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ment de l'enfant, la condition à laquelle ses droits alimentaires sont subordonnés, doive être réputée accomplie.

201. Ainsi, à supposer qu'un enfant n'ait quitté la maison paternelle que pour éviter les mauvais traitemens d'un père trop dur à son égard, ou pour fuir les excès qu'une marâtre se permettait envers lui, il est hors de doute qu'on devrait lui adjuger des arrérages de pension pour le temps passé hors du domicile paternel, puisque, d'une part, la prestation alimentaire lui était due en vertu du quasi-contrat du père, et que, d'autre côté, il n'aurait pas tenu à lui de satisfaire à la condition qui lui était imposée de jouir de cette prestation au domicile paternel: Item consultus de tali scriptura, et tecum sint simper, volo. Quæro, cùm manumissi ab hærede cum eo morati diù sint, sed ob graviorem servitutem ab eo discesserint: an alimenta his debeantur, quæ negavit se præstare, nisi vice servitutis his uteretur? Respondi secundùm ea quæe proponerentur deberi (1). Dans ces cas la condition sous laquelle la prestation alimentaire était due, doit être réputée accomplie soit par rapport à l'impossibilité morale où l'enfant s'est trouvé d'y satisfaire réellement, soit parce que les reproches qu'on est en droit d'adresser au père le rendent non-recevable à se prévaloir du défaut d'accomplissement réel de cette condition. 202. Ainsi, au contraire, à supposer qu'il n'y ait aucun reproche à faire au père sur l'éloignement

(1) L. 13, §. 1, ff. de aliment. legat., lib. 34, tit. I. Vide et l. 13, ff. de annuis legat,, lib. 33, tit. I.

de son enfant; que, par exemple, l'enfant ait été nourri et entretenu gratis par un parent ou un ami, il n'y aura pas lieu à répéter des arrérages de pension au père qui n'en devait la prestation qu'à son domicile, et qui n'a point mis d'obstacle à l'accomplissement de cette condition: à plus forte raison doit-il être à l'abri de toute répétition à ce sujet, si c'est par esprit d'indépendance et d'insubordination que l'enfant avait déserté la résidence paternelle.

203. Mais le survivant des père et mère qui a l'usufruit légal des biens de ses enfans mineurs, et qui, par rapport à cette jouissance, est tenu de pourvoir à leur entretien, est-il en droit de profiter en outre du produit de leurs travaux domestiques? Les enfans ne pourraient-ils pas, au contraire, lui en demander compte; par la raison qu'ils ne sont point obligés de gagner leur vie, puisque l'usufruitier légal est tenu de fournir toutes les dépenses nécessaires à ce sujet ?

Lorsqu'il s'agit d'un tuteur étranger qui, tenant avec lui son mineur, profite des travaux de celui-ci, il doit rapporter en compte l'estimation du bénéfice qu'il a pu retirer des services de son pupille (1); parce que celui-ci ne peut être tenu à rien envers son tuteur, qu'à l'indemniser des dépenses qu'il aurait faites pour

lui.

Il n'en est pas de même des enfans à l'égard de leurs père et mère. Si la loi impose à ceuxci le devoir de les élever convenablement, elle

(1) Voy. dans SURDUS, de alimentis, tit. 9, cap. 39, n° I7.

les

les oblige par là même à les former au travail, sans les laisser vivre dans l'oisiveté; et comme elle veut encore que les enfans ne puissent quitter la maison paternelle sans le consentement des père et mère, si ce n'est pour enrôlement volontaire, et après l'âge de dix-huit ans (374), il est nécessaire de convenir qu'elle veut aussi, par conséquence ultérieure, qu'ils y consacrent leurs peines et leurs travaux, sans pouvoir en demander récompense comme s'ils étaient des personnes salariées. C'est d'ailleurs un principe bien reconnu par les auteurs qui ont le plus approfondi cette matière, que, quand les alimens sont dus à quelqu'un par la disposition de la loi (1); ou même lorsqu'ils sont dus par la disposition de l'homme, mais qu'ils n'ont été légués qu'à condition que le légataire les recevrait (2) au domicile et dans la communion du débiteur chargé de les fournir, le pensionnaire ne peut se soustraire à cette condition, ni refuser sa coopération aux travaux domestiques, qu'autant qu'on en exigerait un service trop pénible pour lui (3). A plus forte raison doit-on le décider ainsi dans la cause des enfans vis-àvis de leurs père et mère. 204. Néanmoins, lorsqu'il ne s'agit pas de la coopération aux travaux domestiques du ménage; lorsqu'au contraire il est question de travail ap

(1) Voy. dans CANCERIUS, variarum resolut., part. 1, cap. 16, n. 21.

n.

(2) Voy. dans SURDUS, de alimentis, tit. 4, quest. 29, os 52 et suiv.

(3) V. l. 13, §. 2, ff. de aliment. legat., lib. 34, tit. 1.

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pliqué à quelques objets d'art ou d'industrie personnels à l'enfant; il est sensible que les père et mère ne peuvent en revendiquer le bénéfice, puisqu'ils n'ont pas même l'usufruit légal sur ce que le mineur peut ainsi gagner (387).

TROISIÈME ESPÈCE

De Charges imposées à l'usufruit paternel.

205. 3.o Le payement des arrérages ou intérêts des capitaux: telle est la troisième charge imposée à l'usufruit légal des père et mère, outre celles qui, aux termes du droit commun, pèsent sur l'usufruit ordinaire.

Les expressions arrérages ou intérêts ne sont point ici synonymes. Il ne faut pas croire que par le mot arrérages on doive entendre simplement les intérêts échus et non encore payés, quoique souvent nous l'employions en ce sens, suivant l'usage ordinaire.

Dans le langage propre de la jurisprudence française, le mot arrérages s'entend spécialement du rendage annuel qui procède des rentes constituées à perpétuité, et dont le remboursement ou le rachat ne peut être exigé par le créancier, tant qu'elles sont servies par le débiteur. Telle est la dénomination que cette espèce de revenu a reçue, depuis long-temps, par nos anciennes ordonnances (1). Le mot intérêts s'en

(1) Art. 71, ordonn. du mois d'avril 1510; Néron, tom. I, pag. 86. — Art. 149 et 150, ordonn. de janvier 1629, idem, p. 811.

tend au contraire des revenus ou fruits civils qui résultent de capitaux ou autres dettes exigibles qui portent intérêts, soit par l'effet de quelques stipulations, soit par la nature de la créance. Cette distinction, consignée dans nos anciennes ordonnances, a passé dans le langage des auteurs qui ont écrit sur le droit français (1); et elle se trouve indiquée dans un très-grand nombre d'articles du code, où l'on voit que quand il n'est question que de rentes, on n'emploie que le mot arrérages pour en exprimer le revenu (2); que quand il s'agit tout à la fois de rentes et d'autres créances, les fruits civils qui en procèdent reçoivent la dénomination d'arrérages par relation aux rentes, et d'intérêts par relation aux autres créances (3); et qu'enfin on n'emploie que le mot intérêts, lorsqu'il ne s'agit que de créances non rentuelles (4).

206. Mais de quels arrérages ou intérêts s'agit-il ici? Sont-ce les arrérages à échoir dès l'ouverture de l'usufruit paternel seulement, ou bien l'usufruitier est-il tenu aussi d'acquitter ceux qui étaient déjà échus, et non payés précédemment?

Cette question est déjà prévenue de réponse par tout ce qui a été dit dès le principe de nos

(1) Voy. dans le dictionnaire de BRILLON, au mot intérêt, n.° 53; et dans DOMAT, liv. 3, tit. 5, sect. 1, n.o 1, et tit. 7, sect. 4, n.o 20.

(2) Voy. les art. 588, 1978, 1979, 1983.

(3) Voy. les art. 584, 1155, 1212, 1254, 1409 §. 3, 1512, 2277.

(4) Voy. les art. 456, 474, 602, 609, 612, 856, 1153, 1207, 1378, 1440, 1473, 1479, 1548.

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