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étrangère à l'autre : nous avons donc encore à examiner ici quels sont les effets particuliers que doit avoir la stipulation du droit d'usufruit, faite par quelqu'un tant pour lui que pour ses héritiers.

D'autre part, il faut aussi savoir ce qu'on doit entendre par le mot héritiers, et à quel degré il doit être borné, puisque l'usufruit est une propriété essentiellement temporaire.

Ainsi, nous le répétons, quoique le principe de la présente question soit déjà résolu, elle doit recevoir encore, sous plusieurs rapports, beaucoup de nouveaux développemens. 327. Voyons donc quel est le mérite d'une pareille stipulation, et comment elle doit être exécutée.

Dans le silence de nos codes, nous ne pou→ vons suivre ici un meilleur guide que la loi romaine or elle déclare que cette stipulation est valable; qu'elle a pour objet plusieurs usufruits, parce qu'elle porte sur des droits personnels établis au profit de plusieurs, et que l'héritier a l'action ex stipulatu pour obtenir le sien, comme il l'aurait pour se faire ouvrir l'entrée d'un fonds sur lequel on aurait stipulé pour lui, non un droit de servitude réelle ou foncière, mais un simple droit de promenade pour son agrément personnel: Sed et si quis utifrui licere sibi, haredique suo stipulatus sit: videamus an hæres ex stipulatu agere possit? et putem posse, licet diversi sint ususfructus: nam et si ire agere

stipul ir, sibi hæredique suo licere, idem probaverimus (1).

l'u

Il y a plusieurs usufruits : c'est-à-dire que sufruit qui est dévolu à l'héritier, par suite de cette stipulation, n'est pas le même que celui qui a été possédé par son auteur, et la nature des choses s'oppose à ce qu'il soit le même, puisque le premier est éteint par la mort du premier usufruitier.

Le second usufruit est différent du premier, soit dans la personne de l'usufruitier, qui n'est pas la même, et dont l'une ne représente pas l'autre dans les droits purement personnels; soit dans l'état des choses qui peuvent avoir subi de grands changemens; soit dans les droits respectifs des parties, lesquels sont toujours corrélatifs et proportionnés à l'état des choses; soit enfin dans les obligations qui doivent toujours être correspondantes aux droits.

Puisqu'il y a deux usufruits, ce n'est pas par voie de transmission du même droit, mais par l'ouverture d'un nouveau, que l'héritier devient à son tour usufruitier lui-même : il ne peut trouver dans l'hérédité du défunt l'usufruit dont celui-ci avait été en possession, puisqu'il a été éteint par son décès: il ne peut en être saisi comme d'une propriété qui lui soit transmise, puisqu'il n'existe plus. Néanmoins il a une action pour en obtenir une nouvelle délivrance, parce qu'il a été stipulé à son profit, de la part de ce

(1) L. 38, S. 12, ff. de verborum oblig., lib. 45,

tit. I.

lui auquel la loi donnait le pouvoir de le stipuler ainsi. Quanquam etsi usumfructum sibi hæredique suo quis stipulatus esset, dit Donellus sur le texte précité, non tamen usumfructum vindicaret hæres, sed et ut sibi constitueretur, det in personam ex stipulatu ageret, diversi sunt ususfructus, inquit Ulpianus: nam qui defuncto constitutus erat, morte ejus extinctus est: ex quo necesse est eum qui nunc petitur, alium esse novum usumfructum, undè et hic repeti dicitur. L. repeti, ff., quibus mod. ususfr. amitt. 1. Cette action en répétition de nouvelle constitution d'usufruit suppose bien la transmission de la stipulation sur la tête de l'héritier qui agit'; mais il y a loin de là jusqu'à la transmission de l'usufruit lui-même.

sit l'ay no Chacun sait, en effet, que c'est un principe avéré dans le droit, que nous pouvons stipuler une chose pour notre héritier seulement, sans la stipuler pour nous-mêmes (1). C'est une espèce particulière de mandat que la loi nous accorde pour procurer un avantage à notre héritier, sans que nous en soyions participans nous-mêmes. Or, en ce cas, l'héritier ne trouve pas la chose en ce cas, ainsi stipulée dans la succession du défunt, puisque celui-ci n'en a jamais été propriétaire il ne peut la recevoir par transmission, parce que le défunt n'a pu lui transmettre ce qu'il n'avait pas; donc l'héritier peut avoir le droit d'agir directement en vertu de la stipulation faite pour lui, par son auteur, et qu'il peut

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agir de son propre chef, à l'exemple du commettant qui agit en vertu de la stipulation faite pour lui par son mandataire.

Tel est le résultat de la stipulation d'un droit d'usufruit, faite par quelqu'un tant pour lui que pour ses héritiers, que c'est comme s'il y avait deux contrats: l'un conçu d'abord dans l'intérêt seulement de celui qui stipule, et l'autre consenti ensuite dans le seul intérêt des héritiers, à l'effet de créer un nouveau droit de jouissance à leur profit personnel, après l'extinction du premier usufruit.

II y a donc transmission dans la stipulation, puisque les héritiers qui en demandent l'exécution pour eux, n'agissent qu'en vertu d'une action qu'ils tiennent du défunt: mais il n'y a pas transmission dans l'usufruit lui-même, puisque c'est un autre droit qui s'ouvre au profit des héritiers.

328. Voyons actuellement quelles sont les conséquences qu'on doit tirer de ces vérités de principes.

Il y a transmission dans la stipulation; donc il ne suffirait pas d'avoir la qualité d'héritier présomptif, mais il faut avoir accepté la succession du défunt pour pouvoir demander la délivrance de l'usufruit stipulé au profit de l'héritier, parce qu'il n'y a que celui qui est en possession de l'hérédité qui puisse proposer les actions que le défunt y a laissées.

Il y a transmission dans la stipulation; donc 'héritier testamentaire doit en profiter, comme celui de la loi, puisqu'il a le droit de recueillir

tout ce qui est utile dans l'hérédité. C'est pour lui que l'auteur du contrat est censé avoir stipulé le droit d'usufruit, et c'est pour lui que ce droit est censé avoir été consenti, du moment qu'il est subrogé dans tous ceux de l'héritier légal.

Il y a transmission dans la stipulation; donc il n'est pas nécessaire que l'héritier qui en veut profiter, ait déjà été existant lors du contrat, comme il est nécessaire que tous les donataires soient déjà existans lors de la donation, quand il s'agit de la constitution d'usufruit à établir sur plusieurs têtes étrangères l'une à l'autre; attendu que, dans le cas de la stipulation dont nous expliquons les effets, l'action n'arrive à l'héritier que par la médiation du défunt qui avait pouvoir et qualité pour acquérir dans l'intérêt de son successeur, sans l'intervention de celui-ci et quel qu'il fût un jour.

Il y a transmission dans la stipulation; donc s'il y a plusieurs héritiers appelés à la succession du défunt, tous se trouvent aussi appelés à profiter, dans la même proportion, du bénéfice de l'usufruit stipulé pour eux, puisque l'action qui tend à en obtenir la délivrance est dévolue à tous.

Il y a transmission dans la stipulation; donc les héritiers, partageant la succession du défunt, peuvent placer cette action dans le lot d'un seul d'entr'eux, comme s'il s'agissait de tout autre effet de l'hérédité, et le propriétaire du fonds grevé d'usufruit ne serait point recevable à s'opposer à ce mode de partage, sous le prétexte d'une plus grande longévité probable dans celui

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