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tario vindicari (1), parce qu'on n'aurait pu aliéner la propriété de ce légataire sans sa participation; de même la veuve ne peut être empêchée de révoquer, quant à l'usufruit, l'aliénation des fonds du mari, puisque c'est également sa chose qu'elle revendique, et qui ne peut avoir été aliénée à son préjudice et sans son consentement (2).

Nous avons dit dans la réponse à la première question, que la femme dont le douaire aurait été établi sous une coutume de saisine, doit obtenir, même aujourd'hui, les fruits, dès le décès du mari, contre les héritiers de celui-ci. Il n'en est pas de même lorsque c'est contre un tiers acquéreur qu'elle agit en revendication de son usufruit: ce n'est que du jour de sa demande qu'elle a droit aux fruits envers ce dernier qui n'a ici que la qualité de tiers possesseur, et qui ne succède point aux engagemens du mari.

TROISIÈME QUESTION.

278. Quelle est la prescription que le tiers acquéreur pourrait opposer à la demande de la femme, lorsqu'elle agit pour obtenir son douaire?

Quand il est question d'un douaire foncier ou immobilier, c'est un droit d'usufruit, ou un

(1) L. 69, S. 1, ff. de legatis 1. Voy. encore dans le nouveau Répert. verbo gains de survie, tom. 5, pag. 440 et 441.

(2) Voyez encore, sur cette question, ce que nous avons écrit au chap. 1o, sect. 4, sur la constitution d'us sufruit conditionnelle, sous les n.o 406 et 407.

TOM. I.

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démembrement de la propriété du fonds qui a été assuré à la femme, et qu'elle a droit de revendiquer lorsqu'elle survit à son époux. Ainsi, en aliénant les héritages grevés de ce droit, sans en faire la réserve pour le cas où il aura lieu, le mari aliène réellement le bien de sa veuve: or, la loi (2256) veut que la prescription soit suspendue, durant le mariage, dans le cas où le mari, ayant vendu les biens propres de sa femme, est garant de la vente, et dans tous les autres cas où l'action de la femme réfléchirait contre le mari: donc la prescription qu'on pourrait opposer à la veuve ne doit avoir son point de départ que du jour du décès du mari.

Quant à l'espace de temps nécessaire à la révolution de cette prescription, nous rentrons dans les termes du droit commun, suivant lequel celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la même Cour royale dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé; et par vingt ans, s'il est domicilié hors de ce ressort (2265). Ainsi la prescription sera acquise par dix ou vingt ans, contre la veuve, suivant qu'elle résidera ou non dans le ressort de la situation des biens sujets au douaire.

Au reste, nous ne pensons pas que, dans ce cas, l'acquéreur puisse être considéré comme étant de mauvaise foi, par cela seul qu'il aurait eu connaissance du mariage de son vendeur; parce qu'un homme peut être marié sans devoir aucun douaire à sa femme: mais, s'il était établi

que lors de la vente l'acheteur avait connaissance de la charge imposée sur les fonds qui lui étaient vendus, il ne pourrait en acquérir l'affranchissement que par la prescription de trente ans, qui éteint toutes les actions tant réelles que personnelles (2262), parce qu'elle fait présumer tout ce qui est possible.

Lorsque le douaire promis à la femme n'est que mobilier, elle n'a qu'un recours hypothécaire sur les biens vendus par son mari.

Ce recours, elle le perd, si sa créance n'a point été inscrite, et que l'acquéreur ait satisfait aux formalités prescrites par les articles 2194 et 2195 du code, pour la purgation spéciale de de cette espèce d'hypothèque.

Mais l'acquéreur peut prescrire l'affranchissement de l'hypothèque qu'il n'a pas purgée par une autre voie; et comme l'action en déclaration d'hypothèque qui serait intentée par la femme réfléchirait contre le mari, et pourrait le faire déclarer stellionataire (2136), il faut en conclure encore qu'ici la prescription ne peut courir au profit de l'acquéreur, lors même qu'il a fait transcrire son contrat, qu'à dater du jour du décès du mari, comme lorsqu'il s'agit du douaire immobilier.

Quant à l'espace de temps nécessaire pour que cette prescription soit accomplie, il est également de dix et vingt ans, suivant que la veuve réside ou non dans le ressort de la Cour d'appel où les biens sont situés; mais, si le tiers acquéreur n'avait pas fait transcrire son contrat, du vivant du mari, la prescription ne courrait en

core que du jour où il aurait satisfait à cette formalité, puisqu'ainsi le veut l'article 2180 du code.

Nous terminerons en observant que si le mari, aliénant ses fonds, les avait déclarés affectés à l'hypothèque du douaire de sa femme, il n'y aurait plus lieu à invoquer, contre elle, la prescription de dix ou vingt ans, parce que l'énonciation portée au contrat de vente repousserait toute allégation de bonne foi de la part de l'acquéreur (1).

CHAPITRE VII.

De l'Usufruit qui résulte de la célébration du mariage, soit au profit de la communauté sur les propres des époux, soit au profit du mari sur les biens dotaux de la femme.

279. LORSQUE le mariage est contracté conformément au régime communal, il se forme entre l'homme et la femme une association d'intérêts dans laquelle chacun d'eux confère son mobilier, le produit de ses travaux et les revenus de ses immeubles propres, soit pour fournir à leur entretien et à la dépense du ménage, soit pour faire des bénéfices et acquérir à profit commun.

Cet être moral, que nous appelons commu

(1) Voyez dans FERRIÈRE, sur l'art. 114 de la coutume de Paris, glose unique, n.o 6.

nauté, a ses droits distincts et séparés des droits de chacun des époux, puisque les immeubles propres de ceux-ci ne lui appartiennent pas, et que les biens qui lui appartiennent ne sont point ceux des époux en particulier.

Suivant la disposition du code (1401, §. 2), tous les fruits, revenus, intérêts et arrérages, de quelque nature qu'ils soient, échus ou perçus pendant le mariage, et provenant des biens qui appartiennent aux époux lors de sa célébration, ou de ceux qui leur sont échus depuis, à quelque titre que ce soit, sont acquis à la communauté.

Ce droit de jouissance établi par la loi, au profit de la communauté, est véritablement un droit d'usufruit, puisque c'est la société ellemême qui jouit des biens qui ne sont pas à elle, et que l'usufruit ne consiste que dans le droit de jouir de la chose d'autrui. C'est pourquoi la loi veut qu'à raison de cette jouissance, la communauté soit tenue des réparations usufructuaires (1409, §. 4), et que, pour les coupes de bois et les produits des carrières et des mines, on suive à l'égard de la communauté les règles établies pour les usufruitiers ordinaires (1403), avec quelques modifications néanmoins dont nous parlerons ailleurs; et c'est par la même raison encore que les baux faits par un usufruitier ordinaire, ou par le mari, comme administrateur de la communauté, sont soumis aux mêmes règles (595, 1429) pour le temps de leur durée. 280. Mais lorsqu'en se mariant, les époux ont adopté le régime dotal pour la règle de leurs intérêts, c'est le mari seul qui est usufruitier des

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