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explications sur le sens de cet article du code; et nous regardons comme constant que la charge dont il s'agit ici doit être spécialement entendue des arrérages et intérêts échus et non payés encore, à l'époque de l'ouverture de l'usufruit paternel, quel qu'en soit d'ailleurs le montant. Cette décision est fondée sur les raisons suivantes :

1.o Dans le premier paragraphe de l'article que nous commentons, les auteurs du code imposent à l'usufruit paternel toutes les charges qui pèsent sur l'usufruit en général, de quelque nature qu'il soit : ils ajoutent en outre trois autres espèces particulières de charges spécifiées dans les trois paragraphes suivans; donc dans ces trois derniers paragraphes ils ont entendu parler de trois espèces de charges auxquelles n'est pas soumis l'usufruit conventionnel; or les arrérages ou intérêts échus dès le jour de l'ouverture de l'usufruit seulement, sont toujours, de plein droit, à la charge de tout usufruitier universel ou à titre universel: donc il ne s'agit pas ici des arrérages ou intérêts échus durant la jouissance de l'usufruitier légal; donc il s'agit de ceux qui seraient échus avant son entrée en possession.

2.o Les arrérages et intérêts sont placés dans la même catégorie que les charges énoncées dans le second et le quatrième paragraphes; or les frais funéraires et ceux de nourriture, dont il est question dans ces deux paragraphes, ne sont pas, suivant le droit commun, des charges usufructuaires : donc il en est de même des arrérages

et intérêts dont il s'agit ici; donc ce ne sont pas ceux qui seraient échus depuis l'ouverture de l'usufruit seulement, parce qu'ils seraient charge ordinaire imposée à tout usufruitier; donc ce sont ceux qui peuvent être échus et non payés auparavant, sans préjudice de ceux à échoir postérieurement, lesquels, à plus forte raison, pèsent aussi sur l'usufruit paternel.

3. L'article que nous commentons a été tiré des dispositions du droit coutumier sur la garde noble et bourgeoise, ainsi que nous l'avons fait voir plus haut; or le gardien était tenu non-seulement de tous les arrérages à échoir durant sa jouissance, mais même de tous ceux qui étaient déjà échus et non payés au moment de l'ouverture de son droit, parce qu'ils faisaient partie des dettes mobilières qui pesaient sur lui (1): donc, dans l'esprit du code dont cette disposition est tirée des anciennes coutumes, ces arrérages sont aussi à la charge de l'usufruit légal des père et mère.

207. Les auteurs du code, en imposant cette obligation au père ou à la mère comme une des charges spécialement et exclusivement affectées à l'usufruit paternel, sont encore allés beaucoup moins loin que les auteurs des anciennes coutumes sur le règlement des charges de la garde, puisque ceux-ci avaient obligé le gardien à payer même les dettes mobilières de toutes espèces qui pourraient peser sur les successions dévolues aux

(1) Voy. dans FERRIÈRE, sur l'art. 267 de lá coutume de Paris, glose 2, n.o 2; et dans BOURJON, au titre de la garde, chap. 8, sect. 2, n.o 5 et suiv.

mineurs; tandis qu'aujourd'hui le père ou la mère qui accepte l'usufruit légal n'est tenu que des arrérages ou intérêts, et non des capitaux des dettes mobilières.

Il y a plus les père et mère, en leur qualité d'usufruitiers, ne sont pas tenus des arrérages de toutes espèces qui seraient échus avant l'ouverture de leur droit de jouissance; ils sont bien tenus des arrérages ou intérêts de toute nature et sans distinction, échus durant leur usufruit, parce qu'à l'égard de ceux-ci, ils rentrent sous l'empire de la loi commune qui en charge tout usufruitier universel ou à titre universel; mais, en ce qui touche aux arrérages ou intérêts échus et non encore payés avant l'usufruit légal, la disposition du code étant portée au-delà des principes du droit commun, et devant, par là, être considérée comme une disposition d'exception, doit être aussi rigoureusement renfermée dans les termes dans lesquels nous la trouvons conçue; or nous voyons que l'usufruitier paternel ne doit que le payement des arrérages ou intérêts des capitaux: donc il ne doit pas les arrérages de rentes foncières échus avant son usufruit, parce que ces sortes d'arrérages ne sont pas des arrérages de capitaux; donc il ne doit pas les arrérages des rentes viagères, échus avant l'ouverture de son droit, parce que la rente viagère n'est pas le revenu d'un capital, mais le produit d'une convention aléatoire.

208. Ainsi, lorsqu'un des époux vient à décéder laissant des enfans mineurs, le survivant n'est en droit de se saisir des biens de la succession,

pour en jouir en qualité d'usufruitier, que sous la condition de porter quittes ses mineurs des arrérages et intérêts des capitaux déjà échus, et dont la succession peut être grevée; sans préjudice de l'obligation de satisfaire en outre à toutes les autres charges usufructuaires.

Ainsi encore, lorsque les enfans mineurs succèdent à quelques autres parens, ou sont nommés légataires universels, ou à titre universel, par un étranger, le père ou la mère appelé à jouir de l'usufruit légal de leurs biens, doit acquitter les mêmes charges et supporter les mêmes obligations, en ce qui concerne l'hérédité ouverte par le décès d'un parent et déférée par la loi à ses enfans, ou celle à laquelle ils ont été appelés par les dispositions testamentaires d'un étranger.

209. Lorsqu'il y a plusieurs enfans appelés concurremment à recueillir une succession dont leur père ou leur mère ont l'usufruit légal, les charges de cet usufruit doivent être supportées vis-à-vis de chacun d'eux, comme s'il y avait autant de successions qu'il y a d'héritiers et de portions dévolues à chacun d'eux; en sorte que, comme l'usufruit cesse successivement à mesure que les mineurs les plus avancés en âge arrivent à dixhuit ans, de même les obligations de l'usufruitier s'évanouissent pour toutes charges ou prestations ultérieures.

QUATRIÈME ESPÈCE

De Charges imposées à l'usufruit paternel. 210. 4. Les frais funéraires et ceux de dernière maladie : ce qui doit être entendu des frais funéraires et de dernière maladie de celui des époux qui est prédécédé, ou de toute autre personne dont la succession serait dévolue en propriété aux enfans mineurs, et en usufruit légal à leur père ou à leur mère; et c'est encore là une disposition puisée dans le droit coutumier sur le règlement des charges de la garde noble et bourgeoise (1), disposition qui impose à notre usufruit paternel une troisième espèce de charge absolument étrangère à tout autre usufruit.

Les auteurs anciens avaient été long-temps divisés sur la question de savoir si, sous l'empire de la coutume de Paris, le survivant des père et mère devait, en sa qualité de gardien, supporter les frais funéraires du prédécédé. Ce qui faisait le point de la difficulté, c'est que cette coutume, chargeant le gardien généralement de l'acquit des dettes mobilières du défunt, ne s'expliquait point explicitement sur les frais funéraires : les uns soutenaient donc que ces frais ne devant avoir lieu qu'après la mort, ne pouvaient être considérés comme dette du défunt, mais qu'ils devaient seulement être envisagés comme dette de l'héritier chargé de la sépulprocurer ture à celui dont il recueille le patrimoine, et

(1) Voy. dans RENUSSON, traité de la garde, chap. 7, n. 49.

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