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le cas où cet étranger aurait pu disposer au profit d'un français (912), puisque c'est la condition à laquelle notre code subordonnait la validité de toute disposition à titre gratuit envers les étrangers.

Ainsi, au contraire, l'étranger a toujours pu acquérir, par acte commutatif, un droit d'usufruit en France, comme toute autre proprieté foncière, parce qu'il n'est soumis qu'aux règles du droit des gens, pour les divers actes de ce genre.

Ainsi, le mort civilement ne peut recevoir un legs ni une donation d'usufruit (25), à moins qu'il ne lui soit accordé à titre d'alimens (1982).

Ainsi, au contraire, il pourrait acquérir un droit d'usufruit par contrat commutatif, parce que, nonobstant la mort civile dont il est frappé, il reste encore capable des contrats du droit des gens.

A l'égard des personnes qui ont la jouissance des droits civils, la règle générale est que toutes sont capables d'acquérir ou recevoir un droit d'usufruit, comme toute autre propriété, soit par contrats commutatifs, soit par libéralités entre-vifs ou à cause de mort; mais il y a des exceptions à cette règle, en ce qui touche aux effets des libéralités, parce que le donataire ou le légataire peut être une personne prohibée re lativement au donateur ou au testateur.

506. Ainsi, le mineur, quoique parvenu à l'âge de seize ans, ne peut faire un legs d'usufruit au profit de son tuteur; et même devenu majeur, il ne peut ni par disposition entre-vifs, ni par testament, faire une libéralité en usufruit au pro

fit de celui qui a été son tuteur, si le compte de celui-ci n'a été préalablement rendu et apuré; à moins, dans l'un et l'autre cas, qu'il ne s'agisse des ascendans qui peuvent être donataires ou légataires de leurs descendans dont ils exerceraient la tutelle, ou l'auraient exercée (907) sans en avoir rendu le compte.

Ainsi, les enfans naturels ne peuvent, soit par donation entre-vifs, soit par testament, rien recevoir, à titre d'usufruit, au-delà de ce qui leur est accordé par la loi sur les successions irrégulières (908).

Ainsi enfin, les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui ont traité, ou les ministres du culte qui ont assisté une personne pendant la maladie dont elle est morte, ne peuvent profiter des dispositions entre-vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur durant le cours de cette maladie, à moins qu'il ne s'agisse de dispositions rémunératoires à titre particulier, et proportionnées aux facultés du disposant et aux services rendus; ou que, s'il s'agit de dispositions universelles, le donateur ne soit décédé sans postérité, et que le donataire ne soit son parent sans être plus éloigné que le quatrième degré; ou enfin que, si le donateur a laissé de la postérité, le donataire ne soit un de ses descendans (909).

507. Suivant la jurisprudence de plusieurs Parlemens, attestée par divers auteurs (1), lorsque,

(1) Voy. dans DÉPEISSE, sur l'usufruit, art. 1, sect. 3, pag. 622, n.o quarto; et dans LAPEYRÈRE, lett. V, n.° 73.

dans l'ancien ordre de choses, l'un des époux avait légué l'usufruit de ses biens à l'autre, et qu'il y avait des enfans de leur mariage, les droits du légataire devaient être restreints à un simple droit d'usage, en sorte que l'époux nommé usufruitier ne devait prendre, au préjudice des enfans, sur les revenus de l'époux décédé, que ce qui lui était nécessaire pour ses alimens et son honnête entretien; mais cette jurisprudence, contraire aux principes du droit (1), embarrassée par une multitude d'exceptions, et qui n'avait été établie que par des motifs d'équité cérébrine (2), ne doit plus être à considérer sous notre code, qui règle d'une manière positive les effets et l'étendue de toutes les libéralités entre époux.

308. Arrivons maintenant à l'application des régles d'exception qui doivent régir la donation ou l'acquisition de l'usufruit au profit de diverses personnes en faveur desquelles on voudrait ou l'établir, ou en étendre la durée.

En expliquant la définition de ce droit et traitant de sa nature, dans le premier chapitre de cet ouvrage, nous avons fait voir que l'usufruit est une propriété essentiellement temporaire, incessible autrement que par un transport imparfait, et intransmissible héréditairement; et déjà nous avons signalé quelques-unes des conséquences qui dérivent de ces qualités particu→

(1) L. 37, ff. de usufructu legat., lib. 33, tit. 2.

(2) Voy. dans FABER, sur le code, liv. 6, tit. 17, déf. 14.

lières : mais si l'usufruit n'est pas, de sa nature, héréditairement transmissible, ne pourrait-il pas du moins être rendu tel, par la disposition de l'homme ?

Ne pourrait-il pas être établi sur plusieurs têtes ?

Ne pourrait-il pas être légué tout à la fois au profit de quelqu'un et de ses héritiers?

Un homme ne pourrait-il pas le stipuler, par acte entre-vifs, tant pour lui que pour ses héritiers?

Peut-il être établi, pour une durée quelconque, au profit d'une commune ou d'un établis sement public?

Telles sont les diverses questions dont l'examen doit trouver ici sa place.

PREMIÈRE QUESTION.

309. Le droit d'usufruit pourrait-il être tellement modifié par la volonté de l'homme, qu'il fut, au moins pour un temps, rendu héréditairement transmissible?

L'usufruit n'est point une chose de pure convention: sa nature est fixée par la loi: il consiste dans le droit ou la faculté qui est accordée à quelqu'un de jouir du bien d'un autre il ne peut être que cela. Or, cette faculté est essentiellement intransmissible par la voie de l'hérédité, puisqu'elle se rattache aux faits de l'homme, et que tout ce qui tient aux actes et faits de la personne, ou à l'exercice des facultés humaines, est nécessairement éteint par la mort: donc l'u

sufruit ne peut être rendu héréditairement transmissible, par l'effet de la volonté de l'homme; parce que ce serait vouloir lui imprimer une qualité inconciliable avec sa nature.

Le maître du fonds pourrait, sans doute, en léguer la propriété, au lieu d'en léguer l'usufruit seulement; comme tout testateur pourrait léguer une rente perpétuelle, au lieu de léguer une simple pension viagère; mais, du moment que l'un ou l'autre ne veut faire don que d'un droit viager, il ne peut le rendre transmissible héréditairement, parce qu'il ne peut efficacement vouloir deux choses contradictoires entre elles.

Nous verrons ailleurs (1) que, lorsqu'il y a du doute sur le véritable sens des termes dans lesquels la disposition est concue, on doit voir plutôt un legs de propriété qu'un legs d'usufruit dans celle par laquelle le testateur a clairement exprimé la volonté où il était que la chose léguée fût perpétuellement transmissible aux héritiers et ayant-cause du légataire; mais si l'empire des expressions dont il s'est servi n'est pas tel qu'il doive faire dégénérer la disposition en un don de propriété; si au contraire il a clairement déclaré ne vouloir léguer qu'un droit d'usufruit, l'objet de sa libéralité ne doit point être considéré comme perpétuellement transmissible aux héritiers et ayant-cause du légataire, parce qu'il y aurait contradiction dans les termes.

En un mot un droit d'usufruit qui aurait été établi pour toujours, ou pour être perpétuellement transmissible par la voie héréditaire, ne se(1) Voy. au chap. II, sous le n.o 497.

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