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venaient à être détruits avant les trente ans, l'usufruit serait éteint par cet événement, comme il est éteint par la mort de l'usufruitier ordinaire Si ususfructus civitati legetur: et aratrum in ea inducatur, civitas esse desinit: ut passa est Carthago: ideòque quasi morte desinit habere usumfructum (1).

Sur quoi il faut observer qu'il ne suffirait pas que les habitations d'un village eussent été détruites par un incendie ou ravagées par l'invasion de l'ennemi, pour que le droit d'usufruit dont il jouissait auparavant, fût considéré comme éteint; car, si les habitans, en reconstruisant même ailleurs, continuaient à faire corps de commune, ou section d'une autre commune, ils devraient aussi continuer à jouir du droit appartenant au corps moral qui n'aurait pas réellement cessé d'exister.

Mais si, par rapport à quelque grand crime dont on aurait jugé une commune responsable, le Gouvernement en ordonnait la dissolution, ce serait sur-tout le cas de dire que le droit d'usufruit dont elle jouissait, devrait être considéré comme éteint, par l'extinction du corps moral auquel il avait été accordé; et c'est sur-tout à un événement de cette nature que se rapportent ces expressions de la loi romaine: Aratrum

passa.

(1) L. 21, ff. quib. mod. ususfruct, amitt., lib. 7, tit. 4.

SECTION III.

Sur quelles choses l'usufruit conventionnel peut-il étre établi?

333. Aux termes de l'art. 581 du code, l'usufruit peut être établi sur toute espèce de biens, meubles et immeubles, qui sont dans le commerce. Il peut donc être établi :

Sur les bâtimens, les fonds de terre et leurs accessoires;

Sur des créances de toute espèce, même sur une rente viagère; et dans tous les cas l'usufruitier a droit d'en percevoir les arrérages sans être tenu à aucune restitution (588);

Sur un droit d'usufruit même; et alors l'usufruitier, parvenu à la fin de sa jouissance, n'est obligé de rendre que le droit d'usufruit luimême (1568), sans faire aucun rapport des émolumens qu'il en a perçus;

Sur les meubles qui, sans se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l'usage (589), tels que le linge, les habits, les meubles meublans qui garnissent un appartement;

Sur le bétail (583), soit qu'il s'agisse d'un ou de plusieurs animaux considérés comme autant d'individus, soit qu'il s'agisse d'une aggrégation composant un troupeau destiné à se reproduire par lui-même (616);

Enfin sur les choses fongibles qui se consomment par le premier usage, ou qui consistent dans le nombre, le poids ou la mesure, et qui par cette raison sont acquises en toute

propriété à l'usufruitier, par la délivrance qui lui en est faite, à la charge d'en payer l'estimation, ou d'en rendre une pareille quantité d'égale valeur en naturè, à la fin de sa jouissance. La constitution d'usufruit emportant un démembrement dans la propriété du fonds, la première condition requise pour pouvoir l'établir, c'est d'être propriétaire de la chose : ainsi le legs (1021), comme la vente (1599) ou la donation de l'usufruit de l'héritage d'autrui, seraient radicalement nuls.

334. Il faut aussi avoir la libre disposition du fonds: ainsi on ne pourrait établir un droit d'usufruit sur les fonds d'une commune, d'un établissement public ou de l'Etat, sans une loi autorisant cette aliénation, si ce n'est par la voie de la prescription dont nous parlerons dans un des chapitres suivans. 335. L'indivision de la propriété n'est point un obstacle à la constitution de l'usufruit sur ce qui nous en appartient. On peut aussi l'établir au profit d'un ou de plusieurs sur une partie, comme sur tout le fonds qui est à nous. En conséquence celui qui n'est que copropriétaire d'un fonds possédé en commun avec d'autres, peut léguer l'usufruit de sa part indivise; usus→ fructus et ab initio pro parte diviså vel indivisa constitui potest (1); comme, s'il est seul propriétaire de l'héritage, il peut en léguer l'usufruit d'une portion seulement, laquelle n'étant pas désignée, serait censée de moitié; etiam

(1) L. 5, ff. de usufruct., lib. 7, tit. I.

partis bonorum ususfructus legari potest. Si tamen non sit specialiter facta partis mentio, dimidia pars bonorum continetur (1). Enfin, comme le propriétaire d'un fonds pourrait en léguer l'usufruit à un seul, il peut aussi le léguer indivisément à plusieurs, qui sont alors maîtres de jouir en commun, ou d'opérer entre cux un partage de jouissance; sed si inter duos fructuarios sit controversia, Julianus scribit; aquissimum esse, quasi communi dividundo judicium dari, vel stipulatione inter se eos cavere qualiter fruantur. Cur enim, inquit, ad arma et rixam procedere patiatur prætor quos potest jurisdictione suá componere? Quam sententiam Celsus quoque probat ; et ego puto veram (2).

Lorsque le fonds sur lequel on prétend exercer un droit d'usufruit appartient à plusieurs, et que l'usufruitier, agissant en revendication de son droit, n'a attaqué qu'un des copropriétaires de l'héritage, soit qu'il ait été repoussé de sa demande, soit qu'il sorte vainqueur de la lutte, le jugement ne doit recevoir d'exécution que pour la part de celui qui a défendu, parce que l'usufruit est une chose divisible comme le fonds sur lequel il est établi, et qu'il n'y a point de solidarité entre les divers propriétaires du fonds, pour en accorder ou en refuser la délivrance: si ex communi prædio debeatur, uno ex sociis defendente, pro parte defendentis fit restitutio (3).

(1) L. 43, ff. eodem.

(2) L. 13, §. 3, ff. eodem. (3) L. 5, ff. eodem.

556. La légitime ou réserve légale qui est assignée aux enfans ou autres descendans dans les successions de père et mère ou autres ascendans, ne peut être grevée d'usufruit au préjudice des légitimaires, parce qu'autrement ils ne l'auraient plus tout entière et telle que la loi veut qu'ils en obtiennent le montant, à l'exclusion de tous autres. 537. Une question, qui était autrefois controversée par les auteurs (1), consistait à savoir si le fils n'était pas obligé de se soumettre à la disposition du père, lorsque la charge d'usufruit était d'ailleurs compensée par l'avantage d'une plus grande quotité qui lui était laissée en propriété. Les uns soutenaient qu'en ce cas, le fils n'avait d'autre droit que celui d'opter pour s'en tenir à sa quotité légitimaire, et l'avoir franche de toute charge d'usufruit, sans rien emporter de plus dans la succession paternelle : d'autres voulaient au contraire, que le fils fût d'abord admis à revendiquer sa légitime dégagée de tout usufruit, et qu'après avoir reçu ce premier objet, comme un à compte, il pût encore, lors de la cessation de l'usufruit légué à un tiers, exiger le surplus des biens contenus dans la disposition paternelle faite à son profit.

Cette question ne peut plus être l'objet d'une difficulté aujourd'hui: elle est, comme beaucoup d'autres, tranchée l'article par du code qui porte que « si la disposition par acte entre-vifs

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(1) Voy. GALLUM, tractatu de fructibus, disput. 15, art. 2; — HENRYS, liv. 5, chap. 4, quest. 51, tom. 3, pag. 226; RAVIOT, quest. 137, tom. I, pag. 416.

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