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auteur; car nous démontrerons bientôt le contraire: mais on doit au moins en tirer cette conséquence qu'en les désignant par le mot heritiers, il a voulu les appeler au partage de la chose léguée dans l'ordre suivant lequel ils sont appelés par la loi à succéder au premier usufruitier; en sorte qu'ils doivent venir au partage de l'usufruit, par tête ou par souche, comme ils viendraient par tête ou par souche au partage de l'hérédité de leur auteur, s'ils l'avaient acceptée, puisqu'on voit par l'expression dont le testateur s'est servi, qu'il a voulu calquer sa vocation sur celle de la loi.

Nous avons dit que l'usufruit était une propriété essentiellement temporaire, et nous venons de voir les conséquences qui en résultent.

Nous avons ajouté que l'usufruit était intransmissible; il nous reste à examiner aussi quelles sont les conséquences qui résultent de cette seconde qualité, pour l'exécution du legs qui nous occupe.

320. L'usufruit est essentiellement intransmissible: donc ce n'est pas par voie de transmission héréditaire que les héritiers du premier usufruitier le reçoivent. Les expressions de la loi que nous avons transcrites plus haut, sont bien remarquables sur ce point, repeti potest ususfructus legatus, ditelle: ce n'est donc pas un droit d'usufruit transmis le premier jouissant à ses héritiers, mais un droit répété par le testateur au profit de ceuxci; non transmissus, sed repetitus. Le droit du premier usufruitier étant éteint par sa mort, ses héritiers ne peuvent le trouver dans sa succes

par

sion, puisqu'il n'existe plus. C'est donc du testateur lui-même qu'ils le reçoivent directement et sans intermédiaire; et de là résultent plusieurs conséquences remarquables.

321. La première; que, pour qu'un pareil legs puisse avoir lieu au profit des héritiers, il faut qu'ils soient déjà au moins conçus au jour du décès du testateur, puisque c'est là une condition essentiellement voulue par la loi (906), pour être capable de recevoir une libéralité à cause de mort; en sorte que, si le premier usufruitier laissait plusieurs enfans dont les uns eussent été conçus avant et les autres seulement après la mort du testateur, il n'y aurait que les premiers qui fussent appelés à recueillir le bénéfice du legs d'usufruit.

322. La seconde ; que le premier usufruitier ne pourrait, par aucune disposition, appeler ses enfans à jouir inégalement après lui de l'usufruit dont il s'agit, puisqu'ils ne tiennent aucunement leur droit de lui.

323. La troisième ; que les enfans appelés à jouir de ce droit d'usufruit après la mort de leur père, ne pourraient en devoir aucun rapport à sa succession, puisqu'il ne leur proviendrait pas du patrimoine paternel. 324. La quatrième; que l'usufruit qui se trouve établi de nouveau au profit des enfans, exige un nouveau cautionnement, puisqu'il n'est pas le même usufruit pour l'exercice duquel la première caution avait répondu.

325. La cinquième enfin ; que, pour participer à l'usufruit qui leur aurait été légué, les enfans ne

seraient point tenus d'accepter la succession du premier usufruitier leur père: car, du moment que le mot héritiers ne désigne ici que les enfans et descendans du premier légataire, ainsi que nous l'avons établi plus haut, c'est comme si le legs avait été fait au père tant pour lui que pour ses enfans (1), ce qui ne suppose nullement que ceux-ci soient tenus d'accepter la succession paternelle, pour pouvoir profiter d'un legs qui n'a rien de commun avec cette succes

sion.

Le testateur, en léguant l'usufruit de son fonds à quelqu'un tant pour lui que pour ses héritiers, n'a pu avoir l'intention de forcer ces derniers à accepter la succession de leur père, lors même qu'elle serait onéreuse, parce qu'il n'avait aucun intérêt à imposer une pareille charge à son bienfait. On doit croire qu'il n'a pas voulu rendre sa libéralité illusoire ou onéreuse pour ceux envers lesquels il exerçait un acte de bienveillance.

Ainsi le mot héritiers, dans une semblable disposition, ne signifie rien autre chose que héritiers présomptifs, et non pas héritiers de fait : c'est un nom commun employé au lieu des noms propres des seconds légataires, pour les désigner, et rien de plus.

(1) Voyez dans GRIVEL, décis. 18, n.o 57 et 58.

QUATRIÈME QUESTION.

326. Peut-on stipuler un droit d'usufruit tant pour soi que pour ses héritiers; et quels doivent être les effets d'un tel contrat?

Nous dirons ici, comme sur la question précédente, que le principe en est déjà résolu par les motifs exposés pour prouver que le droit d'usufruit peut être établi sur plusieurs têtes: car, du moment qu'il est avéré que ce droit peut être établi par acte entre-vifs sur plusieurs têtes, c'est-à-dire au profit de plusieurs personnes étrangères entre elles, et successivement appelées à en jouir, il n'y aurait pas de raison soutenir que la même succession de jouissance ne peut avoir lieu lorsque le second usufruitier est en même temps appelé à recueillir l'hérédité du premier (1).

pour

Cependant, lorsqu'il s'agit d'établir un droit d'usufruit, par acte entre-vifs, au profit de plusieurs personnes qui sont étrangères entre elles, tous ceux qui sont appelés à en profiter doivent être participans à l'acte, parce que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes (1165), et qu'on ne peut en général stipuler que pour soi-même (1119), et non pour des personnes qui nous sont étrangères; tandis qu'un homme peut stipuler tant pour lui que pour ses héritiers (1122), par la raison que l'héritier représentant le défunt, l'une des personnes ne peut être, en ce cas, considérée comme

(1) Voyez sous les n. 310 et 313.

étrangère à l'autre : nous avons donc encore à examiner ici quels sont les effets particuliers que doit avoir la stipulation du droit d'usufruit, faite par quelqu'un tant pour lui que pour ses héritiers.

D'autre part, il faut aussi savoir ce qu'on doit entendre par le mot héritiers, et à quel degré il doit être borné, puisque l'usufruit est une propriété essentiellement temporaire.

Ainsi, nous le répétons, quoique le principe de la présente question soit déjà résolu, elle doit recevoir encore, sous plusieurs rapports, beaucoup de nouveaux développemens. 527. Voyons donc quel est le mérite d'une pareille stipulation, et comment elle doit être

exécutée.

Dans le silence de nos codes, nous ne pou→ vons suivre ici un meilleur guide que la loi romaine or elle déclare que cette stipulation est valable; qu'elle a pour objet plusieurs usufruits, parce qu'elle porte sur des droits personnels établis au profit de plusieurs, et que l'héritier a l'action ex stipulatu pour obtenir le sien, comme il l'aurait pour se faire ouvrir l'entrée d'un fonds sur lequel on aurait stipulé pour lui, non un droit de servitude réelle ou foncière, mais un simple droit de promenade pour son agrément personnel: Sed et si quis utifrui licere sibi, hæredique suo stipulatus sit : videamus an hæres ex stipulatu agere possit? et putem posse, licet diversi sint ususfructus: nam et si ire agere

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