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à la veuve les fruits de son douaire dès l'instant de son ouverture; et nous croyons qu'elle doit encore en profiter aujourd'hui, contre les héritiers du mari.

Nous avons déjà fait remarquer que cet effet est loin d'être identique avec la saisine, et qu'il n'est nullement inséparable du possessoire, puis

que

les fruits d'un fonds peuvent être dus à celui qui ne le possède pas.

C'est ainsi que le légataire particulier n'est jamais saisi de son legs; que toujours il est obligé d'en demander la délivrance (1014), et que cependant les fruits lui en sont dus dès le moment de l'ouverture de son droit, lorsque le testateur a déclaré sa volonté à cet égard dans son testament (1015, §. 1). C'est ainsi encore que, dans le cas même où le douaire ne consistait que dans une pension viagère, les arrérages en étaient dus à la veuve, dès le décès du mari, sous les coutumes de saisine, quoique l'objet de sa créance ne fût pas susceptible d'un possessoire propre

ment dit.

Le gain des fruits dont il s'agit, se réfère à la disposition de l'homme, parce qu'il fait partie de la libéralité consentie par le donateur à la charge de sa succession. La veuve doit donc en profiter si cet avantage lui a été promis, ou s'il est censé lui avoir été promis et assuré par son mari dans la convention expresse ou tacite à laquelle se rattache son douaire préfix ou coutumier: or, il n'est pas possible de le décider autrement, puisque, comme nous l'avons fait voir plus haut, les parties ayant contracté conformément à l'es

le

prit et à la lettre de la loi en vigueur lors de leur union, sont censées avoir stipulé et promis ce qui était écrit dans cette loi ; d'où il suit que gain des fruits, dès le moment de l'ouverture du douaire, fait partie de la créance voulue de part et d'autre.

SECONDE QUESTION.

262. Quelles sont, aux termes de notre législation actuelle, les mesures conservatoires dont la femme peut et doit faire usage du vivant de son mari, pour qu'il ne soit porté aucune atteinte à son douaire?

Le douaire coutumier se rattachant au mariage comme une condition sous laquelle il a été célébré, la femme a, pour cette espèce de créance, les mêmes suretés que pour ses autres conventions matrimoniales, en sorte qu'on ne doit faire ici aucune distinction entre le douaire préfix et le douaire coutumier, et qu'on doit appliquer à l'un et à l'autre les mêmes principes que s'il s'agissait d'une donation faite, en contrat de mariage, par le mari à sa femme, sous la condition de survie de la part de celle-ci.

Le douaire peut être mobilier ou immobilier. Il est mobilier lorsqu'il n'a pour objet qu'une somme d'argent une fois payée, suivant qu'il en avait été convenu dans le traité nuptial; ou lorsqu'il consiste dans une pension viagère annuellement payable à la veuve jusqu'à son décès.

Il est immobilier lorsque son objet consiste dans la jouissance des immeubles du mari : im

meubles dont la veuve est véritablement usufruitière.

Voyons d'abord quelles sont les mesures conservatoires propres au douaire mobilier ; et ensuite nous nous expliquerons sur ce qui concerne la conservation du douaire immobilier. 263. Lorsque le douaire est mobilier, la femme n'a, durant la vie du mari, qu'une créance éventuelle, puisqu'elle doit survivre pour en recueillir le bénéfice; mais cette créance n'en est pas moins succeptible d'hypothèque, laquelle peut elle-même être conditionnelle (2132); et la femme a, pour sureté de ses droits à cet égard, une hypothèque légale sur les biens du mari, à dater du jour de la célébration de son mariage (2135, S. 2), ou du jour du contrat nuptial par lequel son douaire lui avait été expressément assuré (2194).

Suivant l'article 32 de l'édit des hypothèques, publié en juin 1771, les femmes n'étaient point dans l'obligation de former opposition aux lettres de ratification, ni de prendre à cet effet inscription au greffe de la situation des biens, pour conserver l'hypothèque de leur douaire en cas de vente des biens de leur mari; mais aujourd'hui, quoique l'hypothèque qui est accordée aux femmes pour cet objet, comme pour les autres conventions matrimoniales, existe indépendamment de toute inscription sur les biens du mari (2135, §. 2), tant qu'ils sont entre ses mains, ou que le tiers acquéreur ne l'a pas purgée, il ne suffirait pas de s'en tenir là, pour la conservation de leurs droits car, si on a né

gligé de prendre inscription pour sureté des conventions matrimoniales de la femme, son privilége s'évanouit lorsque les biens du mari sont aliénés, et que l'acquéreur a satisfait aux formalités prescrites par l'article 2194 du code, pour la purgation de cette espèce d'hypothèque: il faut donc prendre inscription au nom de la femme, pour prévenir tout danger à cet égard, et conserver intacte l'expectative de son douaire mobilier.

Lorsque cette formalité conservatoire a été, remplie, c'est l'article 2195 qui en règle les effets. Il porte que s'il a été pris inscription du chef de la femme, et s'il existe des créanciers antérieurs qui absorbent le prix en totalité, ou en partie, l'acquéreur est libéré du prix ou de la portion du prix par lui payé aux créanciers placés en ordre utile, et que l'inscription du chef de la femme doit être rayée en totalité ou jusqu'à due concurrence;

Que, si au contraire l'inscription de la femme est la plus ancienne, l'acquéreur ne peut faire aucun payement du prix au préjudice de cette inscription; et, dans ce cas, les inscriptions des autres créanciers qui ne viennent pas en ordre utile, seront rayés.

26. Il résulte de ces expressions, qui sont les propres termes de la loi:

1.o Qu'en général, pour assurer l'effet de toutes ses créances sur son mari, la femme n'a d'autres précautions à prendre que celle de l'inscription hypothécaire, puisqu'à ce moyen la loi surveille

elle-même pour lui assurer l'intégralité de ses droits ;

2.° Que si l'immeuble du mari était aliéné pour cause d'utilité publique, la femme aurait une action pour que le prix fût placé en remploi sur un autre assignat, puisque, d'une part, on ne pourrait faire de payement à son préjudice; et que, d'autre côté, le fonds vendu étant sorti du commerce, ne serait plus passible d'aucune hypothèque (2118);

3.0 Que si les créances inscrites au nom de la femme ne sont subordonnées à aucune condition, telles que ses reprises dotales, et qu'elles absorbent la totalité du prix des biens vendus sur le mari, les inscriptions des créanciers postérieurs à elle doivent être rayées;

4.° Qu'au contraire, lorsqu'il s'agit d'une créance éventuelle, comme le douaire, les créanciers postérieurs ne peuvent être obligés de souffrir la radiation de leur hypothèque tant que le mari est vivant, et qu'ils n'ont pas touché, au moins à charge de rapport, ce qui reste du prix entre les mains de l'acquéreur; parce qu'il est impossible de dire qu'ils ne viendront pas en ordre utile, tant qu'il y a éventualité dans les droits de la femme.

265. C'est une question de savoir si, dans cette dernière hypothèse, l'acquéreur est en droit de se retenir le montant de la somme correspondant à l'inscription de la femme, sauf à en payer annuellement l'intérêt; ou s'il peut être forcé à le verser provisoirement entre les mains des créanciers postérieurs qui se trouvent en ordre

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