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Quoique cet article mette fin aux controverses qui existaient, dans l'ancienne jurisprudence, sur le point que nous venons d'indiquer, néanmoins nous ne gagnons pas tout, parce qu'il fait naître plusieurs autres difficultés que nous allons tenter d'aplanir; mais reprenons-en d'abord les principales expressions. 338. Si la disposition est d'un usufruit ou d'une rente viagère dont la valeur excède la quotité disponible, comment connaîtra-t-on que la valeur de l'usufruit ou de la rente viagère doit excéder celle de la quotité disponible? Si l'usufruitier ou le pensionnaire soutiennent la négative, faudrat-il recourir à une expertise?

Nous croyons que non : soit parce que la loi qui défère l'option aux héritiers, les rend par là même juges de la cause; soit parce qu'en les soumettant à une expertise sur une chose absolument incertaine et purement aléatoire, on les forcerait à jouer sur leur droit de réserve, ce qui ne peut être exigé d'eux.

559. Mais si, d'une part, l'héritier est le maître de retenir sa quote légitimaire tout entière et d'abandonner le surplus de l'hérédité au légataire, pour lui tenir lieu de son legs d'usufruit ou de rente viagère, de quelque valeur qu'il şoit; de son côté le légataire ne saurait être forcé

à recevoir ce que l'héritier lui abandonne, sans avoir la certitude que ce qui lui est livré comprend réellement tout le surplus des biens laissés par le testateur; et c'est à l'héritier à faire voir qu'il n'en a pas trouvé davantage, parce qu'il doit démontrer la suffisance du payement qu'il offre.

340. Ici se présente une question qui n'est pas

sans intérêts: elle consiste à savoir comment l'héritier doit démontrer la consistance des biens de l'hérédité, pour faire voir que l'abandon qu'il offre comprend réellement toute la quotité disponible. Suffit-il qu'il produise un état détaillé de l'actif et du passif de la succession, sauf au légataire à le combattre s'il le croit infidèle; ou faut-il un inventaire légalement fait et auquel le légataire aura été dûment appelé, comme partie principalement intéressée ?

Pour soutenir que la formalité de l'inventaire est indispensable, et qu'ainsi il n'y a que l'héritier bénéficiaire qui puisse profiter de l'option offerte par l'article 917 du code, on peut dire qu'il n'y a que celui qui a fait emploi de ce moyen qui ne soit pas tenu de toutes les charges héréditaires; qu'il n'y a que lui à qui la loi accorde (802) la faculté de se dégager du payement intégral des legs et des dettes, en abandonnant aux créanciers et aux légataires tous les biens de la succession; que l'héritier pur et simple s'étant personnellement obligé à payer les legs, même ultrà vires hæreditatis, il y aurait de la contradiction à lui accorder le droit

d'en réduire aucun pour se conserver encore une plus grande part des biens du testateur.

Nonobstant ces raisonnemens, nous croyons que le défaut d'inventaire ne doit pas faire perdre à l'héritier pur et simple le droit d'option décrété par l'article 917 du code.

Et d'abord, dans le cas où celui au profit duquel on a fait un legs inofficieux d'un droit d'usufruit ou de rente viagère, est lui-même un des héritiers, ayant ce legs en préciput, l'acceptation pure et simple de l'hérédité ne pourrait être suspectée par les autres, parce que tous sont censés être également instruits de la consistance des biens héréditaires qu'ils sont appelés à partager ensemble.

Si, en second lieu, l'on suppose que le légataire soit un étranger, il faudra porter encore la même décision, par cette autre raison qu'il s'agit ici du droit de réserve légale, et que, si l'héritier légitimaire doit faire inventaire pour n'être pas tenu ultra vires à l'égard des créanciers, il n'est pas soumis à l'observation de la même formalité, pour conserver sa légitime vis-à-vis des légataires. Quand il s'agit des créanciers de la succession, tout héritier qui n'a pas fait inventaire doit les payer intégralement, parce qu'il représente le défunt qui était leur débiteur; mais, lorsqu'il est question des légataires en faveur desquels le testateur a dépassé les bornes de ses pouvoirs en faisant des libéralités inofficieuses, l'héritier de la réserve qui ne demande que sa légitime, vient jure proprio: il n'est plus ici le représentant du défunt en exigeant une chose

qu'il ne tient que des mains de la loi; il ne serait donc pas juste de l'écarter sous le prétexte du défaut d'inventaire (1).

341. Les héritiers au profit desquels la loi fait

une réserve; quels sont ces héritiers? Ce sont d'abord les enfans et descendans du défunt: ce sont ensuite ses ascendans, et enfin ce sont aussi les collatéraux en certaines circonstances, comme nous l'expliquerons plus bas.

Auront l'option, ou d'exécuter cette disposition, ou de faire l'abandon de la propriété de la quotité disponible; c'est là un cas singulier où il est permis au débiteur de se libérer par la prestation d'une chose au lieu et place d'une autre : par l'abandon d'une chose qui n'était pas due, au lieu et place de celle qui était due; mais tel est le moyen que la loi accorde à l'héritier pour conserver intacte sa légitime.

L'acquittement que l'héritier obtient ainsi, par la subrogation d'une chose au lieu et place d'une autre, n'est donc pas un véritable payement, ni une vraie délivrance du legs, fait au légataire; mais s'il y a quelque chose de changé dans les intérêts de celui-ci, ce changement ne touche qu'à l'exécution de la libéralité, et nullement au titre constitutif du legs, lequel reste absolument le même d'où il résulte que, quoique la quotité disponible soit toujours une quote d'hérédité, une quote toujours constitutive d'un legs à titre universel quand elle a été directement léguée; néanmoins le légataire d'usufruit ou de

:

(1) Voy. dans LEBRUN, en son traité des successions, liv. 3, chap. 4, n.o 75.

TOM. I.

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rente viagère auquel elle est abandonnée en compensation de son legs, ne devient pas, pour cela, légataire à titre universel: il n'est toujours qu'un légataire particulier, puisqu'il n'y a rien de changé dans son titre; en conséquence de quoi les dettes et charges de l'hérédité ne le concernent pas plus après qu'avant l'abandon qui lui a été

fait. 342. S'il y a plusieurs héritiers, et que quelquesuns préfèrent se soumettre à l'exécution littérale de la disposition, tandis que d'autres veulent opter pour l'abandon de la quotité disponible, le légataire sera forcé de recevoir ainsi différens paiemens de chacun d'eux ; parce que les divers cohéritiers n'étant tenus chacun que pour leurs quotes parts des charges de la succession (873), c'est comme s'il y avait autant de legs qu'il y a de cohéritiers; pour quoi chacun d'eux peut prendre séparément le parti qui lui convient le

mieux.

Vainement opposerait-on à cette décision que, dans la dette alternative qui porte sur deux choses l'une, on ne peut forcer le créancier à recevoir une partie de l'une des choses et une partie de l'autre (1191); qu'en conséquence les héritiers ne doivent être écoutés qu'autant qu'ils se concertent tous pour faire la même option.

Il faut remarquer, en effet, qu'il n'y a point ici de dette alternative, et cela est évident, puisqu'il n'y a que l'usufruit qui ait été légué, et qui soit dû. Si les héritiers peuvent se libérer en offrant des propriétés au lieu de délivrer un droit de jouissance plus étendu, ce n'est pas que les

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