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ment reconnu par le testateur : car, du moment que la loi lui attribue un apportionnement (757, 758 ), et qu'elle défend de lui donner au-delà (908), il en résulte que tout le surplus de la succession est réservé même aux héritiers collatéraux, au préjudice desquels la donation ne peut s'étendre plus loin.

Ainsi, à supposer que le testateur ait légué à son enfant naturel, légalement reconnu, un droit d'usufruit trop considérable, ou une rente viagère excessive, les héritiers, même collatéraux, doivent avoir le droit de s'en rédimer par l'abandon, en toute propriété, du montant de la portion que la loi déclare disponible à son égard, et celui-ci doit s'en contenter, puisque c'est là tout ce que le testateur pouvait lui donner.

Quant au bâtard adultérin ou incestueux; comme il ne lui est dû que des alimens (762), si le testateur lui avait fait un legs en propriété, les héritiers pourraient lui en refuser la délivrance en lui offrant de remplacer le fonds légué par une pension alimentaire convenable; et si le testateur lui avait lui-même légué une rente viagère qui fût excessive, les héritiers pourraient en demander la réduction jusqu'à concurrence de ce qui serait nécessaire pour fournir à ses alimens, ce qui comprend l'habitation, le vêtement et la nourriture, parce que tous ces objets sont autant d'élémens de la pension alimentaire, ainsi que nous l'avons fait voir ailleurs (1).

(1) Voy. au chap. 3, sous le n. 60.

353. La règle qui veut que la légitime soit laissée franche de toute charge d'usufruit, souffre néanmoins une exception à l'égard des ascendans; et quelques modifications à l'égard des enfans, ou descendans, lorsque c'est un des époux qui dispose au profit de l'autre. Ces exceptions et modifications résultent de l'article 1094 du code dont nous avons déjà souvent parlé, et sur lequel il nous faut encore revenir pour en examiner les dispositions sous ce nouveau point de vue. Il statue dans les termes sui

vans:

« L'époux pourra, soit par contrat de ma»riage, soit pendant le mariage, pour le cas où >> il ne laisserait point d'enfans ni de descen» dans, disposer en faveur de l'autre époux, en » propriété, de tout ce dont il pourrait dispo>> ser au profit d'un étranger, et, en outre, de >> l'usufruit de la totalité de la portion dont la » loi prohibe la disposition au préjudice des >> héritiers.

» Et pour le cas où l'époux donateur laisse>>rait des enfans ou descendans, il pourra don>>ner à l'autre époux, ou un quart en propriété >> et un quart en usufruit, ou la moitié de tous >> ses biens en usufruit seulement. >>

Cet article mérite des réflexions particulièrement développées, eu égard aux grandes difficultés qu'on rencontre dans son application; reprenons-en les termes principaux :

L'époux qui ne laisse point de postérité peut donner à l'autre tout ce qu'il pourrait donner à un étranger, et il peut lui donner, en outre,

Pusufruit de la totalité de la portion dont la loi prohibe la disposition au préjudice des héritiers, c'est-à-dire l'usufruit de la réserve légale des ascendans, parce qu'il n'y a que les ascendans auxquels la loi assigne une portion indisponible, lorsque le défunt n'a point laissé de postérité (916).

Ainsi, dans le cas où l'époux qui dispose, n'a point de postérité, mais laisse son père et sa mère, il peut donner à l'autre époux la moitié de ses biens en toute propriété, et l'autre moitié en usufruit; et si le père ou la mère seulement était survivant, la donation faite à son préjudice pourrait s'étendre jusqu'aux trois quarts en pleine propriété, et à l'autre quart en usufruit.

Ainsi, encore, lorsque l'époux disposant n'a ni postérité, ni père ni mère, ni frères ni sœurs ou descendans d'eux, il peut donner en toute propriété, à l'autre époux, la moitié de ses biens, s'il laisse des ascendans successibles dans les deux lignes, ou les trois quarts s'il n'en laisse que dans une ligne, et en outre l'usufruit de l'autre moitié ou de l'autre quart qui sont dévolus en nue propriété aux ascendans de degrés supérieurs à celui des père et mère.

Ainsi enfin, si l'époux qui n'a ni postérité, ni père ni mère survivans, laisse des frères et sœurs, ou descendans d'eux, il pourra disposer, au profit de l'autre, de la totalité de ses biens en toute propriété, nonobstant qu'il ait d'autres ascendans, attendu que les frères et soeurs ou leurs descendans n'ont aucune réserve légale à prétendre, et que néanmoins leur présence met

obstacle à la successibilité des ascendans de degrés supérieurs aux pères et mères (750).

Au premier coup d'oeil on croit trouver quelque chose de choquant dans cet article du code qui permet à l'enfant de disposer même de l'usufruit de la réserve légale de ses père et mère ou autres ascendans: n'est-ce pas, en effet, rendre illusoire l'expectative de leur jouissance, en la renvoyant à un temps où, suivant le cours naturel des mortalités, ils ne doivent plus être existans?

Cependant, pour peu qu'on y réfléchisse, on est bientôt convaincu qu'il n'y a là aucune inconséquence:

D'une part, la successibilité, en tant qu'elle remonte des descendans aux ascendans, est la moins naturelle, précisément parce qu'elle ne suit pas l'ordre des mortalités: ce qui est ici dans la nature, c'est l'obligation imposée aux descendans de fournir des alimens et un honnête entretien à leurs ascendans, et non pas de leur laisser des successions. Le vieillard, qui n'a plus de famille à élever, n'a plus besoin de richesses; or, l'ascendant à qui on n'a laissé sa réserve qu'en nue propriété, peut la vendre pour se procurer des ressources, s'il est dans le besoin; et si le prix ne suffit pas pour cet objet, l'époux donataire devra lui-même fournir le surplus des alimens qui lui seront nécessaires, parce que c'est là une des charges annuelles de la jouissance, ainsi que nous l'établirons ailleurs : le voeu de la nature est donc rempli à l'égard de l'ascendant..

D'autre

D'autre côté, si les auteurs du code n'ont pas dû appeler les époux à l'hérédité l'un de l'autre, préférablement aux parens successibles, parce qu'il serait possible que, durant l'épreuve de la vie commune, leur conduite n'eût pas répondu à la sainteté de leur union, du moins on ne devait pas mettre obstacle à ce que le survivant pût recevoir la récompense de ses soins et le prix de sa fidélité envers l'autre ; et en étendant, sur ce point, le plus loin possible, la faculté de disposer, la loi ne fait que porter une décision conforme à la nature du lien conjugal: Quamobrem relinquet homo patrem suum et matrem, et adhærebit uxori suæ (1).

354. Dans le cas où l'époux laisse des descendans, il peut donner à l'autre époux, ou un quart en propriété et un quart en usufruit, ou la moitié de tous ses biens en usufruit seulement. Par ces expressions un quart en propriété, on ne doit pas entendre seulement la nue propriété; car, outre que ce serait s'écarter du sens naturel des termes, il faudrait encore admettre une rédondance dans les mots de la loi, puisque le quart en propriété et le quart en usufruit ne signifieraient rien autre chose qu'un quart en toute propriété.

Il résulte de cette disposition de la loi sur la quotité alternative qu'elle permet aux époux de se donner, au préjudice de leurs enfans; que si l'un avait donné à l'autre la généralité de ses biens en toute propriété, ou seulement tout ce

(1) GENES., cap. 2, v. 24.

TOM. I.

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