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In summá puto dicendum, et inter fructuarios hoc interdictum reddendum, etsi alter usumfructum, alter sibi defendat possessionem (1). L'usufruitier a donc l'action en complainte, lorsqu'il est troublé dans sa possession.

La loi romaine n'est pas moins précise sur l'action en réintégrande, qu'elle lui accorde dans le cas où il a été déjeté de sa possession, par voie de fait: Undè vi interdictum necessarium fuisse fructuario apparet, si prohibeatur utifrui usufructu fundi (2). Et elle met une bien grande différence entre l'usufruitier qui jouit d'un fonds, et celui qui n'en serait que le simple détenteur en qualité de mandataire ou fermier du propriétaire, puisque, dans ce dernier cas, quoique les voies de fait auraient eu lieu contre le mandataire et le fermier, elle veut que ce soit seulement le propriétaire qui soit considéré comme dépossédé, et qu'à lui seul appartienne l'action en réintégrande : Quod servus, vel procurator, vel colonus tenent, minus videtur possidere, et ideò his dejectis ipse dejici de possessione videtur, etiamsi ignoret eos dejectos per quos possidebat. Et si quis igitur alius, per quem possidebam, dejectus fuerit, mihi competere interdictum, nemini dubium est (3).

do

Cette disposition des lois romaines sur les avantages du possessoire accordé à l'usufruitier, doit encore avoir lieu dans notre juris

(1) L. 4, ff. eodem.

(2) L. 3, §. 13, ff. de vi et vi armatâ, lib. 43, tit. 16. (3) L. 1, S. 22, ff. eodem.

prudence, nonobstant que l'article 23 du code de procédure n'accorde l'exercice de ces sortes d'actions, qu'à ceux qui possèdent à titre non précaire, attendu que l'usufruitier ayant un droit propre et réel dans la chose, est loin de n'être qu'un détenteur à titre précaire; que le code lui-même veut que le mari qui est usufruitier des biens de sa femme, exerce seul toutes les actions possessoires au sujet de ces biens, et qu'il y aurait une contradiction choquante dans l'esprit de nos lois, qui veulent que l'usufruit soit considéré comme immeuble, si, après avoir admis ce principe, on en refusait les conséquences à l'usufruitier. 53. III. L'USUFRUITIER n'a néanmoins que la qualité de détenteur du fonds dont il jouit à ce titre, et cette proposition n'est point en contradiction avec la précédente.

Il faut, en effet, comme nous l'avons déjà remarqué plusieurs fois, voir deux choses bien distinctes dans un fonds grevé d'usufruit:

Il faut y voir l'usufruit qui appartient à l'usufruitier; usufruit qui, pour son maître, remplit les fonctions d'un immeuble particulier, civilement séparé et distinct du fonds:

Il faut y voir encore la nue propriété qui reste dans les mains du propriétaire.

C'est au moyen de cette distinction qu'on parvient facilement à concilier un nombre considérable de textes de droit écrit qui paraissent déclarer dans un sens absolu, les uns que l'usufruitier est un vrai possesseur, les autres qu'il n'est qu'un simple détenteur.

L'usufruitier a d'abord la possession corporelle et de fait : il l'exerce physiquement par ses actes de jouissance: eh bien! en tant que cette jouissance s'applique à son propre droit, elle n'est point une simple détention précaire; elle prend, au contraire, le caractère d'une véritable possession civile, ainsi que nous venons de le démontrer dans le développement de la proposition précédente.

Mais lorsqu'on envisage cette jouissance comme appliquée, en fait, à la propriété qui reste dans les mains du maître; lorsqu'on la considère relativement au fonds, pour en déterminer les effets par rapport au droit de propriété, elle n'a plus les caractères d'une véritable possession, et l'usufruitier, sous ce point de vue loin d'être un possesseur proprement dit, pussédant animo domini, n'est plus qu'un détenteur précaire jouissant pour et au nom du propriétaire; et c'est là une vérité facile à dé

montrer.

L'usufruitier n'a droit de jouir qu'à la charge de conserver et de rendre le fonds; il ne peut demander la délivrance de son legs que sous cette condition qui lui est imposée par la loi; ce n'est que subordonnément à cette condition qu'il peut avoir la volonté de jouir, puisqu'elle est essentiellement inhérente à son titre de jouissance; or, celui qui ne demande à entrer dans un fonds, et qui n'y est établi qu'à condition de le conserver pour un autre, ne peut en jouir animo sibi habendi: il le détient, mais ne possède pas. Il n'en est que le détenteur de fait,

parce qu'il ne peut le posséder animo domini. La possession de droit, la vraie possession civile du fonds, reste entre les mains du maître qui en a livré l'entrée : tels sont, dit Ulpien, l'usufruitier, le fermier, ou le locataire, qui sont dans le fonds et cependant ne le possèdent pas. Is qui rogavi ut precariò in fundo moretur, non possidet: sed possessio apud eum qui concessit, remanet. Nam et fruc uarius et colonus et inquilinus sunt in prædio; et tamen non possident (1).

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34. C'est par suite de ce principe que la loi romaine veut que, dans un acte translatif de propriété actuelle, la clause de relocation (2) ou celle de réserve d'usufruit, au profit de celui qui a aliéné son fonds, ait toute la force d'une tradition réelle, et que par l'empire de cette clause, l'acquéreur se trouve investi de la possession même du fonds dont la jouissance civile ne peut plus être exercée qu'en son nom, par le précédent propriétaire, qui, n'ayant plus que la qualité de fermier ou d'usufruitier, ne continue à jouir que pour le nouveau maître: Quisquis rem aliquam donando vel in dotem dando, vel vendendo, usumfructum ejus retinuerit: etiamsi stipulatus non fuerit, eam continuò tradidisse credatur, nec quid ampliùs requiratur, quò magis videatur facta traditio: sed omnimodò idem sit in his causis, usumfructum retinere quod tradere (3). L'existence

(1) L. 6, §. 2, ff. de precario, lib. 43, tit. 26.
(2) L. 77, ff. de rei vindicat., lib. 6, tit. 1.
(3) L. 28, cod. de donationib., lib. 8, tit. 5.

de l'usufruit suppose donc nécessairement la possession civile du fonds entre les mains du propriétaire (1). Voilà une vérité de principe: voyons-en les conséquences.

La possession civile du fonds appartient au propriétaire: donc l'usufruitier ne peut le prescrire (2236), quelque longue que soit sa jouissance; puisque la possession appliquée au fonds n'est pas la sienne.

La possession civile du fonds est à celui qui a la qualité de propriétaire : donc si le fonds appartient à un tiers, la prescription n'aura pas lieu au profit de l'usufruitier, mais seulement au profit de celui qui passe pour être le propriétaire.

Nous terminerons en observant que, si la clause de rétention d'usufruit équivaut à une tradition réelle du fonds, c'est seulement lorsque l'acte peut être, par sa nature, translatif de propriété actuelle, ainsi que nous l'avons énoncé dès le principe. Car si cet effet naturellement attaché à la réserve d'usufruit, répugnait au caractère de l'acte, la clause devrait plutôt être regardée comme surabondante et inutile, et ce serait alors le cas d'appliquer la règle qui veut que les expressions dont on se sert dans une convention, soient toujours subordonnées à la nature du contrat (2).

(1) Voy. dans POTHIER, sur l'art. 285, tit. 15 de la coutume d'Orléans; et dans le journal de cassation de Denevers, an 1817, pag. 8.

(2) Voy. dans LOISEAU, au traité du déguerpiss., liv. 4, chap. 5, n.° 3.

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