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Ainsi, soit qu'il s'agisse d'un legs universel, ou d'un legs à titre universel, fait à des enfans mineurs; soit qu'il s'agisse d'une succession légitime ouverte à leur profit, le père, en sa qualité de tuteur, doit avoir l'autorisation préalable du conseil de famille, pour en faire l'acceptation, et jusqu'à l'accomplissement de cette formalité, il est, sous tous les rapports, nonrecevable à agir.

Il ne pourrait être recevable à agir comme tuteur, au nom de ses enfans, en les supposant héritiers, puisque la loi subordonne cette qualité à l'accomplissement préalable d'une condition à laquelle il n'aurait pas satisfait.

Il ne pourrait agir dans son intérêt personnel, et comme ayant l'usufruit légal des biens de la succession; car, quoiqu'il ait en sa faveur la vocation de la loi, quant à l'usufruit, néanmoins la qualité d'usufruitier légal dans le père est nécessairement subordonnée à celle d'héritier dans les enfans.

Il en serait autrement dans la succession testamentaire, si le testateur, léguant seulement la nue propriété aux enfans, avait donné l'usufruit au père; alors ce ne serait plus comme ayant l'usufruit légal des biens des mineurs, mais comme étant légataire de la jouissance des biens du défunt, que le père aurait droit d'agir dans son intérêt personnel; et, sous ce rapport, sa qualité d'usufruitier n'étant point subordonnée à celle d'héritier dans les enfans, il pourrait, sans l'autorisation du conseil de famille, reven

diquer en son propre nom l'usufruit qui lui aurait été donné.

139. Mais, à supposer que le père ne soit point légataire de l'usufruit de la succession dévolue à ses enfans, et qu'il n'ait d'autre droit personnel à réclamer que celui d'usufruit légal, s'il voulait accepter et qu'au contraire le conseil de famille votât pour le refus; ou si le père voulait répudier la succession contre l'avis du conseil délibérant pour l'accepter, quelles seraient les conséquences d'une pareille discordance de volontés?

SUPPOSONS d'abord que le père vote pour la répudiation, tandis que les autres membres ou la majorité des autres membres du conseil auront arrêté, par leur délibération, que la succession sera acceptée : l'acceptation aura lieu, attendu que ce n'est pas au vote du tuteur, mais à celui du conseil, que la loi subordonne l'exercice de ce droit des mineurs.

Mais en ce cas, si le père, sans se rendre à la majorité des votans, persistait, sans réserve, dans sa volonté de refuser; volonté qui, aux termes de l'article 883 du code de procédure, devrait être consignée dans le procèsverbal de la délibération, cela suffirait-il pour le rendre non-recevable à se prétendre ensuite usufruitier des biens de l'hérédité? Pourrait-on dire que, d'une part, il lui aurait été impossible de voter purement et simplement pour la répudiation de la succession, sans renoncer, pour son propre compte, à l'usufruit légal des biens qui la composent; que, d'autre côté, le

conseil de famille, délibérant dans la vue de rendre autant meilleure que possible la condition des mineurs, est censé accepter au moins tacitement, à leur profit, même les effets de la renonciation du père en ce qui le concerne; d'où il suit que si, malgré le refus du père, la succession est acceptée dans le seul intérêt des mineurs, elle doit leur appartenir franche de tout droit d'usufruit paternel?

Nous ne pensons pas que le père devrait être exclus de son usufruit légal sur les biens de l'hérédité, par cela seul qu'elle aurait été acceptée contre son avis, pour ses enfans; parce que c'est un principe constant en droit, que ce qu'un homme fait tutorio nomine, ne doit porter aucun préjudice à ses droits personnels (1).

La vocation de la loi pour le père, quant à l'usufruit, étant nécessairement subordonnée à l'accomplissement de celle des enfans, quant à la propriété, il ne peut être exact de dire que le père ait renoncé à son usufruit lorsque le droit n'en était pas encore ouvert.

SUPPOSONS actuellement que le conseil de famille délibère et arrête que la succession serà répudiée; le père, sans se pourvoir contre cette délibération, pour la faire annuller, se verrat-il forcément privé de son droit d'usufruit?

La loi romaine voulait que, dans ce cas, le père fût maître de revendiquer en toute pro

(1) Cod., l. 26, de administratione tutorum, lib. 5, tit. 37.

priété et jouissance les biens de la succession. répudiée par son fils en puissance (1); mais cette disposition n'était qu'une suite ou un reste de la maxime quidquid acquirit filius acquiritur patri, laquelle n'est ni dans la lettre, ni dans l'esprit de notre code: en conséquence de quoi l'on doit décider que le père ne devrait avoir ni la propriété ni l'usufruit des biens de l'hérédité répudiée au nom de son fils.

Il n'en aurait pas la propriété, parce qu'il ne serait ni légataire ni héritier lui-même.

Il n'en aurait pas l'usufruit, puisque la loi ne l'établit à son profit, que sur les biens du fils, et que ceux de cette hérédité se trouveraient dévolus à d'autres personnes par suite de l'acte de répudiation.

Mais, quoique le père ne puisse accepter où répudier la succession dévolue à son fils mineur, sans une autorisation préalable du conseil de famille, la délibération que ce conseil aurait prise, contre son vou, pourrait n'être pas un obstacle insurmontable pour lui; attendu que la loi (2) permet généralement au tuteur de se pourvoir contre les délibérations du conseil de famille, pour les faire réformer quand il en a de justes motifs.

C'est donc une règle générale que les biens acquis aux enfans, à titre d'hérédité ou autrement, sont soumis à l'usufruit paternel, jusqu'à ce que les enfans aient acquis l'âge de dix-huit

(1) L. 8, cod. de bonis quæ liberis, lib. 6, tit. 61. (2) Art. 883 du cod. de procéd.

ans révolus; mais, d'après les dispositions du code, cette règle souffre exceptions:

1.o Dans le cas du divorce prononcé entre les père et mère;

2. Dans celui où la mère survivante convolerait à secondes noces;

3.o Dans celui où les biens seraient acquis aux enfans par l'effet d'une industrie séparée; 4. Dans celui où les biens n'auraient été donnés aux enfans que sous la condition que leurs père et mère n'en auraient pas la jouis

sance;

5. Dans celui où une succession serait dévolue au profit des enfans, par rapport à l'indignité de leur père ou de leur mère;

6. Enfin, dans celui où le survivant des père et mère aurait omis de faire inventaire des effets de la communauté.

Chacune de ces exceptions mérite des observations particulières que nous allons successivement mettre sous les yeux du lecteur.

PREMIÈRE EXCEPTION.

140. Suivant l'article 386 du code, l'usufruit paternel n'a pas lieu au profit de celui des père et mère contre lequel le divorce aurait été prononcé.

Celui des époux contre lequel le divorce a été prononcé : a, par un délit grave, brisé les noeuds les plus sacrés; il a porté le plus grand préjudice aux enfans: il a donc justement mérité d'être exclus, soit dans le présent, soit dans le futur, de tout droit de jouissance sur leurs biens; et c'est véritablement là un cas d'exception

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