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dominant que du fonds qui en souffre l'usage: et cela résulte de la définition même que le code nous en donne, lorsqu'il dit que c'est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un fonds appartenant à un autre propriétaire (637): ideò autem servitutes prædiorum appellantur, quoniam sine prædiis constitui non possunt. Nemo enim potest servitutem acquirere vel urbani vel rustici prædii, nisi qui habet prædium (1); or, léguer la jouissance du droit aux échalas, sans léguer aussi celle de la vigne, ce serait vouloir séparer du fonds, l'exercice de la servitude qui lui est due; ce serait vouloir diviser ce qui est indivisible en droit; ce serait vouloir l'existence d'une servitude sans héritage auquel elle fût due: ce serait donc vouloir une chose impossible en droit.

2. On ne pourrait admettre que l'usufruit de la servitude fût séparable de l'usufruit du fonds, sans être forcé d'arriver à cette conséquence que la servitude elle-même serait aussi séparable de la propriété du fonds; car on ne conçoit pas qu'une chose soit disponible et aliénable en usufruit sans être aussi aliénable en propriété : il faudrait donc dire que les droits aux échalas, au bois de chauffage, et au parcours, qui sont établis pour être perpétuels dans leur durée, peuvent être aliénés sans aliéner en même temps la vigne, la maison ou le domaine, pour l'utilité desquels on les avait établis, et qu'ainsi les acquéreurs de ces droits en joui

(1) L. 1, S. I, ff. commun. præd., lib. 8, tit. 4..

raient à perpétuité, et pourraient les transmettre indéfiniment à leurs successeurs ou ayant-cause; et dès-lors ce seraient autant de servitudes réelles établies à perpétuité sur des fonds, au profit de la personne seulement, ce qui est littéralement prohibé par l'article 686 du code.

3. Les droits dont nous parlons, considérés par rapport à leur qualité de servitudes constituées à perpétuité, sont donc inaliénables sans les fonds auxquels ils ont été attachés, puisque la loi ne veut pas qu'ils puissent être ainsi établis au profit des personnes seulement; mais ils sont encore de leur nature inaliénables, par rapport à leur qualité de droits d'usage, parce que le code (631) déclare formellement que l'usager ne peut ni céder ni louer son droit à

un autre.

Que le droit d'usage soit perpétuel, comme ceux dont il s'agit ici, ou qu'il soit temporaire dans sa durée, comme celui qui ne serait accordé qu'au profit d'une personne, et qui s'éteindrait à la mort de l'usager, peu importe; c'est toujours un droit d'usage, et par conséquent un droit qui, de sa nature, est incessible, par la raison que, dans l'un comme dans l'autre cas, quand on en vient à l'exécution, son étendue doit toujours être mesurée sur les besoins des personnes ou des choses pour lesquelles il a été établi, et qu'il ne serait pas plus permis de le séparer de ces objets de corrélation, que de vouloir isoler un attribut de son sujet.

4.° Quoique les servitudes soient naturellement perpétuelles dans leur durée, néanmoins

elles peuvent être éteintes par divers accidens. Suivant l'article 703 du code, elles cessent lorsque les choses se trouvent en un tel état qu'on ne peut plus en user, c'est-à-dire que la destruction ou le changement de nature du fonds opère l'extinction perpétuelle ou temporaire des servitudes elles-mêmes; quia sine prædio consistere non possunt, comme le dit aussi la loi romaine. Si donc on arrive à la supposition que la vigne, pour l'entretien de laquelle on avait établi un droit d'usage aux échalas, vienne à être emportée par une ravine, ou que réduite à un état ruineux par quelque maladie, on la convertisse en pré ou en champ, le droit d'usage aux échalas sera éteint. De même, si l'habitation pour l'avantage de laquelle on avait établi le droit d'usage au bois de chauffage, vient à être abandonnée, ou détruite fortuitement, ou démolie, ce droit d'usage cessera d'avoir lieu. De même encore, si l'on convertissait en vignoble le domaine pour l'exploitation duquel on avait établi un droit de parcours, cet usage ne pourrait plus être exercé.

372. Cela étant ainsi, comment concevoir que ces divers droits d'usage puissent exister séparément des fonds auxquels ils sont dus? Comment concevoir qu'on puisse valablement donner la vigne, la maison, ou le domaine à l'un, et transférer le droit aux échalas, ou au bois de chauffage, ou au parcours, à l'autre?

D'une part, on ne pourrait en agir ainsi sans blesser les droits du propriétaire du fonds asservi, soit parce qu'il n'y aurait plus de mesure

pour régler le montant de la prestation qui serait exigée de lui, soit parce qu'en donnant à ces usages la nature de créances ayant une existence propre et indépendante, ils cesseraient de suivre la condition des fonds pour lesquels ils avaient été établis.

D'autre part, si l'on voulait que ces droits fussent toujours soumis à la condition des fonds, nonobstant qu'ils en eussent été séparés, on serait forcé d'arriver à cette conséquence que le propriétaire de la vigne qui la convertirait en pré, ou celui de la maison qui la démolirait ou la laisserait tomber en ruine, disposerait par-là même d'un droit d'usage qui ne lui appartiendrait pas or on ne peut admettre un système dans lequel il serait permis à l'un de disposer de la propriété de l'autre.

Concluons donc que les droits de ce genre ne font qu'un tout indivisible avec le fonds pour l'avantage duquel ils ont été établis : que, si le propriétaire de ce fonds peut éteindre les droits dont il s'agit lorsqu'il y renonce formellement, ᎥᏞ ne peut pas également les transférer à un tiers, parce qu'ils n'ont été primitivement établis que sous la condition qu'ils seraient inaliénables, à moins qu'on n'aliénât aussi le fonds; qu'en conséquence ils ne peuvent en être séparés, puisque telle est la loi de leur nature.

373. C'est ainsi que, dans une espèce analogue, le Conseil d'état l'a décidé par un avis du 11 octobre 1811, qu'on trouve au bulletin des lois, rapporté dans les termes suivans:

« Le Conseil d'état, qui, d'après le renvoi or

» donné par sa majesté, a entendu le rapport >> de la section intérieure sur celui du ministre » de ce département, tendant à faire approuver >> l'acquisition à titre d'échange, par la com>>mune de Condé-sur-Iton, département de >> l'Eure, d'une maison pour servir de presby» tère, à la charge par la commune de céder >> en contr'échange, 1.o des biens communaux; » 2.o le droit de pêche dans la rivière d'Iton, >> le long du terrain communal appelé les Prés» Morins, le tout estimé deux mille deux cents >> francs;

>> Considérant que le droit de pêche appar» tenant à la commune sur la rivière d'Iton, >> résulte pour elle de la propriété des terrains >> communaux et en est une dépendance indi>> visible;

>> Qu'elle ne peut aliéner à perpétuité ce droit >> exclusif de pêche, en conservant la propriété » du terrain d'où ce droit découle;

» Est d'avis, 1.o qu'il n'y a pas lieu à autori>> ser ledit échange; 2. que le présent avis soit >> inséré au bulletin des lois (1). »

574. Cependant, lorsqu'il s'agit d'un droit d'usage susceptible du rachat par cantonnement, si l'on avait déjà obtenu l'adjudication du cantonnement, ou même si la demande en était déjà formée, la portion du terrain adjugée ou demandée sur le fonds grevé de la servitude

(1) Voy. bull. 404, n.° des lois 7460, tom. 15, pag. 474, 4. série.

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