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» solidement et le plus avantageusement qu'il » sera possible, dans le plus court délai. »

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Le jeune Compigny, légataire, n'avait encore que sept ans, et était sous la puissance paternelle de son père.

Le testateur avait nommé un sieur Cretté pour son exécuteur testamentaire, et avait ajouté, par rapport au legs fait à son petit-fils : « Il est enten» du que ledit citoyen Cretté, exécuteur testa>> mentaire, touchera tout ce qui est légué audit >> fils Compigny, et en fera l'emploi et le pla>> cement comme dessus, et ce jusqu'à sa ma>> jorité. >>

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Le placement de la somme léguée avait été fait par l'exécuteur testamentaire, conformément à la disposition du testateur, d'après un avis du conseil de famille.

C'est dans cet état de choses que le père du légataire prétendit être en droit de profiter des intérêts du legs, comme ayant l'usufruit légal des biens de son enfant mineur de dix-huit ans.

Il soutenait qu'en réglant la manière dont le legs serait placé, le testateur n'avait voulu pourvoir qu'à la conservation du capital, et non priver le père de sa jouissance légale; qu'en tous cas, le legs n'ayant point été fait sous la condition expresse qu'il ne jouirait pas de la somme léguée, il devait en avoir la jouissance, aux termes de l'article 387 du code.

Cette contestation élevée entre le père et l'exécuteur testamentaire fut portée au tribunal de Paris, où, par jugement du 9 mai 1811, le père fut déclaré non-recevable, « attendu qu'il ré

>>sulte de la disposition du testament de M. Jean>> Baptiste Sévenet, relative au legs de 2000 fr. >> au profit du mineur Compigny, son petit-fils, » que l'intention expresse du testateur a été que >> cette somme et ses produits profitassent en >> entier au légataire. » Cette sentence ayant été déférée à la Cour de Paris, elle en adopta simplement les motifs, et la confirma par son arrêt du 24 mars 1812 (1).

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154. LE PÈRE doit-il avoir la jouissance de l'usufruit qui serait légué au fils mineur de dixhuit ans?

peut dire pour la négative que

On le profit d'un legs de cette nature est tout entier dans la jouissance, puisqu'il n'y a que la jouissance de léguée; qu'ainsi, en l'accordant au père, ce serait substituer un légataire, étranger à la volonté du testateur, au lieu et place du légataire qu'il avait voulu; que par cela seul que l'usufruit n'est légué qu'au fils, la volonté du testateur est suffisamment exprimée pour en exclure le père, puisqu'autrement il ne resterait rien qui appartint au fils durant la jouissance du père.

Nonobstant ces raisonnemens, il nous paraît incontestable que le père doit avoir la jouissance de l'usufruit légué au fils, puisqu'il a généralement la jouissance de tout ce qui lui appartient, et que le droit d'usufruit légué au fils est réellement la propriété ou le bien de celui-ci.

Vainement dit-on que tout l'avantage d'un legs de cette nature ne consistant que dans la jouis

(1) Voy. dans le recueil de SIREY, tom. 12, au supplément, pag. 329.

sance, le testateur est censé en avoir exclu le père, par cela seul qu'il ne le fait qu'au profit du fils; car il n'est pas permis d'arguer d'une exclusion tacite là où la loi veut qu'il y ait une exclusion expresse; et le testateur n'ayant ni prohibé la jouissance au père, ni déclaré qu'il entendait que le fils en profitât seul dès le moment de son décès, est au contraire censé avoir subordonné sa disposition à la règle du droit commun.

Quand l'usufruit a été légué au fils, quoique le père ait le droit d'en percevoir les émolumens utiles pendant un temps, c'est toujours le fils qui est réellement l'usufruitier vis-à-vis du propriétaire du fonds, parce que c'est sur sa tête que repose le droit légué; d'où il résulte que la jouissance du père doit prendre fin par le décès du fils, parce qu'alors il y a extinction dans la chose. Il en était autrement par le droit romain: l'usufruit ainsi acquis durait jusqu'à la mort du père, nonobstant que le fils fût prédécédé (1); mais c'était là un reste de la maxime: quidquid acquirit filius, acquiritur patri, qui n'est pas à considérer parmi nous comme chez les Romains.

Lorsque le père entre en jouissance de l'usufruit légué à son fils, c'est à lui à faire inventaire, puisqu'il a la double qualité d'usufruitier dans son intérêt, et de tuteur-administrant dans l'intérêt du fils. Nous croyons même que c'est à lui à en supporter les frais, sans répétition contre le fils, parce qu'il en doit un de son chef, et qu'il n'y en a pas deux à faire.

(1) Voy. l. 17, cod. de usufructu, lib. 3, tit. 33.

Quant au cautionnement à fournir pour la sureté du propriétaire, c'est le fils qui en est le débiteur direct, puisque c'est lui qui est l'usufruitier vis-à-vis du maître du fonds; mais, comme le propriétaire ne doit pas souffrir de ce que le père vient, pendant un temps, occuper la place du fils, la caution doit être tenue de répondre des dégradations que pourrait commettre soit le père durant sa jouissance, soit le fils lorsqu'il sera lui-même en possession.

CINQUIÈME EXCEPTION.

155. Aux termes de l'article 730 du code, « les >> enfans de l'indigne venant à la succession de «<leur chef, et sans le secours de la représenta» tion, ne sont pas exclus par la faute de leur >> père; mais celui-ci ne peut, en aucun cas, >> réclamer, sur les biens de cette succession, >> l'usufruit que la loi accorde aux père et mère » sur les biens de leurs enfans. »

Ces expressions ne sont pas exclus par la faute de leur père, ne sont point limitatives et ne doivent pas être restreintes au seul cas de l'indignité du père les derniers termes de l'article nous indiquent assez que les droits des enfans sont les mêmes quand c'est leur mère qui s'est rendue indigne.

Ainsi, lorsque le père ou la mère se sont rendus indignes de succéder, et qu'il n'y a pas d'autres parens plus proches en degrés que leurs enfans, ou qui doivent exclure ceux-ci par droit de représentation; ce sont les enfans, venant alors de leur chef, qui doivent recueillir la suc

cession qui aurait été dévolue à leur père ou à leur mère; et comme l'indigne n'en doit aucunement profiter, la loi veut qu'il soit exclu même du droit d'usufruit paternel sur les biens de cette hérédité.

Cette cause d'exception à l'usufruit légal n'est pas universelle: elle ne porte que sur les biens de la succession dont l'indigne est évincé : si donc les enfans avaient déjà d'autres biens, ou s'il venait à leur en échoir par la suite et durant leur minorité de dix-huit ans, le père ou la mère n'en aurait pas moins la jouissance, quoiqu'il eût été exclu de celle de la succession dont il s'était rendu indigne.

Lorsque le père et la mère sont vivans l'un et l'autre, si c'est la mère qui s'est rendue indigne de la succession à laquelle ses enfans se trouvent appelés, de leur chef, à son défaut, le père n'en doit pas moins avoir l'exercice de son usufruit légal, parce qu'il ne doit pas souffrir de la faute d'autrui, et qu'à son égard les biens dévolus à ses enfans rentrent sous l'empire de la règle

commune.

Mais, s'il avait été déclaré complice du crime qui a rendu la mère indigne, il devrait lui-même être écarté de toute prétention à l'usufruit légal sur les biens de la succession, parce que la cause de l'indignité lui serait applicable dans la mesure de ses intérêts, comme à la mère.

Si, au contraire, c'est le père qui s'est rendu indigne, l'usufruit dont il reste privé cède au profit de ses enfans, sans être d'abord réversible à la mère, soit parce que, du vivant du mari,

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