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donation ordinaire d'un fonds, sans s'en rien réserver, il ne serait certainement pas recevable à leur en reprendre l'usufruit: il doit en être de même ici, parce que la renonciation dont il s'agit ne peut avoir des effets moins étendus qu'une donation.

Nonobstant tous ces raisonnemens, nous croyons qu'il faut tenir pour constant que le droit d'usufruit légal doit encore avoir lieu dans ce cas; parce que la qualité d'héritier abdiquée par le père, n'a rien de commun avec celle d'usufruitier dont il veut se prévaloir ensuite; que par conséquent la renonciation qu'il a faite à l'une de ces qualités, ne doit point le priver des avantages inhérens à l'autre; qu'un premier bienfait accordé à ses enfans, par l'acte de renonciation, ne peut être, pour eux, un titre qui les autorise à exiger un nouveau sacrifice de sa part; qu'ayant renoncé à la succession, c'est, pour lui, comme s'il n'avait jamais été appelé à la recueillir, et pour ses enfans, comme s'ils y avaient été appelés en premier ordre; qu'ainsi on ne pourrait lui refuser le droit d'usufruit légal, en ce cas, sans contrevenir aux dispositions de la loi qui le lui accorde généralement sur toutes les successions. dévolues à ses mineurs; qu'enfin, pour faire cesser le droit d'usufruit, par la volonté de celui qui en est revêtu, la loi veut qu'il y ait formellement renoncé (621), tandis qu'il n'y a point ici de renonciation formelle.

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159. Suivant l'article 1442 du code, « le défaut » d'inventaire après la mort naturelle ou ci>> vile de l'un des époux, ne donne pas lieu à » la continuation de la communauté; sauf les » poursuites des parties intéressées, relativement » à la consistance des biens et effets communs, >> dont la preuve pourra être faite tant par titre » que par la commune renommée.

» S'il y a des enfans mineurs, le défaut d'in» ventaire fait perdre en outre à l'époux survi>> vant, la jouissance de leurs revenus; et le >> subrogé tuteur qui ne l'a point obligé à faire >> inventaire, est solidairement tenu avec lui de >> toutes les condamnations qui peuvent être >> prononcées au profit des mineurs. >>

L'article 2, chapitre 11 de la coutume d'Auvergne, contenait une disposition semblable contre le père ayant l'usufruit légal des biens de ses enfans, lorsqu'il venait à se marier sans avoir préalablement fait inventaire.

160. Tout tuteur est tenu de faire, dans les dix jours de l'entrée en jouissance de ses fonctions, procéder à l'inventaire des biens de ses mineurs (451); c'est là la première base du compte qu'il devra rendre à la fin de son administration. Mais, en thèse générale, l'omis sion de cette formalité conservatoire n'entraîne d'autres peines que celles de droit, lesquelles ne peuvent consister que dans la destitution pour infidélité dans la gestion du tuteur 444, §. 2), suivant les circonstances, et dans

la

la condamnation aux dommages et intérêts que les mineurs pourraient ressentir de sa mauvaise administration (450): nous ne voyons généralement pas d'autres peines prononcées dans le code. Ici, la loi va plus loin: elle ne veut pas que le survivant des père et mère qui a exposé ses enfans mineurs à des pertes, en omettant de faire inventaire, puisse en être quitte en leur offrant toute indemnité de droit; elle veut qu'il soit en outre puni par la privation de sa jouissance. C'est donc là tout à la fois une disposition d'exception, puisqu'elle étend ses effets audelà de la règle commune; et une disposition pénale, puisqu'elle prive le tuteur d'un droit qui lui est personnel, sans se borner au désintéressement des mineurs. C'est en partant de cette idée prédominante, comme d'un principe que nous croyons juste, que nous allons présenter quelques réflexions sur cet article du code. Reprenons-en les principales expressions. 161. Le défaut d'inventaire après la mort naturelle ou civile de l'un des époux, ne donne pas lieu à la continuation de la communauté. Par ces dernières expressions, les auteurs du code ont voulu abroger, pour l'avenir, la disposition des coutumes qui accordait aux enfans mineurs le droit de demander la continuation de la communauté, ou, en d'autres termes, la faculté d'exiger, comme associés du survivant des père et mère, leur part dans ce que celui-ci pouvait acquérir, tant qu'il n'apas fait inventaire des biens de la commu

vait

TOM. I.

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nauté, c'est-à-dire des effets communs entre eux et lui.

Il est clair, à vue de ce texte, que la disposition de la loi sur la nécessité de faire inventaire, n'a ici pour objet que les biens de la communauté qui aurait existé entre les père et mère, c'est-à-dire les effets qui, par la mort de l'un des époux, se trouvent communs entre le survivant et ses enfans mineurs, héritiers du prédécédé. Et de là il résulte que si les père et mère avaient été mariés conformément au ré

gime dotal, le survivant d'eux qui ne ferait point inventaire de la succession de l'autre, ne devrait pas être, par cela seul, condamné à souffrir la privation de son usufruit légal, parce qu'on ne doit point appliquer une loi pénale et d'exception hors le cas pour lequel elle a statué.

Pourquoi la peine dont il s'agit ici est - elle également prononcée contre les deux époux? C'est par la raison que leur condition est la même quand le mariage a été contracté en communauté; car quel que soit alors le survivant d'eux, il peut également abuser des effets communs qui sont sous sa main.

162. Il n'en est pas de même quand le mariage

a été contracté conformément au régime dotal: dans ce cas, si c'est la mère qui vienne à mourir en premier ordre, les enfans n'ayant rien de son chef, dans les effets mobiliers du ménage, et ne succédant qu'à ses reprises dotales dont les actions sont le plus souvent entièrement fixées par son contrat de mariage, il n'y a pas la même nécessité de faire inventaire, pour mettre obs

tacle aux soustractions; et par conséquent on ne doit pas étendre au cas du régime dotal la disposition pénale qu'on ne trouve portée dans la loi que pour le cas de dissolution de communauté.

Il faut encore tirer de là une autre conséquence; c'est que si une fois le survivant des époux a assuré la conservation de son usufruit par un inventaire régulier des effets de la communauté, et qu'il échoie, par la suite, encore quelques autres successions à ses enfans mineurs de dix-huit ans, il aura le droit d'en jouir, lors même qu'il n'en aurait pas également fait inventaire, puisque cette espèce de commise n'est prononcée que pour le cas d'omission d'inventaire des effets de la communauté; et qu'il serait contraire aux principes d'étendre une disposition pénale et d'exception au-delà de son hypothèse (1).

163. Sauf les poursuites des parties intéressées relativement à la consistance des biens et effets communs, dont la preuve pourra être faite, tant par titre que par la commune renommée. L'enquête par commune renommée est celle en exécution de laquelle les témoins sont appelés pour déclarer quelle est leur opinion sur la valeur estimative de la masse des biens dont on recherche la consistance.

Dans les enquêtes ordinaires, le témoin ne ne doit dire que ce qu'il a vu ou entendu. S'il

(1) Voy. une question toute pareille, ainsi décidée dans CHABROL, sur la coutume d'Auvergne, chap. II, art. 2, sect. 3, quest. 1, vers la fin.

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