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vation dans les droits des parties. Le fermier cesse de jouir à ce titre, pour jouir par la suite à titre d'usufruitier: Colono suo dominus usumfructum fundi quem is colebat legaverat. Agat colonus cum hærede, ita ut judex cogat hæredem ex locationis actione eum liberare (1); mais quoi qu'en aient dit quelques auteurs (2), cette libération qui est acquise au fermier ou au locataire sur les engagemens du bail, n'a lieu que pour les prestations du temps à venir: elle ne doit point être appliquée à celles qui seraient dejà échues au temps de l'ouverture de l'usufruit sed de tempore præterito videamus, si quid ante legati diem pensionis debetur : et puto solvendum (5). L'héritier pourra donc en exiger le payement comme d'un reliquat du bail qui a pris fin; et réciproquement, si l'usufruitier avait, durant le temps pendant lequel il était fermier, fait des avances au propriétaire, ou des améliorations, ad perpetuam rei utilitatem, sur le fonds, ses actions en indemnité lui resteraient entières vis-à-vis de l'héritier; et consequetur ut neque mercedes præstet, et impensas quas in culturam fecerat, recipiat (4). En un mot, l'usufruit du fonds légué à celui qui en jouit comme fermier ou locataire, emporte remise ou abolition de la location pour l'avenir; totam enim

(1) L. 30, S. 1, ff. de usufr. legat., lib. 33, tit. 2; §. vid. et l. 18, ff. de liberatione legata, lib. 34, tit. 3. (2) Voy. dans DEPEISSE sur les servitudes, art. I sect. 3, n.° I.

(3) L. 9, §. 6, ff. locati, lib. 19, tit. 2.

(4) L. 34, §. 1, ff. de usufr., lib. 7, tit. 1.

locationem

locationem legatam videri (1): mais les actions du bail restent acquises de part et d'autre pour les droits ouverts ou échus précédemment, reliqua quoque in judicio locationis venire (2).

369.

QUATRIÈME QUESTION.

Peut-on léguer l'usufruit d'une servitude, ou une servitude en usufruit seulement?

Cette question peut être relative à deux cas différens, suivant qu'il s'agirait d'établir une servitude non encore existante, ou de léguer l'usage d'une servitude déjà établie. Ceci s'éclaircira par les hypothèses suivantes.

Supposons, en premier lieu, qu'un homme possédant un fonds libre, lègue, en usufruit seulement, un droit de passage sur ce fonds à un voisin pour arriver sur son héritage. Ce droit ainsi légué serait bien participant de la nature des servitudes, puisqu'il serait établi sur un fonds pour la desserte d'un autre fonds; néanmoins il ne serait pas une véritable servitude, parce qu'il prendrait fin par la mort du légataire, sans être transmissible à ses successeurs: tandis que la vraie servitude est perpétuelle dans sa durée comme le fonds auquel elle s'applique. L'effet d'un pareil legs serait donc de produire un droit de nature mixte, c'est-à-dire, un droit d'usage au passage sur le fonds désigné, ce qui est formellement approuvé par la loi romaine: Sed incerti

(1) L. 16, in fin. ff. de liberatione legatâ, lib. 34, tit. 3.

(2) L. 17, ff. eod.

TOM. I.

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actio erit cum hærede: ut legatario quandiù vixerit, eundi, agendi, ducendi facultatem præstet (1).

Mais cette décision, tirée du droit romain, n'est-elle pas en contradiction avec l'article 686 du code, portant qu'il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins qu'elles ne soient imposées ni à la personne, ni en faveur de la personne; mais seulement à un fonds et pour un autre fonds? ne résulte-t-il pas de cette disposition de la loi française qu'un legs semblable à celui qui nous occupe, doive être nul aujourd'hui, par la raison qu'il tendrait à établir, contre sa prohibition, une servitude en faveur de la personne ?

Etendre jusque-là cette prohibition du code, ce serait évidemment en outrer les conséquences car, comment concevoir que le testateur qui pouvait léguer un droit de servitude perpétuelle sur un fonds, n'ait pu le grever temporairement de la même charge, en bornant les effets de son legs à la vie du légataire?

Déjà, dans le droit romain, on ne pouvait établir une servitude foncière au profit de la personne, parce qu'une véritable servitude est nécessairement corrélative à deux fonds: ut pomum decerpere liceat, et ut spatiari, et ut cvenare in alio possimus, servitus imponi non potest (2): et cependant on n'a jamais dit que la

(1) L. 1, ff. de usufruct. legat., lib. 33, tit. 2. (2) L. 8, ff. de servit., lib. 8, tit. 1.

première loi citée plus haut fût en contradiction avec celle-ci; elle n'est donc pas davantage en contradiction avec le code.

Lorsqu'on veut établir sur un fonds un droit en faveur de quelqu'un, la constitution de ce droit ne peut être nulle, ni aux yeux du code, ni aux yeux de la loi romaine, par cela seul qu'on n'a voulu l'établir qu'au profit de la personne et non pour l'utilité d'un héritage; mais il résulte de la disposition du code comme de celle de la loi romaine, qu'une faculté de cette espèce ne peut être ni un droit de servitude foncière, ni un droit qui soit de sa nature perpétuellement transmissible aux successeurs de celui au profit duquel il a été constitué, parce que ce n'est qu'un droit d'usage: voilà toute la conséquence qu'on puisse justement tirer de l'article 686 rapporté plus haut.

370. Supposons, en second lieu, qu'il s'agisse d'une servitude déjà établie sur un fonds pour l'avantage d'un autre, et qu'on eût légué à quelqu'un l'usufruit du fonds dominant, il est hors de doute que le légataire aurait aussi la jouissance de la servitude qui est toujours un accessoire du fonds.

Si, au contraire, on n'avait légué que l'usufruit de la servitude, sans léguer aussi la jouissance du fonds pour la desserte duquel elle avait. été établie, et que ce droit de servitude ne fût par lui-même productif d'aucun émolument, particulier, comme un droit de passage, il est évident que le legs serait nul, parce qu'il n'aurait véritablement pas d'objet.

371. Mais serait-il également nul si le droit de la servitude était par lui-même productif de quelques émolumens utiles?

Je puis avoir le droit de prendre des échalas dans la forêt de mon voisin, pour l'usage de ma vigne: il est possible que j'aie un droit d'usage au bois de chauffage dans la forêt d'un autre pour la consommation des habitans de ma maison je puis avoir, sur le terrain d'autrui, un droit de parcours pour les bestiaux nécessaires à l'exploitation d'un domaine; un droit de tirer de la marne pour l'engrais de mon fonds; un droit de tirer des pierres pour la reconstruction de mes bâtimens : dans ces cas et autres semblables, les droits d'usage aux échalas, au bois de chauffage, au parcours, etc., sont autant de servitudes réelles, puisque ce sont des charges imposées à un fonds pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. Pourrais-je léguer à un tiers l'usufruit de ces droits d'usage aux échalas, au bois de chauffage et au parcours, sans lui léguer en même temps l'usufruit de la vigne, de la maison d'habitation, et du domaine rural pour l'utilité desquels ils ont été établis ? Un pareil legs serait-il valable par la raison que ces sortes de droits étant par eux-mêmes productifs d'émolumens utiles, l'acte de libéralité ne serait pas sans objet?

Nous croyons qu'un pareil legs serait nul, comme contraire à tous les principes du droit en matière de servitude.

1.o C'est une vérité constante que la servitude est aussi essentiellement inséparable de l'héritage

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