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(526), et dans ce dernier cas, elle veut qu'il soit susceptible d'hypothèques, pour le temps de sa durée (2118), comme le fonds sur lequel il est assis.

L'usufruit d'un fonds doit donc être envisagé comme un immeuble particulier, civilement séparé et distinct de la nue propriété, puisque la loi veut qu'il remplisse, par lui-même, les fonctions d'un véritable immeuble; et de là résultent plusieurs conséquences remarquables: 24. La première, qu'un acte constitutif d'usufruit sur un fonds, doit être passible du droit proportionnel d'enregistrement établi pour les mutations immobilières, puisqu'il emporte aliénation d'un immeuble.

25. La seconde, que la donation entre-vifs d'un droit d'usufruit sur des immeubles, doit être transcrite au bureau des hypothèques dans l'arrondissement duquel les fonds sont situés, puisque la loi veut que les donations de biens susceptibles d'hypothèques reçoivent ce complément de forme extérieure, pour en assurer l'exécution (939).

26. La troisième, que celui qui a un droit d'hy

pothèque acquis sur l'usufruit immobilier, appartenant à son débiteur, ne doit pas simplement s'inscrire sur le fonds; mais doit au contraire, par déclaration expresse, s'inscrire sur l'usufruit, puisqu'aux termes de la loi (2148), l'inscription hypothécaire doit contenir l'indication de l'espèce, et la situation des biens sur lesquels le créancier entend conserver son privilége.

27. La quatrième, que dans le cas de la saisie

TOM. I.

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réelle d'un droit d'usufruit, comme dans celui de la saisie d'un autre immeuble, il n'y a que les fruits échus depuis la dénonciation faite au saisi, qui soient immobilisés (1), pour être distribués avec le prix de l'immeuble par ordre d'hypothèques, attendu que ce n'est que le droit d'usufruit lui-même qui est immeuble, et non les fruits du fonds qui pourraient en avoir été détachés auparavant. 28. La cinquième, que celui qui, ayant acquis un droit d'usufruit sur un fonds, a fait transcrire son titre au bureau du conservateur, n'a plus rien à redouter des créanciers qui, munis de titres hypothécaires sur le fonds, n'auraient pas pris inscription dans la quinzaine de la transcription de son acte (2), et que toute inscription postérieurement prise, même en vertu de titres antérieurs à la constitution d'usufruit, ne pourrait plus frapper d'hypothèque que la nue propriété de l'immeuble; puisque, dans le droit, l'usufruit doit être considéré comme un fonds particulier qui en aurait été affranchi par l'exécution des formalités de droit.

29. La sixième, que celui qui acquiert un droit d'usufruit sur un fonds grevé d'hypothèques inscrites au moment de son acquisition, peut, comme tout autre acquéreur d'immeuble, provoquer l'affranchissement de son usufruit, en faisant transcrire son titre au bureau du conservateur (2181), pour le notifier ensuite aux créanciers inscrits et les requérir à la suren

(1) Art. 689 du cod. de procéd.
(2) Art. 834 du cod. de procéd.

chère, suivant les formes ordinaires prescrites pour la purgation des hypothèques, dans les cas de mutations volontaires (2185), comme le pourrait celui qui aurait acquis un fonds particulier faisant partie d'un domaine généralement hypothéqué par son vendeur; sauf aux créanciers le droit d'exiger ou un supplément d'hypothèque, ou le remboursement de leurs créances, contre le débiteur qui, par ce démembrement, aurait porté atteinte à leur sécurité (1). 30. La septième, que dans le cas de la vente intégrale du fonds, exécutée tant sur le propriétaire que sur l'usufruitier, il serait nécessaire de fixer, par ventilation, la partie du prix correspondant à la valeur de la nue propriété, pour en faire la distribution aux créanciers du propriétaire, ou par ordre d'hypothèques, s'ils avaient conservé leur privilége sur la nue propriété, ou par contribution, si aucuns d'eux n'étaient privilégiés, et le surplus du prix devrait être aussi distribué aux créanciers de l'usufruitier, suivant l'ordre de préférence qui pourrait exister entre eux, ou par contribution; attendu qu'il y aurait comme deux immeubles simultanément vendus sur deux différens débiteurs, et dans l'intérêt de divers créanciers dont les gages porteraient sur la nue propriété. seulement, pour les uns; et sur l'usufruit seule

ment, pour les autres.

(1) Voy. encore au chap. 19, sous le n.o 892.

CHAPITRE II.

Des Qualités qu'on doit reconnaître dans l'Usufruitier.

L'USUFRUITIER est propriétaire de son droit

d'usufruit:

Il est possesseur et même en possession civile de ce droit:

Il est détenteur à titre précaire du fonds dont il jouit :

Il est établi gardien de la chose, et doit veiller à sa conservation :

Il est procureur fondé pour les actes dans l'exécution desquels ses intérêts sont indivisiblement liés avec ceux du propriétaire.

Tels sont les différens aspects sous lesquels nous devons encore, par forme d'instruction préliminaire, envisager l'usufruitier, pour en faire usage par de nombreuses applications qu'on trouvera dans la suite.

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31. I. ET D'ABORD, l'usufruitier est propriétaire de son droit d'usufruit, puisque ce droit lui partient; d'où l'on doit tirer cette conséquence que, quand l'usufruit a été établi sur un fonds, l'usufruitier est propriétaire foncier, mais propriétaire temporaire d'un immeuble, puisque la loi veut qu'en ce cas, l'usufruit soit considéré comme un immeuble particulier, civilement séparé et distinct du fonds ou de la nue propriété.

32. II. L'USUFRUITIER, une fois mis en jouissance du fonds, est un vrai possesseur : il a la possession civile de son usufruit, puisqu'il en jouit en vertu d'un titre légitime et comme propriétaire.

Sous ce point de vue l'usufruitier n'est point un simple détenteur, parce qu'il possède pro suo; qu'il possède, en son nom propre, le démembrement qui lui appartient dans la propriété foncière; qu'en un mot, il possède corporellement et animo sibi habendi, cette portion du domaine qui constitue un immeuble entre ses mains.

Il résulte de là que l'usufruitier d'un fonds doit avoir tous les avantages des interdits possessoires, soit pour intenter la complainte à l'effet d'écarter celui qui vient le troubler dans sa jouissance; soit pour obtenir sa réintégrande, quand il a été dépcssédé par un autre : la loi romaine est précise à cet égard.

L'on sait que l'interdit uti possidetis n'a été introduit, par le Préteur, que dans la cause des possesseurs d'immeubles, pour maintenir en paisible jouissance celui qui est troublé dans sa possession: Hoc interdictum de soli possessore scriptum est; quem potiorem Prætor in soli possessione habebat (1). Or, dit Ulpien, j'estime en général que cet interdit doit avoir lieu même entre plusieurs usufruitiers, dans le cas où l'un des contendans agirait pour la défense de son. usufruit, et l'autre pour celle de sa possession:

(1) L. 1, §. I, ff. uti possidetis, lib. 43, tit. 17.

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