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neurs: mais cette disposition du code est ici sans application, puisqu'il ne s'agit ni d'un tuteur donné à la personne des enfans, ni même d'un administrateur général des biens qu'ils peuvent avoir d'ailleurs; mais seulement d'un administrateur ou conservateur particulier dont les fonctions sont bien différentes de celles d'un tuteur.

Déjà, dans l'ancien ordre de choses et sous l'empire de la loi romaine, le droit individuel de donner un tuteur aux enfans n'appartenait qu'à l'ascendant mâle qui les avait en sa puissance au moment de son décès: Nemo potest tutorem dare cuiquam, nisi ei quem in suis haredibus, cùm moritur habuit, habiturusve esset, si vixisset (1). Cependant un testateur étranger qui léguait quelques biens à des pupilles, pouvait nommer aussi un administrateur particulier pour la gestion de ces biens, et les meilleurs auteurs qui aient écrit sur cette matière (2), ne voyaient rien, en cela, qui fût contraire à la loi des tutelles : pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui ?

Nous terminerons en observant que l'administrateur ad hoc, nommé soit par le testateur, soit par le conseil de famille, pour la gestion des biens légués aux mineurs, n'étant qu'un mandataire spécial, n'a que les actions nécessaires à l'exercice de son mandat, pour ce qui touche à l'administration qui lui est déléguée; mais que pour tout ce qui peut excéder les bornes de

(1) L. 73, §. 1, ff. de regul. jur.

(2) Voy, dans VOET, sur le digeste, de testamentariê tutela, lib. 26, tit. 2, n.o 5.

cette administration, comme pour tous autres objets, c'est le tuteur de droit qui a l'exercice des actions des mineurs, parce que les pouvoirs dont il est revêtu lui sont délégués à titre universel.

CHAPITRE VI.

Du Douaire.

Le douaire, dans son institution, appartient

au droit coutumier.

250. Il consiste dans une jouissance à vie, que les coutumes accordaient à la veuve sur les biens du mari prédécédé.

Plusieurs de ces coutumes assuraient aux enfans la propriété des biens dont elles déféraient l'usufruit à la mère survivante; mais nous ne devons rappeler ici que ce qui a rapport à ce droit de jouissance, puisque le droit d'usufruit est le seul objet de ce traité. Il ne doit pas même entrer dans notre plan de faire un travail approfondi sur cette espèce particulière d'usufruit, soit parce que l'institution du douaire ne se trouve plus dans notre code, et que les coutumes qui l'avaient jadis établi sont actuellement abrogées; soit parce que deux auteurs célèbres, Renusson et Pothier, nous ont laissé, sur cette matière, des traités qui sont entre les mains de tous les jurisconsultes.

Cependant, comme il est toujours perm› de stipuler un douaire dans les contrats de ma

riage, quoiqu'aujourd'hui la loi n'en établisse point de plein droit; et comme le douaire coutumier lui-même doit encore avoir lieu, même dans le futur, et durant bien des années, par suite des mariages qui ont été célébrés avant nos lois nouvelles, nous ne pouvons nous dispenser d'en parler succinctement, ne fût-ce que par rapport aux questions transitoires que le passage d'une législation à l'autre ne manque jamais de faire naître.

On distingue deux espèces de douaire : l'un qu'on appelle préfix ou divis, et l'autre qu'on appelle coutumier.

251. Le douaire préfix ou divis, est celui qui a été fixé par une clause expresse du traité nuptial conclu, avant le mariage, entre les époux qui ont préféré en déterminer ainsi le montant ou l'objet, plutôt que de s'en rapporter à la disposition de la coutume sous l'empire de laquelle ils se sont mariés.

Le douaire peut être abonné de cette manière soit en usufruit ou jouissance de fonds; soit au moyen d'un revenu annuel; soit pour une somme une fois payée.

Les coutumes n'étaient point impératives sur la constitution du douaire : tout en accordant cette faveur à la femme, elles lui permettaient d'y renoncer avant la célébration du mariage: on pouvait en conséquence convenir aussi, dans le traité nuptial, qu'il n'y aurait point de douaire,

De même aujourd'hui, quoique notre code n'établisse aucun douaire au profit de la veuve, comme il ne renferme aucune disposition prohi

bitive à ce sujet, il est toujours permis d'en stipuler un par le traité de mariage, sauf la réduction prescrite par la loi pour le cas d'inof ficiosité vis-à-vis des légitimaires.

252. Le douaire coutumier est celui qui résulte simplement des dispositions de la coutume à laquelle les parties n'ont pas voulu déroger par un traité préalable à la célébration du mariage. Les différentes coutumes n'étaient point uniformes sur la quotité du douaire qu'elles accordaient à la veuve.

A Paris (1), le douaire coutumier consistait dans l'usufruit de la moitié des héritages possédés par le mari au jour de la bénédiction nuptiale, et de la moitié de ceux qui lui étaient échus, en ligne directe, durant le mariage.

La coutume de Troyes était, sur ce point, conforme à celle de Paris (2).

En Normandie, le douaire ne consistait que dans l'usufruit du tiers des immeubles dont le mari était saisi au jour du mariage, et du tiers de ceux qui lui étaient échus en ligne directe (3).

Il serait inutile de nous livrer à une plus grande énumération : il suffit d'observer que, sous ces coutumes, la constitution du douaire municipal, ou en d'autres termes, le douaire coutumier était semblable à une libéralité en usufruit d'une portion déterminée de biens présens que

(1) Art. 248 de la coutume.

(2) Art. 86 de la cout. de Troyes.

(3) Art. 367 de la cout. de Normandie.

le mari aurait faite, par traité nuptial à son épouse, sous la condition de survie de celle-ci; en sorte que le mari, irrévocablement lié à cet égard, ne pouvait aliéner ses immeubles au préjudice du douaire, et que, s'il n'avait pas laissé, dans sa succession, des fonds en suffisante quantité pour remplir la veuve de la jouissance qui lui était due, elle était en droit d'attaquer les tiers acquéreurs, même à titre onéreux, pour les évincer en usufruit jusqu'à due concurrence.

II y avait d'autres coutumes qui fixaient le douaire par relation à la dot que la femme avait apportée à son mari. Telle était celle de FrancheComté, qui déclarait la femme bourgeoise douée à la tierce partie de sa dot (1). Sous cette coutume le douaire de la femme bourgeoise ne consistait que dans la jouissance d'un capital, si la dot n'avait été apportée qu'en argent; et au cas contraire, si la femme avait été dotée en fonds, son douaire lui était dû en jouissance d'immeubles: mais dans l'un et l'autre cas, la constitution du douaire avait aussi les effets d'une donation conditionnelle de biens présens, en usufruit, au préjudice de laquelle le mari ne pouvait, après la célébration du mariage, hypothéquer ou aliéner ses fonds.

Enfin il y avait d'autres coutumes qui n'assignaient le douaire de la veuve, que sur les biens à venir du mari: telle était celle de Bourgogne, portant (2) que la femme est douée

(1) Art. 3, tit. 2, des gens mariés. (2) Art. 6, tit. 4.

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