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(1). Et comme la même raison n'existe pas à l'égard du père, on n'a pas voulu qu'il souffrît la même privation dans le cas où il viendrait à se

remarier.

144. Mais si la mère devenait veuve une seconde fois et avant que les enfans du premier lit eussent atteint leurs dix-huit ans, pourrait-elle reprendre la jouissance de leurs biens?

Nous ne le pensons pas; parce qu'un droit qui est éteint ne peut revivre sans une cause qui lui rende l'existence : les biens étant devenus libres entre les mains des enfans, ne pourraient être de nouveau asservis à la jouissance de la mère qu'autant qu'il y aurait à cet égard quelque disposition dans le code, et il n'y en a point.

L'usufruit légal ne prend fin de cette manière que par la raison que la loi veut qu'il cesse alors d'être un accessoire de la puissance paternelle. Cet effet étant une fois opéré, la mort du second mari ne peut rien changer dans les droits acquis aux enfans: parce qu'elle n'est qu'un simple fait et non une restitution, en entier, de la mère dans ses droits primitifs.

Nous irons plus loin encore. Et nous dirons qu'on devrait porter la même décision dans le cas d'un jugement qui déclarerait nul le second mariage de la mère, à moins qu'il n'y eût des violences exercées contre elle; car c'est au fait libre du convol à secondes noces que la loi attache la privation de l'usufruit dans la veuve,

(1) Voy. dans Locré, tom. 4, p. 466.

et non aux suites plus ou moins étendues du second mariage.

Quoiqu'une veuve se trouve trompée dans son attente sur les résultats d'un second mariage. qu'elle a voulu contracter au préjudice des enfans du premier lit, elle n'en est pas moins en faute à leur égard, et le jugement qui déclare nul le second mariage qu'elle avait librement voulu contracter, est lui-même la preuve du fait qui devait opérer la déchéance de son droit. 145. Puisque la privation dont il s'agit ici, n'est prononcée par la loi qu'au regard de l'usufruit légal, il faut en conclure qu'elle n'aurait pas lieu par rapport à l'usufruit qui aurait été assuré par contrat de mariage, ou légué par testament de la part du mari au profit de sa veuve; car si, d'après le droit romain, la veuve qui se remariait n'était pas privée des libéralités qui lui avaient été faites en usufruit seulement, par son mari (1); à plus forte raison doit-elle les conserver aujourd'hui sous le code qui ne prononce pas contre les secondes noces les peines établies par l'ancienne jurisprudence.

146. Lorsque la veuve, sans s'être remariée, vit dans un état d'impudicité notoire, et donne le jour à des enfans naturels, doit-elle être aussi privée du bénéfice de l'usufruit légal des biens. de ses enfans légitimes?

Cette question n'est pas sans quelque difficulté car, on peut dire pour la veuve, qu'il n'est pas permis de lui appliquer une peine qui

:

(1) Voy. la novelle 22, chap. 23.

n'est

pas textuellement décrétée contre elle par la loi; qu'il n'en est point du cas où elle se trouve, comme de celui où elle se serait remariée et aurait par là porté son usufruit en dot à un nouvel époux; qu'alors elle se serait mise elle-même dans l'impossibilité d'en employer les émolumens à l'entretien et à l'éducation de ses enfans, ce qui en aurait changé la destination; mais qu'il n'en est pas ainsi dans l'état où elle est, et qu'en conséquence le motif, sur lequel les auteurs du code ont fondé cette déchéance, lui est étranger.

Mais, d'autre part, on peut dire, avec beaucoup plus de force, en faveur des enfans légitimes, que s'abandonnant à la débauche, leur mère s'est rendue bien plus répréhensible envers eux, que si elle avait convolé à de secondes noces, puisqu'au lieu de les porter à la vertu, elle leur donne l'exemple d'un déréglement de mœurs ; qu'ayant mérité de perdre la tutelle par une inconduite notoire (444), et ses enfans devant cesser de lui être confiés, il serait injuste qu'elle conservât encore la jouissance de leurs biens lorsqu'elle s'est rendue indigne de conserver l'administration de leur personne; que dans tous les temps les veuves, vivant dans un état d'impudicité notoire, ont été déclarées par les lois, bien plus coupables envers leurs enfans, que celles qui contractaient de nouveaux mariages (1); que toujours elles ont été soumises aux peines des secondes noces, parce qu'il serait

(1) Voy. la loi 7 au cod. de revocandis donat., lib. 8, tit. 56.

répugnant autant aux principes de la raison qu'à ceux de la morale, d'accorder plus de droit à l'état de débauche d'une femme, qu'à celui d'épouse légitime, non enim amplius aliquid habebit castitate, luxuria (1); que la justice exige ici la même condamnation, au moins par forme de dommages et intérêts envers les enfans; que tel a toujours été le sentiment des auteurs tant anciens (2) que modernes (3); que telle a toujours été aussi la jurisprudence des Tribunaux français, comme on peut le voir soit dans le dictionnaire de Brillon, au mot veuve, n.os 21 et suiv., soit dans le dictionnaire des arrêts modernes, au mot usufruit, n.o 18, où l'on rapporte un arrêt de la cour de Limoges, du 16 juillet 1807 et même un autre du 2 avril 1810, par lesquels cette question a été ainsi jugée. 147. Suivant l'article 305 du code, dans le cas de divorce par consentement mutuel, la propriété de la moitié des biens de chacun des deux époux est acquise, de plein droit, aux enfans nés de leur mariage : et néanmoins les père et mère en conservent la jouissance jusqu'à la majorité de leurs enfans, à la charge de pourvoir à leur nourriture, entretien et éducation, conformément à leur fortune et à leur état. Ce droit de

(1) Novel. 39, cap. 2 in fine.

(2) Voy. dans SURDUS, de alimentis, tit. 7, quest. 24; -Dans GARCIAS, de conjugali quæstu, n.o 3g et suiv. (3) Voy. dans BRETONNIER Sur Henrys, liv. 4, chap. 6, quest. 66, n.o 13. COQUILLE, sur la coutume du Nivernois, quest. 1'17.

jouissance doit-il être aussi considéré comme éteint par le convol de la mère divorcée ?

Nous ne le pensons pas; parce que ce n'est point ici le cas de l'usufruit légal ordinaire dont il est question au titre de la puissance pater

nelle.

L'usufruit légal finit à l'époque où les enfans ont leurs dix-huit ans; celui-ci doit durer jusqu'à leur majorité.

L'usufruit légal dont il est question au titre de la puissance paternelle, est établi sur les biens des enfans; ici il frappe sur les biens de la mère elle-même.

Dans la constitution de l'usufruit légal, la loi fait un don; dans la réserve dont il s'agit ici, elle s'abstient seulement d'étendre sa confiscation sur la jouissance actuelle du propriétaire.

Si la veuve qui se remarie perd son usufruit légal, c'est parce que la loi ne lui en avait fait le don que sous cette condition; or, la jouissance que la veuve divorcée conserve sur ses propres biens, n'est point un don de la loi; donc elle ne doit pas être subordonnée à une condition qui n'est apposée par la loi qu'à sa propre libéralité.

Cette disposition de la loi envers les père et mère divorcés, est véritablement une disposition pénale, puisqu'elle emporte confiscation de la moitié de leurs biens au profit des enfans; mais comme, d'une part, elle leur en réserve l'usufruit jusqu'à la majorité de ceux-ci, et que, d'autre côté, il ne peut être permis d'étendre la peine au-delà du prescrit de la loi, nous devons en conclure que, dans tous les cas, la mère est

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