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ont empêché, il est clair qu'il doit être, jusquelà, privé de la jouissance des biens de ses enfans, puisqu'il n'a pas satisfait au devoir qui lui était imposé pour l'obtenir mais alors pourrait-il, après un délai plus ou moins long, un an, deux ans ou trois ans, par exemple, être admis à purla demeure; et quel serait dans son intérêt et celui de ses enfans, l'effet d'un inventaire par lui exécuté, après l'avoir ainsi négligé plus ou moins long-temps? 174. Nous avons fait voir plus haut que

ger

la confection d'inventaire dont est tenu le père ou la mère, pour conserver son usufruit, est l'objet ou le terme d'une condition potestative, et que l'accomplissement des conditions de cette nature n'a point d'effet rétroactif, à moins qu'il n'ait eu lieu dans le délai de droit; et de-là nous devons tirer cette conséquence, qu'un inventaire tardif, ou fait hors des délais dont nous avons parlé, ne peut donner au survivant des père et mère le droit de conserver les fruits perçus auparavant; mais pourra-t-il faire siens, ceux qu'il percevra depuis, et jusqu'à ce que ses enfans aient leurs dix-huit ans accomplis ?

La difficulté de cette question est plus dans le fait dans le droit. Nous croyons que, pour que la résoudre équitablement, on doit admettre cette distinction: ou au temps de l'inventaire, la consistance de la communauté n'a pas éprouvé encore d'altérations assez notables pour empêcher qu'elle soit exactement constatée par les documens ordinaires; ou elle a subi des changemens tels qu'il ne serait plus possible de s'as

surer de l'exactitude de l'inventaire, autrement qu'en recourant au moyen de l'enquête.

Dans le premier cas, c'est-à-dire, lorsque les effets de la communauté existent encore en nature ou qu'il n'y en a que peu de distraits, sans qu'on aperçoive de soustractions frauduleuses; l'inventaire pouvant encore être fait avec exactitude, en y comprenant la valeur des objets distraits et déclarés de bonne foi, doit avoir son effet, dans le futur, en faveur du survivant des époux, parce qu'il peut dire qu'ayant enfin satisfait à l'obligation qui lui était imposée, il n'y a plus de raison de lui refuser, pour l'avenir, les droits attachés à l'accomplissement de eette condition.

Dans le second cas, c'est-à-dire, lorsqu'à l'époque où l'on a voulu procéder à un inventaire, les élémens de la communauté n'étaient plus assez présens pour en faire la reconnaissance sans s'en rapporter à l'arbitraire du déclarant, ou sans se livrer à des souvenirs vagues et incertains, en sorte que pour en rechercher toute la consistance, le moyen de l'enquête par commune renommée fût jugé nécessaire, la condition imposée au survivant des père et mère devrait être considérée comme absolument défaillante, et son droit d'usufruit comme entièrement périmé; car l'inventaire n'étant exigé que pour éviter l'embarras d'une enquête sur le redressement des soustractions et omissions possibles, il y aurait de la contradiction à lui accorder son entier effet comme condition imposée à l'usufruitier, lorsqu'il faut encore recourir aux moyens ruineux

et incertains qu'on devait prévenir en le faisant à temps utile.

175. Cette décision ressort du texte même de l'article du code que nous expliquons, puisqu'il veut que quand on a négligé de faire inventaire de la communauté, tandis que les effets en étaient. actuels et présens, les enfans soient admis à la preuve par commune renommée contre le survivant des père et mère, et que celui-ci soit, en outre, privé de la jouissance de leurs revenus. 176. On pourrait nous opposer ici, par comparaison, ce qui se pratiquait sous la coutume de Paris, relativement à la continuation de la communauté. Suivant cette coutume, le survivant des époux était obligé de faire inventaire pour ne pas rester en société avec ses enfans mineurs; comme il est obligé par le code à prendre la même précaution pour ne pas perdre son usufruit. Lorsqu'il n'avait pas satisfait à cette condition, dans les délais de droit, il était tenu de souffrir la continuation de la communauté pour le temps antérieur, comme il doit perdre aujourd'hui les avantages de son usufruit pendant le même temps; mais quelle que fût l'époque à laquelle il eût fait inventaire, la rupture de la communauté était opérée pour l'avenir (1). Pourquoi, dira-t-on, n'en serait-il pas de même relativement à la conservation du droit d'usufruit, pour le temps postérieur à la confection de l'in

ventaire ?

(1) Voy. dans FERRIÈRE, sur l'art. 241 de la coutume de Paris, glose I, n.o 6.

mun,

Cette comparaison n'est pas exacte; car, si la jurisprudence ancienne avait admis que la communauté pouvait être dissoute même par un inventaire tardif et composé d'élémens plus ou moins incertains, c'est, comme le disent les auteurs, par la raison que personne ne peut être tenu de demeurer en communion; que l'état de communion forcée peut être, par cela seul qu'il est forcé, préjudiciable aux intérêts de tous les communiers; qu'ainsi le survivant des pèrė et mère qui se proposait de dissoudre la communauté, pouvait toujours y parvenir puisqu'on n'aurait pu l'en empêcher, et qu'il ne tendait qu'à une chose qui, dans les principes du droit comn'aurait dépendu que de sa seule volonté; c'est pourquoi il lui était permis de parvenir à cette fin, même en recherchant dans la commune renommée les élémens de son inventaire; mais cette raison ne peut être applicable à la cause de celui qui veut éviter aujourd'hui la privation de son usufruit, parce qu'il est sensible que la loi qui subordonne l'exercice de cette jouissance à la condition d'un inventaire fidèle et régulier, afin d'écarter l'arbitraire et d'éviter, pour les enfans, les embarras d'une enquête par commune renommée, ne peut vouloir qu'on admette comme capable de justifier l'accomplissement de cette condition, un simulacre d'inventaire qui laisse subsister tous les inconvéniens et toutes les incertitudes qu'elle voulait prévenir. 177. En résumé, il résulte de tout ce que nous avons dit sur les délais de l'inventaire dont il s'agit:

1.0 Que le survivant des père et mère qui a fait inventaire dans les trois mois, doit jouir de son usufruit à dater rétroactivement du jour de la dissolution de la communauté;

2o. Qu'il en est de même de celui qui ne l'a terminé que plus tard, par rapport à des obstacles involontaires, à raison desquels il a obtenu en justice une prorogation de délai;

5.° Que, hors ces deux cas, celui qui a fait un inventaire tardif, doit rendre compte, aux mineurs, des revenus de leurs biens perçus avant qu'il eût satisfait à cette formalité;

4.° Que si l'inventaire, quoique tardif, a été fait de bonne foi sans soustractions ni recélés, et qu'il ait pu être exécuté assez exactement pour qu'on doive s'en référer à ce qui y est porté, sans recourir à la voie des enquêtes, il doit être suffisant pour mettre obstacle au rapport des revenus des mineurs, échus depuis sa confection;

5.0 Enfin, que tout inventaire qui n'aurait été fait que par commune renommée, ou qui serait assez imparfait pour laisser encore lieu à cette espèce d'enquête sur la consistance de la communauté, doit être rejeté comme insuffisant pour l'accomplissement de la condition imposée au survivant des père et mère, et qu'il y a déchéance entière du droit d'usufruit.

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