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nés par leurs père et mère, celui qui les a recueillis et nourris peut répéter ses impenses contre les père et mère, s'ils se présentent ensuite pour revendiquer les enfans quand ils sont élevés; parce que, comme le dit Cujas (1), il n'est censé les avoir nourris que dans l'espérance d'être un jour dédommagé par le pro

duit de leurs travaux.

196. Mais le ravisseur qui a enlevé un enfant n'a pas d'action en répétition des impenses que sa nourriture, son entretien et son éducation peuvent lui avoir coûté (2).

197. Une autre question qui doit encore trouver ici sa place, consiste à savoir si ces enfans, qui n'ont pas été nourris à la maison paternelle, tandis que le père jouissait de l'usufruit de leurs biens, n'auraient pas eux-mêmes une action en indemnité à faire valoir contre lui. Ne pourraient-ils pas le forcer à rapporter dans son compte pupillaire les arrérages de la pension alimentaire qui leur était due, et à raison desquels il n'a rien déboursé?

Pour examiner cette question d'une manière générale et sous ses différens rapports, il est nécessaire de faire encore plusieurs distinctions.

Il faut d'abord distinguer le cas où les alimens ne sont dus que pietatis officio, de celui où ils sont dus en vertu d'un titre. 198. Lorsque les alimens ne sont dus que pietatis officio, c'est-à-dire, lorsque la dette alimentaire n'est uniquement fondée que sur la

(1) Observat., lib. 16, cap. 36.

(2) L. 1, cod. de infant. expositis, lib. 8, tit. 52.

disposition de la loi, qui veut que ceux qui sont parens entre eux à certains degrés, se fournissent mutuellement des alimens dans le besoin, le sentiment commun des auteurs est que les arrérages ne peuvent être répétés pour le temps passé, lorsque celui qui était créancier de la prestation alimentaire a vécu sans la recevoir (1), et sans contracter de dettes à cet égard: soit qu'il ait subsisté par le moyen de son travail ou de son industrie, soit qu'il ait reçu sa nourriture de la libéralité de quelques parens ou amis.

La raison de cette décision est que l'obligagation légale de fournir à quelqu'un des alimens, n'a lieu que pour le cas de nécessité: or, par cela seul qu'un homme a vécu sans recevoir la prestation alimentaire, et sans contracter de dettes à ce sujet, il est démontré qu'elle ne lui était pas nécessaire pour vivre, et conséquemment qu'elle ne lui était pas due. Comme elle ne pouvait être due que pour le faire vivre, et qu'il a vécu sans cela, il n'y aurait plus de cause aujourd'hui pour en demander les arrérages: Officio enim judicis ideò alimenta decernuntur, ut quis vivat nec fame pereat; nemo autem, in præteritum vivit, licet vixerit (2). Mais si celui auquel les alimens étaient dus avait contracté des dettes pour vivre, il pourrait exiger les arrérages de sa pension, si le débiteur n'avait d'ailleurs pas

(1) Voy. dans SURDUS, de alimentis, tit. 1, quæst. 32,

n.° 40.

(2) Codex Fabrian., lib. 4, tit 7, def. 20.

d'autre exception à lui opposer que celle qui résulterait de la circonstance qu'il aurait vécu plus ou moins long-temps sans en avoir formé la demande (1).

199. Lorsque la dette alimentaire est fondée sur un titre, comme, par exemple, lorsqu'il s'agit de l'exécution d'un legs d'alimens fait au profit de quelqu'un, les arrérages en sont dus pour le temps passé (2) quand il ne les a pas reçus, si d'ailleurs la prestation n'était subordonnée à aucune condition à laquelle le pensionnaire eût refusé de se soumettre. La raison de cette décision, c'est que, quand les alimens sont dus en vertu d'un titre, ce n'est plus qu'une dette ordinaire, purement soumise aux règles du droit commun: on n'a plus à examiner si le pensionnaire est riche ou pauvre, s'il est dans le besoin ou non, ou s'il y a nécessité de satisfaire à la prestation pour lui donner de quoi vivre; mais seulement si la créance est fondée sur un titre valable. Et du moment que le titre est reconnu légitime, la cause de la dette reste, tant qu'elle n'a pas été acquittée. C'est pourquoi la loi romaine permet de transiger sur les arrérages de cette espèce (3), ce qui suppose qu'il est permis de les demander.

En partant de ces notions, pour les appliquer à la cause de l'enfant qui a vécu hors du domicile paternel, il faut décider que, s'il n'a pas des biens dont le père ait l'usufruit, il n'y a aucune

(1) Voy. dans CANCERIUS, variarum resolutionum, part. 1, cap. 16, n.o 19 et 20.

(2) Voy. le même auteur, ibid.

(3) L. 8, cod. de transact., lib. 2, tit. 4.

répétition à faire, contre celui-ci, pour arré rages d'alimens; à moins que le fils n'ait contracté des dettes pour vivre : car, en ce cas, les personnes qui, sans agir par esprit de libéralité, lui auraient fait des avances dont l'emploi serait justifié, auraient une action en remboursement contre le père.

200. Mais doit-on encore porter la même décision dans le cas où l'enfant a des biens dont le père jouit ?

Pour soutenir qu'en ce cas, l'enfant qui n'a point été nourri à la maison paternelle doit avoir le droit de demander une indemnité pour arrérages de pension, on peut dire que la dette des alimens n'est point alors fondée sur le simple fait de la paternité, mais bien sur un titre, attendu que, par l'acceptation de l'usufruit, il s'opère un quasi-contrat en vertu duquel l'usufruitier est tenu d'en supporter les charges et par conséquent de fournir à l'entretien des enfans, comme s'il y avait une convention expresse à cet égard; que ce quasi-contrat doit avoir tous les effets d'une convention, do ut des, puisqu'il est formé sous les mêmes conditions; qu'ainsi la prestation alimentaire due dans ce cas par le père, est véritablement fondée sur un titre; qu'elle a une cause indépendante de la nécessité, et qu'en conséquence elle doit arrérager comme si elle était due en vertu d'un legs fait par un testament.

Ces raisonnemens peuvent bien nous porter à décider qu'effectivement en ce cas, la créance du fils doit être considérée comme fondée sur un titre; mais cela ne suffit pas encore pour en con

clure qu'elle soit de nature à arrérager, pour le passé, dans tous les cas.

C'est un principe constant et reconnu par tous les auteurs (1), que, quand des alimens ont été légués, ou sont dus, à charge par le pensionnaire de les recevoir au domicile du débiteur, et que, sans cause jugée légitime, il a déserté ce domicile pour vivre ailleurs, on ne lui en doit point les arrérages pour le temps de son absence, parce qu'il a lui-même manqué à la condition à laquelle sa créance était subordonnée: Si eá conditione Aulazanus legata testamento præstari voluit, si cum focariâ suâ matreque ejus moraretur, et per eum stetit quominùs voluntati testatoris pareret ; cùm suâ sponte scripturæ testamenti non obtemperaverit, ad petitionem non admittitur (2). Or il est incontestable que, si la loi oblige les père et mère de nourrir les enfans dont ils perçoivent les revenus, elle astreint aussi les enfans à rester au domicile paternel, pour y être nourris et élevés: donc ils ne pourraient pas déserter sans motifs cette résidence, et exiger ensuite des arrérages de pension.

Toute la question se réduit donc à savoir si c'est par une cause légitime que l'enfant a quitté la maison paternelle, pour vivre ailleurs; et si cette cause est telle que, nonobstant l'éloigne

(1) Voy. dans SURDUS, de alimentis, lib. 4, quæst. 5; - dans SOTOMAYOR, de conjecturis ultim. voluntatum, cap. 60, n.o 28; dans CANCERIUS, variar. resolut., part. 1, cap. 16, n.o 15.

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(2) L. 3, cod. de cod. incertis, lib. 6, tit. 46.

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