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appartient pas : juris ignorantia non prodest acquirere volentibus (1). Cette question, plusieurs fois portée devant les Tribunaux, a été ainsi décidée, d'abord par arrêt de la Cour de Limoges le 13 fructidor an 12, confirmé par celle de cassation le 18 novembre 1806; ensuite par arrêt de la Cour de Besançon le 2 juillet 1811, confirmé aussi en cassation par arrêt de rejet du 5 août 1812 (2).

TROISIÈME QUESTION.

233. Quelle est la prescription dont le père pourrait faire usage pour repousser l'action de ses enfans quand ils viennent lui demander compte du revenu de leurs biens dont il n'avait pas l'usufruit?

Lorsque les enfans mineurs ont des biens sur lesquels l'usufruit légal n'a pas lieu, ils n'en sont pas moins sous la tutelle de leur père qui administre leur bien et perçoit leurs revenus, à la charge d'en rendre compte lorsqu'ils seront, par le fait de l'émancipation, ou par l'âge, affranchis des liens de la puissance paternelle. Ces revenus perçus durant la tutelle doivent donc être un des objets du compte pupillaire du père; or, suivant l'article 475 du code, toute action du mineur contre son tuteur, relativement aux faits de la tutelle, se prescrit par dix ans, à compter du jour de la majorité : le père pour

(1) L. 7, ff. de juris et facti ignorantia, lib. 22, tit. 6. (2) Voy. au nouveau Répertoire, tom. 14, pag. 403 et 409 au bas.

ra donc opposer cette prescription pour les revenus qu'il aura perçus durant sa tutelle. 234. Mais, s'il a continué à administrer et percevoir après la cessation de la tutelle, le compte qu'il devra, pour cette administration, doit rentrer sous l'empire de la règle du droit commun: ce n'est plus ici un compte pupillaire, puisqu'il ne s'agit plus de revenus échus durant la tutelle et administrés par un tuteur.

Suivant la règle commune, c'est-à-dire, suivant la règle établie généralement pour tous les droits des mineurs, la prescription ne court pas contre eux : elle ne commencera donc à avoir son cours que depuis la majorité des enfans. C'est là nécessairement son point de départ (2252); mais quelle devra en être la fin?

Aux termes de l'article 2262 du code, toutes les actions tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi; parce que ce long espace de temps fait présumer tout ce qui est possible telle est la règle générale.

Mais, suivant l'article 2277, les arrérages des rentes, les loyers des maisons, le prix des baux à ferme, les intérêts des sommes prêtées, et géné ralement tout ce qui est payable par année, ou à des termes périodiques plus courts, se prescrivent par cinq ans.

Le père contre lequel ses enfans formeraient une demande en restitution de fruits ou intérêts, pour vingt-neuf ans, pourrait-il efficace

ment invoquer la disposition de ce dernier article, pour soutenir qu'il n'en doit que de cinq ans?

Il nous paraît évident que non; parce que cette dernière disposition du code n'est qu'une exception à la règle générale sur la prescription trentenaire: exception qui ne porte que sur les espèces particulières qui y sont signalées et qu'il ne serait pas permis d'étendre plus loin, parce qu'il est de principe que la règle générale doit conserver tout son empire sur les cas qui n'en sont pas formellement exceptés. Il ne s'agit, en effet, dans ce texte sur la prescription quinquennale, que des prestations qui doivent être faites par le débiteur qui a terme; c'est-à-dire par le débiteur qui ne doit payer qu'à des termes fixes et périodiques, soit que ces termes échoient chaque année seulement, soit qu'ils échoient à des intervalles plus courts, mais toujours périodiquement: or le père qui retient indûment la jouissance des biens de son enfant émancipé, n'a aucun terme à invoquer pour y renvoyer l'échéance de son obligation: il peut être à chaque instant actionné, et à chaque instant il est tenu de la restitution du capital et des intérêts: sa cause est donc absolument étrangère à celle d'un débiteur d'arrérages ou de prestations quelconques qui n'échoient qu'à des termes périodiques, avant lesquels on ne peut lui en demander le paiement. 235. La même décision doit être adoptée dans tous les cas où il s'agit d'intérêts moratoires, et l'on doit dire que le créancier a le droit d'en exiger de vingt-neuf ans.

Cette distinction entre la prescription des pres tations qui n'échoient qu'à des termes fixes et périodiques, et celle des intérêts moratoires, n'est point arbitraire : elle est fondée sur la nature des choses.

Lorsqu'il s'agit d'arrérages ou de prestations qui n'échoient qu'à des termes fixes, il y a réellement autant de dettes distinctes les unes des autres, qu'il y a de termes échus; et ces dettes ne sont pas seulement distinctes entre elles, mais encore avec le capital lui-même, puisque leurs échéances sont absolument différentes de la sienne c'est pourquoi l'on applique une prescription particulière à chacune d'elles en déclarant qu'on ne peut en répéter que pour cinq ans, ce qui opère successivement l'extinction de la sixième, au fur et mesure qu'on passe le terme des cinq années, et cela sans déroger au droit du capital qui n'est prescriptible que par

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trente ans.

Au contraire, lorsqu'il s'agit d'intérêts moratoires, il n'y a véritablement qu'une dette qui comprend dans la même masse la somme des arrérages échus jour par jour à la charge du débiteur qui est en demeure: cette dette d'intérêts, qui a pour cause l'indue conservation du capital, ne saurait être considérée comme une créance indépendante et séparée du capital même, puisqu'ils sont simultanément et également exigibles : elle n'en est donc pas détachée et elle ne cesse pas d'en être une partie purement accessoire pour quoi elle ne doit être périmée qu'avec lui, et par la prescription trentenaire.

236. Cela est tellement vrai que, si le débiteur se présente pour payer son créancier et qu'il n'offre à celui-ci que les intérêts seulement, ou que le capital seulement, les offres seront, avec justice, refusées comme insuffisantes, par la raison qu'il ne faut qu'un seul paiement, et que le créancier n'est pas tenu de le diviser; tandis que, quand il s'agit d'un capital aliéné ou à perpétuité ou pour un temps, mais dont le terme n'est pas encore échu, les offres des arrérages ou intérêts peuvent être faites seules et doivent être acceptées indépendamment du capital, dont ils sont absolument détachés.

QUATRIÈME QUESTION.

257. Lorsqu'un père, ayant ses enfans dans sa communion a perçu les revenus de leurs biens sans en avoir l'usufruit légal, ou après que cet usufruit a cessé, comment doit-on établir le compte qui peut être requis de part ou d'autre, entre eux?

Il faut faire une distinction entre les enfans qui n'auraient pas travaillé utilement dans la communion et pour le compte du père, et ceux dont les travaux auraient été utiles pour lui.

A l'égard de ceux qui, par rapport soit à leur âge, soit à leurs infirmités ou incapacité, ou autres causes, n'auraient pas, d'une manière utile pour le père, coopéré aux travaux communs du ménage, on ne doit leur rendre compte des revenus de leurs biens, qu'à la charge de précompter en déduction le montant des im

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