Page images
PDF
EPUB

biens dotaux de la femme, puisqu'il en perçoit tous les fruits et revenus dans son intérêt personnel (1549) et cet usufruit lui est dévolu à la charge de supporter toutes les dépenses du ménage (1540) et en outre toutes les obligations d'un usufruitier ordinaire (1562), telles que nous les signalerons dans la suite; sauf toutefois celle de fournir une caution dont le mari ne peut être tenu (1550), s'il n'y a été formellement assujetti par le contrat de mariage.

L'usufruit qui s'établit à raison du mariage, a des caractères distinctifs et particuliers que nous devons faire remarquer ici.

Et d'abord il est établi de plein droit par le seul fait du mariage; en sorte que le mari, soit comme administrateur de la communauté, soit comme ayant la jouissance de la dot de son épouse, se trouve saisi de toutes les actions relatives à cette jouissance, sans être tenu à aucune demande préalable en délivrance, comme serait obligé de le faire un simple légataire d'usufruit.

Ce transport de jouissance étant l'ouvrage de la loi, il n'entraîne aucun droit proportionnel de mutation au profit du fisc comme lorsqu'il s'agit des actes translatifs de propriété ou d'usufruit, qui doivent être présentés à l'enregistre

ment.

281. Considéré dans sa cause, cet usufruit est d'une nature mixte, comme le douaire. C'est un usufruit légal, puisqu'il est établi par la loi : néanmoins il participe aussi de l'usufruit conventionnel, puisqu'il se rattache au fait d'une convention, et que les époux sont censés l'avoir

tacitement stipulé, en tant qu'ils auraient pu convenir autrement, et qu'ils ne l'ont pas fait.

Considéré sous le rapport de sa fin, il a aussi ses limites particulières; car il finit non-seulement par la dissolution du mariage, mais encore par la séparation de corps, ou celle de biens, qui rend à l'épouse l'administration de ce qui lui appartient.

282. Mais ce qui lui donne un caractère particulièrement remarquable, c'est qu'il n'est établi qu'à titre onéreux, puisqu'à raison de ce droit de jouissance la communauté ou le mari sont tenus non-seulement des réparations et autres charges usufructuaires, mais encore des frais de nourriture et entretien soit des époux, soit des enfans, ainsi que des dépenses du ménage, et en général de toutes les charges du mariage: et c'est par cette raison que, sous le régime dotal, les fruits pendans par racines lorsqu'il finit, ne sont pas exclusivement dévolus au propriétaire du fonds, comme lorsqu'il s'agit d'un droit d'usufruit qui avait été établi à titre lucratif, ainsi que nous le ferons remarquer en temps et lieux.

C'est encore à cette cause que se rattache l'obligation où est le mari de fournir une provision à la femme pour plaider contre lui-même quand elle Y est autorisée (1). 283. EN TRAITANT des effets de la puissance paternelle, nous avons vu que l'usufruit légal qui en dérive n'a pas lieu sur les biens donnés aux

(1) Voyez dans GARCIAS de expensis et meliorationibus, cap. 13, n.o. 51.

enfans à condition que les père et mère n'en jouiraient pas. Doit-on appliquer la même doctrine à l'usufruit légal qui résulte du mariage sur les propres des époux? Celui qui fait une donation au profit de la femme peut-il y exprimer, pour condition, que le mari ou la communauté ne profitera pas même du revenu des biens donnés, et quelle peut être la force de cette stipulation?

Cette question était autrefois très-controversée (1); mais le code nous fournit un principe de solution qui doit mettre fin à toute controverse sur ce point de droit.

La question peut se présenter dans trois hypothèses principales :

1.o Dans le cas où le mariage aurait été célébré sans traité nuptial préalable, et se trouverait par là soumis aux règles du régime communal;

2.o Dans celui où, par un contrat préalable, les futurs se seraient expressément engagés à apporter en communauté les revenus de tous leurs biens présens et à venir;

3. Enfin, dans celui où, adoptant le régime 'dotal, la femme se serait constitué en dot tous ses biens présens et à venir, en sorte qu'elle eût par là renoncé au droit d'avoir des biens paraphernaux.

284. Supposons donc, en premier lieu, que le mariage ait été célébré sans traité préalable sur le

(1) Voyez dans les questions notables de DUPERRIER, liv. 1, quest. 10; et dans FURGOLE, en son commentaire sur l'art. 9 de l'ordonn. de 1731.

règlement des intérêts respectifs des époux, et qu'il soit fait à la femme une donation, ou un legs sous la condition que les revenus des biens. donnés ou légués ne profiteront qu'à elle seule, et n'entreront point en communauté : quel sera l'effet de cette disposition?

Aux termes de l'article 1401, §. 1, du code, la communauté légale se compose activement de tout le mobilier que les époux possédaient au jour de la célébration du mariage, ensemble de tout celui qui leur échoit pendant le mariage à titre de succession, ou même de donation, si le donateur n'a exprimé le contraire : il est donc permis à celui qui donne ou lègue des biens meubles à l'un des époux, de soustraire les effets donnés à la dévolution de la loi, pour n'attribuer son bienfait qu'au donataire seul qui est l'objet de son affection or il y a même raison de se conformer à la volonté du disposant, lorsqu'il s'agit de revenus d'immeubles donnés à l'un des époux, sous la condition que lui seul en jouira donc la disposition faite sous cette condition n'a rien de contraire aux lois, et doit recevoir sa pleine exécution, sous le régime de la communauté légale.

Sans doute, si, par abondance de style, la donation ou le legs n'étaient faits que sous la condition que la propriété seulement de la chose donnée n'entrerait pas dans la communauté, la disposition ainsi conçue ne faisant qu'un propre dans le patrimoine de l'époux donataire, la communauté aurait encore le droit d'en jouir; mais lorsque la prohibition du donateur porte sur la jouissance même,

il n'y a que le donataire qui doit jouir de la chose donnée comme il n'y a que lui qui doit en être propriétaire quand la prohibition porte simplement sur la propriété.

285. Si l'on suppose en second lieu qu'il y ait

eu une communauté conventionnelle stipulée entre les époux dans un traité nuptial préalable à la célébration du mariage, on devra adopter la même décision sur la question qui nous occupe: parce que la communauté expresse n'a pas plus de force ni de droit que la communauté tacite, qui a lieu lorsque les époux se sont mariés sans autre contrat que celui que la loi a stipulé pour eux, et auquel ils sont censés s'en être rapportés.

286. Enfin on doit encore, et à plus forte raison, porter la même décision en faveur de la femme mariée sous le régime dotal, et dire que le donateur ou le testateur qui fait une libéralité à son profit, peut réserver qu'elle seule en jouira, à l'exclusion de son mari, parce que le régime dotal étant un régime d'exception, il est encore plus naturel d'en borner les effets que quand il s'agit du régime de la communauté qui constitue la règle du droit commun.

Néanmoins il faut observer ici, comme nous l'avons fait sur l'usufruit paternel, que, s'il était dû au donataire par le donateur une légitime ou une réserve légale, la prohibition d'usufruit devrait être sans effet, à l'égard des biens formant le montant de cette réserve, et à dater de l'époque où le droit en serait ouvert, parce que le donataire la tenant des mains de la loi plutôt

« PreviousContinue »