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que

elle n'a point la puissance paternelle, soit parce si on l'admettait, de suite, à le revendiquer, c'est le père lui-même qui en profiterait, comme ayant la jouissance des biens de sa femme; mais après la mort du père déclaré indigne, la mère survivante, se trouvant revêtue de la puissance paternelle, sera en droit d'en réclamer tous les effets, et par conséquent de revendiquer l'usufruit légal des biens de la succession possédée par ses enfans qui seraient encore mineurs de dix-huit

ans.

156. L'exclusion pour cause d'indignité n'a pas lieu de plein droit: il faut qu'il y ait un jugement qui déclare l'héritier coupable du crime auquel cette peine est attachée, et qui le condamne en conséquence à relâcher les biens de la succession dont il peut avoir joui plus ou moins longtemps, et alors il est tenu de rendre aussi tous les fruits qu'il a perçus depuis l'ouverture de l'hérédité (729); soit parce que c'est là une partie accessoire de la peine à laquelle il est condamné, soit parce qu'ayant la conscience de son crime, il ne peut revendiquer les avantages du possesseur de bonne foi.

Si, nonobstant la condamnation du père ou de la mère, ils conservaient encore la tutelle de leurs enfans, comme cela peut être, suivant la nature de la peine prononcée contre eux, c'est seulement à la fin de leur administration qu'ils seraient tenus de rendre compte des fruits ou revenus de la succession, ou de l'emploi qu'ils en auraient dû faire au profit des mineurs, sui

vant les règles auxquelles est soumise la gestion des tuteurs.

Il serait possible aussi que le père ou la mère déclarés coupables du crime emportant indignité fussent condamnés à une peine qui emportât la déchéance de la tutelle (1); alors le tuteur donné aux enfans aurait une action pour se faire remettre l'administration des biens de ceux-ci, et pour forcer l'indigne à la restitution des fruits perçus pendant son indue jouissance. Cependant, si, au moyen de cette restitution, le père ou la mère se trouvaient réduits à l'état d'indigence, il devrait leur être fourni des alimens sur le bien des enfans, parce que ceux-ci ne peuvent cesser d'être soumis aux devoirs de la piété filiale envers les auteurs de leurs jours: Sed paternæ reverentiæ congruum est, egenti fortè patri officio judicis ex accessionibus hæreditariis emolumentum prœstari (2).

157. Mais, dans ce cas, le père ou la mère qui

serait actionné en délaissement de la succession, par le tuteur donné aux enfans, pourrait-il, par rapport à son état de pauvreté, demander à jouir du bénéfice de compétence, en se retenant sur les biens de l'hérédité ce qui serait rigoureusement nécessaire pour ses alimens?

Le bénéfice de compétence est un privilége particulier, accordé à certaines personnes, en (1) Voy. les art. 28, 34 et 42 du cod. pénal. (2) L. 50 in fine,ff. ad S.-C. Trebellianum, lib. 36,

tit. 1.

vertu duquel le débiteur, poursuivi en paiement de sa dette, et discuté dans ses biens, peut, par exception, demander à retenir ce dont la jouissance lui est nécessaire pour subsister.

Dans les termes du droit ancien, ce bénéfice appartenait entr'autres au donateur poursuivi en paiement de la donation par le donataire, et aux ascendans et descendans entr'eux, poursuivis les uns par les autres en paiement de toute espèce de dettes civiles: Actio in id quod facere possit, danda est: ita ut et ipsi donatori aliquid sufficiens relinquatur. Quod maximè inter parentes et liberos observandum est (1). Quoique notre code ne porte pas explicitement les mêmes dispositions, nous croyons qu'on doit encore suivre, à cet égard, les principes de l'ancienne jurisprudence.

Ce privilége est fondé sur ce que, quand le créancier doit des alimens au débiteur, il y aurait de la contradiction à exproprier entièrement celui-ci, sans lui laisser de quoi subsister; parce qu'alors le créancier se trouverait obligé de lui rendre, d'une main, une portion de ce qu'il lui aurait enlevé de l'autre : or, la même raison existe d'après le code, puisqu'il veut également que les ascendans et les descendans se fournissent des alimens (205, 207), et que le donataire en doive au donateur qui se trouve dans le besoin (955); donc on doit encore admettre parmi nous l'usage du bénéfice de compétence.

Mais doit-il avoir lieu dans le cas de la ques

(1) L. 30, ff. de re judicat,, lib. 42, tit, 1.

tion proposée? C'est ce que nous ne pensons pas. Ce bénéfice, en effet, n'a été introduit, et n'a jamais été admis qu'en faveur du débiteur de quantités poursuivi pour dettes mobilières et personnelles, et exproprié dans ses biens. Il n'appartient point et ne peut appartenir au détenteur de la chose d'autrui contre lequel l'action en revendication est exercée par le maître; fundum quis donavit. Si non restituat, ut quivis possessor damnandus est (1); autrement il faudrait l'accorder même au voleur pour conserver une partie de la chose volée (2): or, la demande formée par le tuteur des enfans mineurs, contre le père ou la mère déclarés indignes, pour obtenir la restitution des biens de la succession dont ils sont déchus, est une action en revendication de biens d'autrui dont ils ne sont que détenteurs pour s'en être indûment emparés : donc ils ne peuvent invoquer le bénéfice de compétence en leur faveur: mais l'action alimentaire leur reste. 158. Le père ayant renoncé à une succession qui se trouve par là dévolue à ses enfans mineurs, doit-il être non-recevable à en exiger ensuite l'usufruit légal, comme il en serait déchu s'il avait été déclaré indigne?

Pour soutenir l'affirmative, on peut présenter les motifs suivans:

Lorsque, pour cause d'indignité, le père est

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(1) L. 41, §. 1, ff. de re judicat., lib. 42, tit. 1. (2) Voy. dans SURDUS, de alimentis, tit. I, quest. 78,1 n.o 39 et 40; et dans CUJAS sur la loi 41, ff. de re judicatá.

privé d'une succession qui se trouve par là dévolue à ses enfans, il n'en doit point retenir l'usufruit, parce qu'il est exclu du tout: il ne doit pas le retenir davantage quand il abdique volontairement la succession, parce qu'il renonce également au tout.

Suivant la loi romaine, la renonciation au droit d'usufruit pouvait être tacite, puisqu'il suffisait que le père eût laissé jouir son fils, pour que celui-ci fût exempt de rendre aucun compte et de faire aucun rapport de sa jouissance (1). A plus forte raison devons-nous la faire résulter aujourd'hui d'un acte formel d'abandon par lequel le père renvoie tous ses droits à ses enfans.

En admettant qu'il eût renoncé, par rapport à l'insolvabilité de la succession, on ne pourrait supposer, en même temps, en lui, la volonté de profiter d'une chose qu'il n'aurait repoussée que pour l'avoir jugée de nulle valeur ou onéreuse; il aurait donc voulu renoncer réellement à tous ses droits.

Mais ce n'est pas sous ce seul point de vue que la question doit être envisagée. Un père qui renonce à une succession qui se trouve par là dévolue à ses enfans, leur fait nécessairement une libéralité, par le transport qui s'opère de ses droits sur leur tête; il ne peut donc être recevable à leur reprendre une partie de ce qu'il a voulu leur donner. S'il leur avait fait une

(1) Voy. l. 6, S. 2, verb. sin autem, cod. de bonis qua liberis, lib. 6, tit. 61.

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