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titue elle-même débitrice en acceptant cet usufruit, en sorte que réunissant en sa personne la double qualité de débitrice et de créancière, il y a nécessairement confusion et extinction de la dette. 214. On voit par tout ce qui a été dit ci-dessus,

que l'usufruit paternel n'est pas établi à titre purement gratuit, mais plutôt à titre onéreux, puisqu'il comporte des charges qui ne sont point naturelles à l'usufruit ordinaire; lesquelles consistent: 1.° dans le payement des intérêts et arrérages déjà échus lors du décès de celui dont la succession qui en était grevée se trouve dévolue en usufruit au père ou à la mère de l'héritier; 2.o dans le payement des frais funéraires et de dernière maladie de la personne dont les mineurs ont recueilli l'hérédité; 3.° dans celui des impenses nécessaires à l'entretien et à l'éducation des enfans. Ces charges sont comme le prix de la jouissance des père et mère, puisqu'elle ne leur est accordée que sous la condition qu'elles seront par eux acquittées. Sur quoi il faut observer que, comme elles sont imprimées à la chose au moment de la tradition, c'est-à-dire à l'usufruit, au moment où il est transféré par la loi sur la tête du père ou de la mère, elles ont toute la nature de charges réelles qui affecte le fonds en quelques mains qu'il passe: elles ne sont pas tant les dettes personnelles du père ou de la mère, que les dettes réelles de l'usufruit, parce que c'est l'usufruit qui doit, et que le paiement n'en est dû par le père ou la mère qu'autant qu'il jouit de l'usufruit.

215. Il faut bien se garder de confondre l'obligation qui est personnelle dans son principe, avec celle qui a pour objet une charge réelle affectant le fonds dans les mains de son possesseur lorsque l'obligation est purement personnelle, elle suit toujours la personne du débiteur, et passe à tous les héritiers qui le représentent. La charge réelle au contraire n'est due par la personne qu'autant qu'elle jouit de la chose qui en est grevée, et elle reste d'ailleurs intégralement inhérente au fonds pour le suivre en quelques mains qu'il se trouve; en sorte que, pour en obtenir l'acquittement, c'est seulement à celui qui jouit de l'héritage qu'on doit s'adresser, comme étant lui seul tenu de toute la dette échue durant sa possession: as quidem alienum pro portione ex quá quisque defuncto hæres extiterit, præstari oportet. Annonas autem is solvere debet, qui possessiones lenet et fructus percipit(1). Telle est la nature des charges inhérentes à l'usufruit paternel; d'où il suit que le père ou la mère, renonçant à son usufruit légal, serait par là même exempt du payement des charges dont il s'agit, comme il le serait des impenses de réparations, puisque c'est la chose elle-même qui les doit: cùm usufructuarius paratus est usumfructum derelinquere, non est cogendus domum reficere, in quibus casibus usufructuario hoc onus incumbit (2).

(1) L. 2, cod. de annonis et tributis, lib. 10, tit. 16. (2) L. 64, ff. de usufructu, lib. 7, tit. 1.

216. Il faut néanmoins faire ici une distinction entre les frais de nourriture, entretien et éducation des enfans, et les deux autres espèces de charges extraordinaires qui pèsent sur l'usufruit paternel.

Lorsqu'il s'agit des frais d'entretien et éducation des enfans, l'usufruitier peut encore s'en dégager pour l'avenir, en renonçant à l'usufruit qu'il avait d'abord accepté, parce que ces sortes d'impenses échéant jour par jour, et étant inhérentes au droit d'usufruit, l'obligation de les fournir à l'avenir doit cesser d'exister du moment que le droit d'usufruit se trouve éteint la renonciation de l'usufruitier.

par

Mais à l'égard des arrérages et intérêts des capitaux déjà échus lors du décès de l'auteur de la succession dont l'usufruit est déféré, par la loi, au père ou à la mère des héritiers mineurs; comme encore à l'égard des frais funéraires et de la dernière maladie, il suffit qu'il y ait eu acceptation du droit d'usufruit, pour que l'usufruitier soit tenu du paiement intégral de toutes ces charges, parce qu'ici tout est déjà échu au moment de l'acceptation du droit qui ne peut être séparé de ses charges: en sorte qu'on ne peut accepter l'un, sans se soumettre à la prestation des autres. Et de là résultent plusieurs conséquences remarquables.

217. La première : que si, d'une part, les frais

funéraires et de la dernière maladie, ainsi que les intérêts et arrérages des capitaux déjà échus, formaient une somme considérable, et que, d'autre côté, l'usufruit paternel ne fût que d'une

courte

courte durée, ou ne portât que sur peu de revenus, ou, si l'on veut, fût absorbé par la nourriture des enfans, il pourrait arriver que l'usufruitier se trouvât tenu ultra vires emolumenti, et tel serait nécessairement l'effet de l'engagement qu'il se serait imposé par son quasicontrat d'acceptation engagement qui, sur ce point, participe de la nature des obligations aléatoires, puisque la durée du droit d'usufruit est toujours incertaine; tandis que les arrérages et intérêts dont il s'agit, ainsi que les frais de deuil et de dernière maladie, constituent une somme fixe et déterminée en sorte qu'après s'être obligé à la payer, en acceptant le droit qui ne lui est dévolu que sous cette condition, il est toujours possible que son usufruit vienne à cesser avant qu'il ait pu en percevoir des émolumens suffisans pour être récompensé des paiemens qu'il aurait faits.

218. La seconde ; que nonobstant l'obligation où est l'usufruitier de payer, à la décharge des mineurs, les intérêts et arrérages des capitaux, ainsi que les frais funéraires et de la dernière maladie, les actions des créanciers leur restent tout entières contre les héritiers et sur les biens de la succession du défunt; car, l'usufruitier n'étant tenu de l'acquit de ces charges que comme possesseur de la chose qui en est grevée, il n'y a ni changement ni novation dans l'obligation personnelle des héritiers: d'où il faut conclure encore qu'en cas de saisie soit du mobilier, soit des immeubles de la succession soumise à l'usufruit paternel, les créanciers des frais funéraires et de 18.

TOM. I.

dernière maladie auraient le droit de jouir du privilége que la loi accorde aux créances de cette nature, soit sur la généralité des meubles (2101), soit même sur les immeubles (2104).

219. La troisième : qu'en cas de saisie mobilière des fruits du fonds, faite sur le père ou sur la mère, par ses créanciers personnels, les enfans seraient en droit d'intervenir pour demander la main-levée dans leur intérêt personnel, ou pour se faire adjuger sur le prix des récoltes, et par privilége, le montant des sommes nécessaires à leur nourriture, entretien et éducation, puisque c'est là une charge qui affecte, à leur profit, la perception des fruits de leurs héritages, comme si c'était un tribut à payer au prince (1); et que d'ailleurs le père ou la mère n'aurait pu accorder à son créancier plus de droit qu'il n'en avait lui-même sur les fruits

saisis.

Cette décision devrait être sur-tout rigoureusement suivie dans le cas où il serait notoire que le père ou la mère n'aurait pas d'autres ressources suffisantes pour fournir convenablement à la nourriture et à l'éducation de ses enfans.

220. Si, au contraire, il était notoire que le père ou la mère eût d'ailleurs des moyens suffisans pour satisfaire à la dépense dont il s'agit, les enfans, se trouvant alors sans intérêt dans leur opposition, ne devraient pas être écoutés.

Mais, dans le doute sur ce point, l'action des

(1) Voy. dans СHABROL, sur la coutume d'Auvergne, chap. II, art. 2, sect. 3, quest. 8, à la fin.

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