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déclarait son opinion, il donnerait lieu à le faire suspecter, parce que cette déclaration indiquerait sa partialité en faveur de l'une ou l'autre des parties. Une fois qu'il a déposé de ce qu'il a vu ou entendu, et qu'il a répondu aux interpellations qui lui sont adressées sur les circonstances du fait attesté, ses fonctions sont entièrement remplies; et c'est au juge seul qu'il appartient de tirer les conséquences qui peuvent résulter des faits attestés.

Il n'en est pas de même dans l'enquête par commune renommée. Ici le témoin ne doit pas se borner à déclarer ce qu'il a vu ou entendu. Il doit énoncer son opinion sur la valeur estimative des choses dont on recherche la consistance, comme s'il avait été nommé expert pour en faire l'appréciation; et les élémens de son opinion peuvent résulter non-seulement de ce qu'il a vu par lui-même, mais encore de l'opinion publique telle qu'il a pu l'apprécier dans le temps, et c'est là ce que nous indiquent assez ces expressions, par commune renommée.

Il y a donc dans l'enquête par commune renommée quelque chose d'exorbitant sur les enquêtes ordinaires; mais ce moyen est juste à l'égard de celui qui, omettant de faire inventaire, a voulu se ménager la faculté d'abuser de tout; et c'est là la première voie répressive que la loi veut qu'on emploie contre celui des époux qui a négligé de faire constater le montant de la communauté, que ses enfans, quel que soit leur âge, sont appelés à partager avec lui: mais s'il y a parmi eux des mineurs, la

loi ne borne pas là toute la peine que mérite le défaut d'inventaire.

164. S'il y a des enfans mineurs, le défaut d'inventaire fait perdre, etc.... Ainsi le défaut d'inventaire ne donne pas seulement aux enfans le droit d'établir la consistance de la communauté par l'enquête extraordinaire de la commune renommée; il leur donne aussi celui d'exiger le rapport de tous les fruits de leurs biens.

Ainsi, il ne suffirait pas même au survivant des époux de reproduire exactement toute la part des enfans dans la communauté, pour se soustraire au rapport des fruits, puisque la commise de son droit de jouissance est opérée par la seule omission d'inventaire, sans prendre égard à d'autres causes.

Ainsi encore, il n'est point nécessaire que les enfans obtiennent un jugement en déchéance contre le survivant des père et mère, pour le rendre passible du rapport des fruits, et le forcer à en faire la restitution. La peine dont il s'agit ici n'est pas seulement comminatoire, et le rapport des fruits n'est pas seulement dû dès le jour de la demande ; car il est évident que, par ces expressions, le défaut d'inventaire fait perdre en outre, la loi veut que la peine soit encourue de plein droit; d'où il suit que lors du compte qu'il doit rendre à la fin de sa tutelle, le survivant des époux doit être, de plein droit, soumis au rapport des fruits des biens de ses enfans, à dater du jour de la mort du prédécédé, sauf toute déduction légitime; à moins

qu'il ne produise un inventaire de la communauté, régulièrement fait dans le temps.

Nous disons régulièrement fait; car du moment que la conservation du droit d'usufruit est subordonnée à la confection d'un inventaire de la communauté, il faut que cet inventaire ait été légalement consommé : il serait absurde d'entendre la loi autrement, et de vouloir satisfaire à une condition qu'elle impose, par un acte qu'elle réprouve.

165. Pour que l'inventaire soit légal, il faut, en premier lieu, qu'il ait été fait avec un contradicteur légitime. Puisqu'il doit être la loi commune de toutes les parties intéressées, il est nécessaire que toutes y aient été représentées lors de sa confection. Ce légitime contradicteur est le subrogé tuteur qui doit préalablement être nommé par le conseil de famille des mineurs pour la défense de leurs droits, par-tout où ils se trouvent en opposition d'intérêt avec leur tuteur direct (420), et spécialement pour assister, en leur nom, à l'acte dont il s'agit (451).

Nous ne pensons pas que le subrogé tuteur puisse, régulièrement parlant, se faire représenter lui-même à l'inventaire, par un fondé de pouvoirs; soit parce que ses fonctions ne sont pas de nature à être sous-déléguées sans nécessité; soit parce que la loi (451) paraît exiger sa présence personnelle à cet acte qui est de la première importance pour les intérêts des mineurs (1).

(1) Voy. dans FERRIÈRE, sur l'art. 240 de la coutume de Paris, glose 2, n.o 1.

On conçoit néanmoins que si un service public, une mission du Gouvernement, ou une autre cause indispensable retenait le subrogé tuteur dans l'éloignement, il en devrait être de lui comme du tuteur direct (426), qui, n'ayant pas fait valoir ses excuses (430), ne peut gérer que par le ministère d'autrui, c'est-à-dire, par un agent établi sous sa responsabilité (454), lorsque, revêtu d'une fonction qui le retient éloigné, il se trouve dans l'impossibilité d'agir par lui-même.

La seconde condition requise pour que l'inventaire soit légal, c'est qu'il ait été fait pardevant notaire. Sous la coutume de Paris on exigeait cette forme authentique dans la cause du survivant des père et mère qui voulait mettre obstacle à la continuation de la communauté avec ses enfans mineurs (1). Nous croyons qu'on doit l'exiger également aujourd'hui à l'égard de celui qui veut conserver son droit d'usufruit paternel. Il nous paraît du moins incontestable qu'il faudrait de grandes raisons d'équité pour qu'on dût se contenter d'un inventaire sous seing privé, et qu'il faudrait sur-tout que les circonstances, dans lesquelles les parties auraient agi, les placassent bien au-dessus de tout soupcon de fraude.

166. Nous verrons plus bas que, pour procéder en toute rigueur en cette matière, l'inventaire doit être fait par acte authentique, puisqu'il faut qu'il ait une date certaine.

(1) Voy. dans FERRIÈRE, sur l'art. 240, glose 2, n.° 8; et au même tom., pag. 575, n.o 12.

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Le notaire est un surveillant impartial, sous les yeux duquel on n'oserait commettre de soustractions sa présence et sa coopération garantissent que les intérêts des mineurs seront respectés. Il y a plus; il est l'homme de la loi spécialement délégué pour les opérations de ce genre.

Suivant l'article 451 du code, le tuteur paraissant à l'inventaire pupillaire doit y déclarer s'il lui est dû quelque chose par le mineur; et cette déclaration doit être faite sur la réquisition de l'officier public préposé pour recevoir cet acte donc l'inventaire pupillaire doit être reçu par un officier public.

Aux termes de l'article 1456, lorsque c'est la femme survivante qui fait inventaire, elle doit l'affirmer sincère et véritable devant l'officier public qui l'a reçu dans le cas de la question qui nous occupe, on ne doit pas moins exiger du père que de la mère, puisque la condition de l'inventaire est ici imposée à l'un comme à l'autre ; il faut donc employer le ministère d'un officier public pour y procéder, puisqu'il doit être affirmé sincère et véritable devant l'officier public qui l'a reçu: or, suivant l'article 10 du décret du 6, sanctionné le 27 mars 1791, sur l'ordre judiciaire, la confection des inventaires a été placée dans les attributions des notaires; et cette disposition se trouve implicitement confirmée par l'article 945 du code de procédure civile donc, pour être légal,

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