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d'exception à la règle générale qui veut que l'usufruit légal soit inhérent à la puissance paternelle et la suive, puisque le divorce n'en fait pas cesser le droit sur la personne des enfans (303), dans celui des père et mère contre lequel il a été prononcé.

Ainsi, à supposer que le divorce ait été prononcé contre le père, et que la mère vienne à mourir, le père survivant n'aura pas la jouissance des biens de la succession maternelle ; cependant il en aura l'administration, comme tuteur de ses enfans mineurs; mais il leur devra compte des revenus qu'il n'aura perçus que pour eux.

Ainsi, dans la même hypothèse, si c'est le père contre lequel le divorce a été prononcé, qui soit mort le premier, la mère survivante aura tous les droits de l'usufruit légal, puisqu'il n'y a que celui au tort duquel il a été prononcé, qui doive être exclus de cet usufruit.

Ainsi, enfin, si le divorce a eu lieu par consentement mutuel, les père et mère doivent être également déchus du droit d'usufruit paternel, puisqu'en ce cas, le lien conjugal a été brisé au tort de l'un comme à celui de l'autre, et que la loi les regarde comme coupables d'un préjudice si grave envers les enfans, qu'elle adjuge à ceux-ci la moitié de leurs biens, à dater du jour de leur première déclaration en divorce (305). Cette décision était déjà textuel

TOM. I.

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lement portée contre le père divorcé, par le droit romain (1).

141. Mais, supposons qu'au moment où le divorce a été prononcé au tort du père, les enfans mineurs aient déjà eu quelques biens acquis, l'usufruit, dont ce père demeure privé par l'effet du divorce, est-il de suite réversible à la mère, ou si ce sont les enfans qui doivent profiter de la déchéance encourue par le père?

L'usufruit légal est un effet de la puissance paternelle; nul effet ne peut subsister avant sa cause; or, même dans le cas du divorce prononcé contre le mari, la mère n'a point encore la puissance paternelle; donc elle ne peut pas avoir encore l'usufruit légal: mais, après la mort du père, si la mère lui survit et que les enfans soient encore mineurs de dix-huit ans, l'usufruit sera ouvert à son profit; parce qu'alors, se trouvant revêtue de la puissance paternelle, elle devra en avoir tous les accessoires et les effets. Ecoutons Locré sur cette question :

à

« On demandera, dit-il, si l'usufruit passe » la mère lorsque le divorce a été prononcé >> contre le père?

>> Il en est certainement ainsi lorsque le père » divorcé vient à mourir; car l'article 384 ap» pelle la mère survivante.

» Mais le même article s'oppose à ce que, » jusque-là, cette mère en jouisse; car, ce » n'est que dans le cas de survivance que la

(1) Voy. au chap. 11 de la novelle 134.

>> loi le lui accorde, parce qu'avant ce mo>>ment elle n'a pas la puissance paternelle. Il >> serait même dangereux de donner aux femmes >> cette sorte d'intérêt à obtenir le divorce. Au >> reste la mère n'a pas à se plaindre; ses droits » demeurent les mêmes que si le divorce ne >> fût pas survenu. A la vérité il était possible » qu'elle profitât des fruits qui proviendraient » des biens de ses enfans, parce qu'ils tom>> baient dans la communauté mais il était » possible aussi qu'elle n'en profitât pas, parce » que le mari étant le maître de la commu>> nauté, il avait le droit de dissiper les revenus; >> et d'ailleurs, cette considération tombe, lors» qu'il n'y a pas a pas de communauté, ou que les >> conventions matrimoniales en limitent les >> effets.

» L'article 386 n'est donc pas attributif; il >> n'est qu'exclusif: son effet se réduit à exclure » de la jouissance le père, si le divorce a été » prononcé contre lui; la mère, en cas de sur» vie, quand c'est elle qui a donné lieu à la dis» solution du mariage. Il dépouille enfin celui >> des époux qui a, ou qui acquiert, par la suite, » des droits à la jouissance ; il n'ajoute rien aux >> droits de l'autre. »

142. Le père ou la mère contre lequel la séparation de corps aurait été prononcée, devrait-il être aussi déchu du droit d'usufruit paternel?

Pour soutenir l'affirmative, on peut dire que la séparation de corps n'est obtenue que pour les mêmes causes pour lesquelles le divorce pouvait être demandé; que les mêmes causes doivent

opérer les mêmes effets contre l'époux condamné, puisqu'il y a même préjudice porté aux enfans, par sa faute; qu'en conséquence on doit la même indemnité à ceux-ci.

Nous croyons néanmoins qu'on ne doit pas déclarer déchu du droit d'usufruit paternel, l'époux contre lequel la séparation de corps a été prononcée, parce que la loi ne le dit point, et qu'on ne doit point étendre une disposition pénale à un cas pour lequel elle n'a point été portée.

Il n'en est pas de l'usufruit légal comme d'une libéralité faite par un époux à l'autre. Lorsqu'il s'agit d'une donation faite par l'époux innocent à l'époux coupable, on conçoit qu'elle doit être révoquée par la condamnation à la séparation de corps, comme par le jugement admettant le divorce, parce que la cause d'ingratitude est la même, et que l'époux donataire partage le sort de tous les ingrats, qui généralement doivent être privés des libéralités reçues de la part du bienfaiteur outragé.

Mais lorsqu'il s'agit de l'usufruit légal des père et mère, il n'y a pas de disposition générale dans la loi qui en prononce la déchéance dans le même cas, parce que l'un ne le tient point de la libéralité de l'autre ; il ne tient pas même de la libéralité des enfans, mais absolument de celle de la loi il ne doit donc en être privé que dans les cas : où la loi le déclare ainsi.

D'ailleurs, il n'est pas vrai de dire que la séparation de corps soit aussi préjudiciable aux enfans que le divorce des père et mère. La séparation peut ne durer que pendant un temps;

elle ne donne pas lieu de craindre la survenance d'autres héritiers: tandis que le divorce, tel qu'il était décrété dans le code, devait opérer une séparation perpétuelle, et rendant les époux à leur liberté, leur accordait le droit de contracter d'autres unions, et d'introduire. par là d'autres héritiers dans la famille.

SECONDE EXCEPTION.

143. Aux termes du même article 386, l'usufruit légal cesse à l'égard de la mère dans le cas d'un second mariage..

C'est encore là une exception formelle à la règle générale qui veut que l'usufruit légal soit attaché à la puissance paternelle; puisque la veuve qui se remarie conserve néanmoins, quoiqu'avec moins d'étendue, cette puissance sur la personne de ses enfans mineurs, tandis qu'elle perd le droit de jouissance qu'elle avait sur leurs biens.

Dans ce cas d'exception, comme dans le précédent, la privation est générale, puisque le droit d'usufruit cesse totalement d'avoir lieu dans la personne il ne reste donc aucune espèce de biens dans le domaine présent ou à venir des mineurs, qui doive être encore passible de l'usufruit paternel.

Cette exception est fondée sur ce qu'il ne doit pas être permis à la mère qui convole à de secondes noces, de porter dans une autre famille les revenus de ses enfans du premier lit, et d'enrichir ainsi, à leur préjudice, son nouvel époux

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