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ralité des biens, puisqu'elle résulte d'une convention matrimoniale (2121); mais ce serait une étrange erreur de croire qu'en ce cas l'hypothèque porte immédiatement sur le douaire immobilier, comme un moyen de l'obtenir en nature; car la même personne ne peut avoir sa propre chose hypothéquée à son profit.

Dans cette constitution du douaire, comme dans toute autre aliénation de fonds, faite avec garantie hypothécaire sur d'autres immeubles pour le cas d'éviction, il faut reconnaître deux obligations bien distinctes; l'une principale, et l'autre subsidiaire. La première, qui est la principale, n'a pour objet que la délivrance du douaire en nature, lorsqu'il sera ouvert; c'està-dire la délivrance de l'immeuble donné par le mari, puisque l'usufruit d'un fonds est lui-même un immeuble: cette première obligation se borne là, parce que c'est là tout son objet. Au contraire, la seconde obligation qui n'est que subsidiaire, parce qu'elle n'est qu'une obligation de garantie, loin d'avoir pour objet la délivrance du douaire en nature, ne porte que sur les dommages et intérêts pécuniaires qui pourront être dus pour toute atteinte portée à l'obligation principale; et, comme ce n'est plus ici qu'une action mobilière, l'hypothèque qui lui est accessoire frappe sur la généralité des biens du mari, parce que tous sont également engagés pour la sureté de ses conventions matrimoniales avec son épouse.

L'action qui correspond à la première et principale de ces obligations, est, par sa na

ture, une action tout immobilière, puisqu'elle a pour objet la revendication de l'usufruit immobilier, aliéné au profit de la femme elle n'est point hypothécaire dans la poursuite de cet objet, puisqu'elle n'est pas fondée sur un simple droit de suite par hypothèque, mais sur un droit de propriété foncière dont il s'agit d'obtenir la possession: elle ne s'étend point sur la généralité des biens du mari, mais seulement sur les héritages particuliers qui sont grevés du douaire, parce qu'il n'y a que ceux-là dont la veuve puisse revendiquer la jouissance.

Il n'en est pas de même de l'action qui ressort de l'obligation subsidiaire en garantie. Celleci n'est qu'hypothécaire sur tous les biens du mari: elle est par conséquent spécialement mobilière, parce que celui qui exerce un droit de suite par hypothèque, ne revendique ni le fonds, ni la jouissance du fonds hypothéqué; il en poursuit au contraire la vente pour être payé ou indemnisé sur le prix.

La dame Planche avait donc, d'après ses conventions matrimoniales, deux actions à exercer sur les biens de son mari : l'une principale, en revendication de l'usufruit des moulins et autres fonds possédés par le mari au jour de leur mariage: l'autre subsidiaire et en garantie, pour obtenir les dommages et intérêts qui pourraient lui être dus, dans le cas où ces immeubles auraient été dégradés par le fait ou la faute du mari; comme, par exemple, si, à défaut d'un entretien convenable, le moulin s'était trouvé dans un état ruineux lors de l'ouverture du douaire.

La première de ces deux actions ne portait que sur les fonds passibles du douaire: elle n'était, ni pour sa conservation, ni pour son exercice, aucunement soumise à la formalité de l'inscription hypothécaire, puisqu'elle n'avait pour objet qu'un droit de propriété foncière.

Mais, sous le rapport de la seconde action, la créance de la dame Planche devait être inscrite; et la transcription du contrat de vente, faite sans qu'il y eût eu d'inscription antérieurement prise de sa part, l'aurait rendue non-recevable, si elle n'avait demandé que des dommages-intérêts sur les biens de son mari, faute par celui-ci d'avoir convenablement entretenu les moulins et héritages sujets au douaire : mais ce n'était point là l'objet du procès, puisqu'il s'agissait au contraire d'une revendication d'usufruit, en nature, pour la conservation duquel aucune inscription n'était requise, et qui ne pou vait être purgé par la transcription du contrat de vente.

275. Examinons actuellement la créance du douaire sous le rapport de son éventualité, et voyons si cette qualité est telle qu'elle doive la faire dégénérer en une simple créance hypothécaire.

Lors de la vente des fonds du sieur Planche, a-t-on dit, son épouse n'avait encore qu'une simple expectative de l'usufruit des biens affectés au douaire; cette expectative n'était et ne pouvait être un droit de propriété dudit usufruit, puisqu'il n'était point encore ouvert donc il n'y avait encore pour la dame Planche qu'une

simple créance hypothécaire, soumise à la formalité de l'inscription pour en conserver les droits.

Si cette conséquence était juste, il faudrait dire que, dans le cas d'une substitution fidéicommissaire, l'inscription est nécessaire aussi pour en conserver les droits; que, si cette formalité n'a pas été remplie, et que le grevé vienne à vendre les fonds qu'il est chargé de rendre jamais le substitué ne pourra les revendiquer contre les tiers acquéreurs qui auront fait transcrire leurs contrats; parce qu'on lui répondrait qu'au temps de la vente il n'avait encore qu'une simple expectative qui n'était point un droit de propriété, puisqu'il n'y avait encore rien d'ouvert à son profit; que conséquemment il n'avait qu'une simple créance soumise à la formalité de l'inscription pour pouvoir en conserver les avantages: mais cette doctrine serait-elle admissible? Sans doute, du vivant du mari, la femme n'a qu'une créance éventuelle pour son douaire; mais, s'il est vrai qu'elle ne soit ne soit pas encore propriétaire de l'usufruit qui fait l'objet de cette créance, il n'est pas moins évident que, côté, le mari ne possède plus ses fonds que comme grevés de cette charge éventuelle qui leur a été irrévocablement imposée de sa part; que, par conséquent, le domaine du mari n'est plus absolument entier, puisqu'il est résoluble, quant à l'usufruit, pour le cas où il y aurait lieu au douaire; et dès-lors comment concevoir qu'il puisse aliéner incommutablement ce qu'il ne possède que d'une manière résoluble? ne serait-ce

de son

pas céder à l'acquéreur plus de droits qu'il en a lui-même? cela se peut-il?

276. Lorsqu'il est question de savoir si une créance est mobilière ou immobilière, sa nature n'est déterminée que par celle de l'objet auquel elle s'applique (526): peu importe qu'elle soit pure et simple, ou bien conditionnelle; si elle tend à revendiquer un immeuble, elle est immobilière, comme au contraire elle est meuble, si elle n'a pour objet qu'une somme pécuniaire. Donc la créance qui appartient à la femme pour obtenir l'usufruit de certains immeubles de son mari, quoiqu'éventuelle, n'en est pas moins immobilière; donc le droit qui s'y rattache ne peut être purgé par le défaut d'inscription, puisque c'est un droit de propriété foncière.

277. Une fois que la condition est arrivée, c'est comme si la créance avait été pure et simple dès son principe: la femme survivante a donc le même droit que si déjà elle avait été propriétaire de son douaire, du vivant du mari : elle se trouve, pour son usufruit, dans le même cas où serait, pour le droit de propriété, une personne quelconque à laquelle on aurait légué, sous condition, une chose que l'héritier aurait aliénée dans l'intervalle; et comme on ne pourrait refuser à celle-ci le droit de revendiquer la chose léguée, nonobstant la vente faite par l'héritier avant l'ouverture de la condition, si servum sub conditione legatum hæres alienaverit, deindè conditio extiterit, potest nihilominùs à lega

tario

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