture de sa garde (2); mais cette charge des dettes mobilières, qui fut toujours étrangère à l'usufruit légal des Romains, n'est imposée aujourd'hui à notre usufruit paternel, que quant aux arrérages et intérêts des capitaux.

L'acceptation de la garde devait être faite en jugement, et elle avait tous les effets d'un contrat irrévocable: l'acceptation de notre usufruit paternel n'est point soumise à cette formalité solennelle l'usufruitier accepte simplement ou refuse le bénéfice qui lui est déféré par la loi :

(1) Voy. dans Bourjon, sur la garde noble et bourgeoise, chap. 10, sec. 1, n.o 1; et dans Renusson, traité de la garde, chap. 7, n.° 49 et suiv.

(2) Bourjon, ibid., n.° 8.-Ferrière sur l'art. 267 de la coutume de Paris, glose 2, n.o 2.

son acceptation n'opère en lui aucun engage ment irrévocable dans le futur, en sorte qu'il n'est soumis, à cet égard, qu'aux principes du droit commun, qui permet toujours à l'usufruitier de renoncer à sa jouissance pour en abdiquer les charges.

Suivant quelques auteurs, l'acceptation de la garde obligeait le gardien, même ultrà vires emolumenti (1); mais cette exorbitante obligation ne peut plus être une charge de notre usufruit paternel, puisque l'usufruitier peut toujours y renoncer pour se soustraire aux charges qui en dérivent; en sorte qu'à cet égard, nous rentrons encore ici sous l'empire du droit

Commun.

Ces notions, quoique faiblement esquissées, suffisent pour indiquer jusqu'à quel point les dispositions de notre code sur les droits et charges pécuniaires attachés à la puissance paternelle, ont été puisées dans celles des coutumes touchant la garde noble et bourgeoise, et pour faire voir que c'est encore dans les commentateurs de ces dispositions coutumières qu'il faut rechercher les principes de la jurisprudence française sur plusieurs genres de difficultés qui peuvent se présenter dans l'application du code concernant principalement les charges de notre usufruit paternel, ainsi que nous aurons soin de le faire remarquer plus particulièrement en traitant de ces charges: mais il est nécessaire d'ob

(1) Voy. daus Duplessis, traité de la garde, chap.

3 et 4.

server aussi que, si nous devons consulter les anciens 'monumens sur ce point pour rechercher, jusque dans son origine, l'esprit de la loi nouvelle, nous ne devons néanmoins le faire qu'avec précaution, par rapport aux nuances plus ou moins fortes, et même aux différences très-remarquables qui se trouvent entre les dispositions du code et celles des coutumes; différences qui donnent à la loi nouvelle un esprit qui lui est propre, et dont nous ne devons pas nous écarter.

Pour mieux encore saisir l'esprit propre du code à ce sujet, il faut observer que la loi qui défère la puissance paternelle au père ou à la mère, lui défère aussi la tutelle sur ses enfans; mais que la puissance paternelle, qui est un droit utile dans celui qui en est revêtu, est bien différente de la tutelle, qui n'est qu'une charge tout à l'avantage des enfans; que non-seulement la tutelle et la puissance paternelle sont très-distinctes, mais qu'elles sont séparables; que la privation de l'une n'opère pas la déchéance des droits de l'autre; et qu'en conséquence la mère qui n'accepte pas la tutelle, ou le père qui en est excusé ou exclus, n'en doivent pas moins conserver l'un et l'autre les droits de la puissance paternelle et l'usufruit qui y est attaché. 135. Quant à la distinction des pécules, elle n'était point dans les coutumes, et nous ne la retrouvons pas non plus dans le code civil, telle qu'elle était dans le droit romain.

SECTION II.

"De l'étendue du Droit d'usufruit legal sous le rapport des objets auxquels il s'applique.

236. Suivant le code, le père, durant le mariage, et, après la dissolution du mariage, le survivant des père et mère, ont la jouissance des biens de leurs enfans mineurs de dix-huit ans. C'est, comme on le voit, un droit d'usufruit universel par sa nature; droit qui doit en conséquence s'étendre à tous les biens qui n'en seraient pas formellement exceptés. Tel est le principe général sur ce point.

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Les père et mère ont donc généralement l'usufruit légal des biens des enfans sur la personne desquels ils exercent en même temps la puissance paternelle et la tutelle. Le concours de ces deux qualités de tuteur et d'usufruitier fait que celui qui en est revêtu se trouve saisi de toutes les actions qui ont rapport soit à la propriété, soit à la jouissance du fonds, et que c'est contre lui que tous les légataires ou autres créanciers doivent diriger les leurs.

137. Suivant ce qui est porté au chapitre 2 de la novelle 118, lorsque le père succédait à un de ses enfans, avec les frères et soeurs germains du défunt, l'usufruit paternel n'avait pas lieu sur les portions dévolues à ceux-ci; nullum usum ex filiorum aut filiarum portione, in hoc casu valente patre sibi penitùs vindicare; quoniam pro hâc usús portione, hæreditatis jus et secundùm proprietatem per præsentem dedimus legem. Nous ne

retrouvons pas le même point de droit établi par notre code. Nous voyons bien que si les père et mère d'une personne morte sans postérité lui avaient survécu, et qu'elle ait laissé des frères et soeurs, les père et mère emportent chacun un quart, et les frères et soeurs l'autre moitié de la succession (748); que, s'il n'y a que le père ou la mère qui ait survécu, il n'a toujours que le quart, et les frères et soeurs le surplus (749); mais nous ne voyons nulle part que le père et la mère soient exclus de l'usufruit légal des portions de ceux de leurs enfans qui seraient encore mineurs de dix-huit ans; d'où il faut conclure que les droits des uns et des autres sont soumis à la règle générale dont nous venons de parler.

138. LORSQU'UNE succession est dévolue à des enfans mineurs de dix-huit ans, le père y ayant intérêt, par rapport à son droit d'usufruit, le concours de sa volonté est-il nécessaire à l'acte d'acceptation?

Aucun tuteur, pas même le père, ne peut accepter ni répudier une succession échue au mineur, sans une autorisation préalable du conseil de famille, et encore l'acceptation ne doit avoir lieu que sous bénéfice d'inventaire (461).

L'accomplissement de cette formalité est nécessaire autant pour la succession testamentaire que pour la succession ab intestat, puisque les légataires, soit universels (1009), soit à titre universel (871), sont tenus des dettes et charges de la succession, comme s'ils étaient les héritiers de la loi.

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