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qu'en conséquence ils ne devaient pas peser sur le gardien. D'autres, partant du texte de la loi romaine, qui veut que le défunt soit encore censé contracter pour les impenses de ses funérailles, qui propter funus aliquid impendit, cum defuncto contrahere creditur, non cum hærede (1), et qui assure, par privilége, le recouvrement de cette dette sur les biens de l'hérédité, impensa funeris semper ex hæreditate deducitur: quæ etiam omne creditum solet præcedere, cùm bona solvendo non sunt (2), voulaient que le gardien en fût tenu : c'est ce dernier sentiment qui avait prévalu dans l'usage, par suite de la jurisprudence des arrêts (5); et c'est ce point de l'ancienne jurisprudence coutumière que les auteurs du code ont adopté, pour en faire une disposition positive de notre loi actuelle.

Au reste, tout en puisant cette disposition de notre droit nouveau dans la jurisprudence coutumière sur la garde des mineurs, on en a considérablement modifié l'étendue, puisque, comme on l'a déjà remarqué, les coutumes mettaient à la charge du gardien toutes les dettes mobilières de la succession; tandis que, d'après le code, l'usufruitier légal ne doit payer que les arrérages ou intérêts des capitaux, les frais funéraires et ceux de dernière maladie. Les auteurs de la loi nouvelle devaient nécessairement être amenés à ce tempérament, par la considération que le code n'était pas seulement destiné à ré

(1) L. 1, ff. de religios. sumpt. funer., lib. 11, tit. 7. (2) L. 45, ff. eodem.

(3) Voy. RENUSSON, traité de la garde, chap. 7, n.o 61.

gir les provinces coutumières, mais encore les pays de droit écrit dans lesquels l'usufruit légal avait toujours été d'un tout autre avantage pour l'usufruitier ils ont cru que, pour ne pas trop blesser le sentiment qui naît des habitudes, il fallait faire une espèce de transaction entre les diverses provinces, et adopter un parti moyen entre les usages coutumiers et ceux de droit écrit. Voilà pourquoi ils n'ont pas imposé à notre usufruit légal toutes les charges qui pesoient sur le droit de garde; comme ils ne lui ont pas donné non plus toute l'étendue qu'il avait dans les pays de droit écrit.

211. MAIS ces expressions, les frais funéraires et ceux de dernière maladie, ne sont-elles relatives qu'à la personne dont la succession est déférée aux enfans? Puisqu'elles sont conçues d'une manière si générale, ne devrait-on pas les entendre aussi des frais funéraires et de dernière maladie des enfans eux-mêmes?

La négative est incontestable, et il est évident que ce texte n'a aucun rapport aux frais funéraires et de dernière maladie des enfans.

1.o Il est certain que cette disposition du code a été puisée dans celle du droit coutumier sur les règlemens des charges de la garde. Il est constant encore, qu'en remontant à la disposition coutumière sur ce point de droit, les frais dont il s'agit n'étaient pris que relativement à l'auteur de la succession déférée aux enfans mineurs (1) or on doit supposer dans la loi l'es

(1) Voy. dans RENUSSON, traité de la garde, chap. 77 n.° 59;-dans BOURJON, idem, chap. 10, sect. 1, n.o et 2;-dans DUPLESSIS, idem, chap. 3.

prit de son origine, lorsqu'il n'est pas évident qu'elle a été faite dans un esprit d'innovation; sed posteriores leges ad priores pertinent : nisi contrariæ sint (1): donc on doit reconnaître, dans ce texte, la même intention que dans le droit coutumier dont il a été emprunté; donc il n'a aucun rapport aux frais funéraires et à ceux de dernière maladie des enfans.

2.o Les obligations imposées à l'usufruitier doivent toujours tourner au soulagement du propriétaire; ce n'est que dans l'intérêt personnel des enfans, et pour les décharger des frais dont il s'agit, que la loi a voulu les faire supporter par l'usufruitier de leurs biens: ces frais ne peuvent donc être ceux de leurs propres funérailles, ni de leur dernière maladie, parce que ce ne serait plus à leur décharge, mais en dégrèvement de leurs héritiers, que l'usufruitier devrait les acquitter. Ce serait un impôt sur le malheur; comme si un père, affligé de la perte de ses enfans, à la succession desquels il ne serait appelé que pour une part, devait encore, par surcroît de douleur, payer lui seul une dette qui affecte l'hérédité tout entière.

3.o Enfin, il y aurait de l'absurdité à vouloir que l'usufruitier fût tenu de supporter, en cette qualité, une charge qui ne peut affecter le bien qu'au moment où il n'y a plus d'usufruit, tels que seraient les frais funéraires des enfans dont la mort fait cesser l'usufruit légal que le père ou la mère avait sur leurs biens.

212.

Une question autrefois controversée consis

(1) L. 28, ff. de legibus, lib. 1, tit. 3.

tait à savoir si les frais du deuil de la veuve étaient aussi une charge de la garde. Renusson rapporte plusieurs anciens arrêts qui avaient adopté l'affirmative (1); par la raison que Phabit de deuil de la femme est un accessoire de la pompe funèbre du mari, et dès-lors on a regardé comme un point de jurisprudence constant, attesté et enseigné par la plupart des auteurs, que les frais du deuil de la veuve doivent être considérés comme faisant partie des frais funéraires de son époux (2), et que la créance dont ils sont l'objet doit être assurée par les mêmes priviléges.

La même doctrine doit-elle être encore suivie aujourd'hui ?

Aux termes du code civil, soit que le mariage ait été contracté suivant le régime communal (1481), soit qu'il ait été contracté par adoption du régime dotal (1570), les frais du deuil de la femme doivent également lui être fournis par les héritiers du mari, et sur la succession de celui-ci : d'où il résulte bien que, pour le payement de cette créance, la veuve a, sur les immeubles de cette succession, une hypothèque

(1) Voy. RENUSSON, traité de la garde, chap. 7, n.o 63. (2) Voy. dans ROUSSEAU de la Combe, au mot deuil, n.o 1;- dans DUPERRIER, quest. notables, livre 5, au mot dot; - LEBRUN, traité de la communauté, liv. 2, chapitre 3, n. 47; BANNELIER, tom. 4, pag. 164, n. 1635, édition in-4.o;-РOTHIER, traité de la communauté, n.o 678; -CHABROL, sur la coutume d'Auvergne, chap. 14, art. 45, quest. 7, tom. 2, pag. 464; — CATEL LAN, en ses arrêts, liv. 6, chap. 26; —le nouveau Réper toire, au mot deuil, S. I, tom. 3, pag. 646.

légale qui remonte au jour de la célébration de son mariage (2155), puisque c'est là un de ses droits matrimoniaux pour la sureté desquels la loi (2121) lui accorde généralement cette hypothèque; mais doit-on l'associer aussi à l'exercice du privilége qui affecte les meubles (2101) pour le payement des frais funéraires?

Nous croyons qu'on doit adopter l'affirmative sur cette question; parce qu'il n'est pas moins vrai de dire aujourd'hui, comme on le décidait autrefois, que le deuil de la veuve fait partie de la pompe funèbre du mari; que cette vérité est de tous les temps comme la raison sur laquelle elle repose; et que nous n'apercevons rien dans la loi nouvelle qui puisse faire présumer que ses rédacteurs aient voulu abroger ce point de doctrine enseigné par tous nos meilleurs auteurs, et généralement adopté par les tribunaux français.

Tel est aussi le sentiment de M. Persil dans son excellent commentaire des dispositions du code sur les priviléges et hypothèques (1). 213. De là résulte une conséquence remarquable et qui revient directement à notre objet; c'est que si le mari a laissé, pour héritiers, des enfans mineurs de dix-huit ans, la mère, ayant l'usufruit légal de la succession paternelle qui leur est dévolue, n'aura d'ailleurs aucun frais de deuil à réclamer sur les biens de cette succession, par la raison que les frais de ce deuil faisant partie des frais funéraires qui généralement sont une charge de l'usufruit légal, la veuve s'en cons

(1) Tom. 1, pag. 55, 2.o édit.

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