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mière, touchant la garde, les auteurs du code ont encore introduit, sur ce point, une innovation remarquable pour les pays de droit écrit. `183. Ainsi, le père ou la mère, acceptant l'usufruit paternel, contracte personnellement une nouvelle obligation civile de nourrir et élever ses enfans mineurs auxquels les biens appartiennent, puisque cette obligation est attachée à sa jouissance, et qu'elle en est une condition pour tout le temps de sa durée.

Nous disons une nouvelle obligation civile; car elle est fondée sur une cause toute différente de celle qui résulte du fait du mariage (203), et qui impose aux père et mère le devoir de nourrir, entretenir et élever leurs enfans, par cela seul qu'ils leur ont donné la vie.

Lorsque l'obligation dont il s'agit ici, n'a pour cause que le fait de la paternité, on en doit estimer l'exécution moins largement, et elle cesse d'avoir lieu en tout ou en partie, dès que les enfans peuvent par leur travail ou industrie, suivant leur condition, acquérir de quoi satisfaire, en tout ou en partie, à leurs besoins; si modò, cùm opificem te esse dicas, in eá valetudine es ut operi sufficere non possis (1); parce qu'elle n'est fondée que sur la nécessité, et que cette cause n'existe plus du moment que les enfans ont des ressources qui leur sont propres (209), ce qui néanmoins doit toujours être entendu comparativement au plus ou moins d'aisance des père et mère.

(1) L. 5, §. 7, ff. de agnosc. et alend. liber., lib. 25,

tit. 3.

بع

Il n'en doit pas être de même de l'obligation inhérente à l'usufruit paternel. Tant que les père et mère jouissent de quelques biens de leurs enfans mineurs, ils doivent être tenus de les nourrir et entretenir, et de pourvoir à leur éducation, nonobstant que ceux-ci auraient acquis, par leurs travaux ou industrie, d'autres biens qui ne seraient pas soumis à l'usufruit légal, et que les enfans mettraient en épargne; parce que la loi déclare généralement et sans restriction que la jouissance dont il s'agit n'appartient à l'usufruitier que sous la condition de supporter cette charge; qu'on ne doit pas séparer la cause de son effet, et qu'en conséquence l'usufruit des père et mère étant le même, leur obligation doit être aussi la même, nonobstant les acquisitions industrielles des enfans.

184. Si les revenus des biens soumis à l'usufruit n'étaient pas suffisans pour satisfaire à cette charge, nonobstant ce qu'en ont dit quelques auteurs (1), nous croyons que les père et mère n'en seraient pas moins tenus d'y pourvoir intégralement sur leurs propres, et sans espoir de répéter l'excédant de la dépense, pour tout le temps de leur jouissance; parce que telle est la condition à laquelle ils se sont soumis euxmêmes.

A la vérité l'usufruitier est toujours maître de renoncer à son droit de jouissance, pour se dégager des charges qui y sont attachées, ainsi

(1) Voyez dans FERRIÈRE, sur l'art. 267 de la coutum. de Paris, glose 2, n. 12.

que nous l'exposerons plus au long dans la suite: mais, tant qu'il juge à propos de le conserver, il doit les supporter toutes, parce qu'elles lui sont intégralement imposées par la loi (1). 185. Mais devrait-on porter encore la même décision dans le cas où les enfans seraient jouissans de biens propres acquis autrement que par leur travail ou industrie; et quel serait, dans l'intérêt des père et mère, le résultat des libéralités qui pourraient être faites au profit de leurs enfans seulement?

Ces questions peuvent être relatives à trois hypothèses différentes que nous allons présenter l'une après l'autre.

186. SUPPOSONS d'abord 'que les enfans n'ayant encore aucune propriété, il leur soit fait une donation avec prohibition d'usufruit: le père ou la mère n'aura pas, dans son intérêt propre, la jouissance des biens donnés aux mineurs, puisque l'usufruit lui est prohibé; mais il n'en aura pas moins l'administration, puisqu'il est tuteur de ses enfans: il percevra donc les revenus des biens ainsi donnés, et il ne les percevra qu'à la charge d'en rendre compte à la fin de sa tutelle.

Actuellement, pour savoir quelle influence doit avoir cette libéralité sur les intérêts personnels des père et mère, il faut remarquer qu'avant la donation et lorsque les enfans n'avaient encore rien, le père ou la mère était obligé, pietatis officio, de prendre, sur ses pro

(1) Voyez plus bas au chap. 10, sous le n.o 380.

pres biens, les impenses nécessaires à l'entretien et à l'éducation des mineurs (203); mais cette obligation qui résulte du fait de la paternité, n'est imposée par la loi, aux père et mère, qu'autant que les enfans n'ont point encore de ressources propres avec lesquelles on puisse satisfaire à leurs besoins (209): elle n'était donc précédemment imposée qu'à raison d'un état de choses qui n'existe plus; elle doit donc être considérée comme éteinte, tant que les biens donnés aux mineurs pourront fournir aux dépenses nécessaires à leur entretien et à leur éducation.

Ainsi, le père ou la mère profitera indirectement de la donation faite aux enfans même avec prohibition d'usufruit, en ce qu'il se trouvera, par ce moyen, dégagé de l'obligation alimentaire qui pesait sur lui; en sorte que, dans le compte de tutelle, on ne pourra forcer le tuteur au rapport des revenus des mineurs, qu'en lui allouant, en déduction, toutes les dépenses suffisamment justifiées et utilement faites pour leur entretien et leur éducation (471); et que si ses impenses sagement faites s'élèvent audessus de la somme des revenus des enfans, il devient d'autant leur créancier légitime, ayant droit de répétition (1) sur le capital même de ceux-ci, comme ayant acquitté une charge qui ne peut peser que sur eux, tandis qu'ils ont des ressources propres pour y satisfaire.

(1) Voy. dans SURDUS, de alimentis, tit. 6, quest. 8, no 105.

On

On peut objecter contre cette décision que, nonobstant la donation faite aux enfans, le père a pu continuer leur éducation dans le même esprit qu'auparavant, c'est-à-dire avec l'intention de fournir lui-même aux dépenses nécessaires pour cet objet; qu'on doit présumer en lui cette intention, puisqu'il n'a pas dû changer d'affection pour ses enfans; que, s'il en était autrement, il n'aurait pas manqué d'émettre quelques réserves ou protestations à cet égard, et de faire régler la dépense à prendre sur le bien des pupilles; qu'ainsi l'on doit croire que c'est toujours pietatis officio qu'il a voulu fournir à leur entretien sur son propre patrimoine, ce qui ne peut lui donner aucune action en répétition.

Sans doute, s'il était prouvé par quelques faits que le père a voulu, dans le temps, fournir sur ses propres revenus, aux dépenses de ses enfans, il ne pourrait plus lui être permis de les répéter en compte (1). Mais cette intention ne peut être présumée de plein droit dans un tuteur comptable, quelle que soit d'ailleurs sa qualité, attendu que celui qui gère les affaires d'autrui est toujours censé agir dans l'esprit du compte qu'il doit rendre à la fin, et par conséquent dans l'intention de pouvoir balancer ses recettes par ses dépenses (2); et qu'il ne peut y avoir aucune induction à tirer contre le père, de ce qu'il n'a pas fait régler les dépenses de ses pupilles, puisque

(1) Vid. l. 27, §. 1, ff. de negot. gest., lib. 3, tit. 5; et 1. 32, §. 2, ff. de condict. indeb., lib. 12, tit. 6. (2) Voy. 1. 34, ff. negot. gestis, lib. 3, tit. 5. aussi dans DUPERRIER, liv. I, quest. 19.

TOM. I,

16

Voy,

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