Page images
PDF
EPUB

d'accepter leurs legs; or, le gain des fruits est F'effet naturel et immédiat de la possession quand elle est juste, et cet effet a toujours lieu au profit du possesseur de bonne foi donc ils doivent rester à l'héritier saisi des choses léguées, jusqu'au jour de la demande en délivrance du legs.

2.° Lorsque le testateur a voulu donner tous ses biens à un légataire universel, s'il y a 'un héritier de la réserve, c'est cet héritier qui est saisi; et nonobstant le retranchement qu'est obligé de souffrir le légataire universel auquel on avait voulu tout donner, il ne lui est permis de répéter les fruits dès le jour du décès, qu'autant qu'il intente son action en délivrance dans l'année (1005): ne serait-ce pas une bizarrerie choquante de vouloir accorder un avantage plus grand à un simple légataire d'usufruit, en l'admettant à répéter les fruits, dès le jour de la mort du testateur, à quelque époque qu'il ouvrît son action en délivrance?

Si un légataire d'usufruit est en droit d'exiger des rapports de jouissance pour le temps qui a précédé la demande en délivrance de son legs. où faudra-t-il donc s'arrêter? S'il peut en exiger pour un an, il le pourra également pour deux, pour dix, pour vingt et même pour vingt-neuf, puisque son droit n'est prescrit que par trente ans de non-usage (617). Ainsi, après avoir gardé le silence pendant tout ce temps, ce légataire pourra impunément accabler l'héritier par répétition d'une masse énorme d'arrérages; et celui-ci, possesseur de bonne foi, comme ayant été investi par la loi elle-même de tous les droits

la

de jouissance, n'aura pas même l'avantage qui appartiendrait à un simple fermier contre lequel on ne pourrait répéter que les fermages de cinq ans (2277)! On sent aisément qu'une telle doctrine est absolument contraire à l'esprit du code; mais elle n'est pas moins combattue par le texte même :

5.o L'article 1014 porte que « Tout legs pur et » simple donnera au légataire, du jour du décès >> du testateur, un droit à la chose léguée, droit >> transmissible à ses héritiers ou ayant-cause.

» Néanmoins le légataire particulier ne pour» ra se mettre en possession de la chose léguée, » ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu'à >> compter du jour de sa demande en délivrance, >>formée suivant l'ordre établi par l'article 1011, » ou du jour auquel cette délivrance lui aura » été volontairement consentie. >>

Ainsi, dès le jour de la mort du testateur, tout légataire a un droit acquis à la chose qui lui a été purement léguée; droit en vertu duquel il peut en demander la délivrance.

Si c'est un legs de propriété, le légataire a tout à la fois le droit d'en exiger la délivrance et celui d'en transmettre les avantages à ses héritiers ou ayant-cause; tandis que, si c'est seulement un legs d'usufruit, il n'a que la faculté d'en exiger la délivrance pour lui-même, puisqu'il ne peut le transmettre mais en ce qui concerne le gain des fruits, leur condition est absolument la même, et il serait tout-à-fait déraisonnable de l'interpréter autrement; car, lorsqu'un fonds est légué en plein domaine, le droit de jouissance

en est accordé au légataire, comme celui de nue propriété, et il serait bizarre de lui accorder, sous ce rapport, moins d'avantage qu'à celui qui ne serait légataire que de l'usufruit.

L'article suivant ajoute : « Les intérêts ou fruits » de la chose léguée courront au profit du léga»taire dès le jour du décès, et sans qu'il ait » formé sa demande en justice,

2) 1.0 Lorsque le testateur aura expressément » déclaré sa volonté, à cet égard, dans le testa» ment;

» 2. Lorsqu'une rente viagère ou une pen»sion aura été léguée à titre d'alimens. »

Concluons donc que le legs d'usufruit doit être soumis à la règle commune, puisque nous ne le trouvons pas dans les exceptions rigoureusement limitées par ce dernier article:

4.o Ce ne serait pas même assez d'invoquer ici les principes du droit commun contre l'usufruitier. Il est, en effet, soumis à des conditions plus rigoureuses encore que tout autre légataire; car, aux termes du code, il ne lui est pas seulement permis d'entrer en jouissance sans avoir fait inventaire (600). Et comment pourrait-il avoir droit aux fruits même avant d'avoir obtenu la délivrance de son legs, puisque la loi veut en outre qu'il fasse inventaire en présence de l'héritier, pour obtenir l'entrée en jouissance (1)? 398. Mais hâtons-nous d'arriver à la discussion des objections prévues plus haut.

On objecte, en premier lieu, que, dans le

(1) Voy. encore au chap. 16, sous les n.os 784 et suivans et chap. 35, no. 1654.

legs d'usufruit, les fruits de la chose sont l'objet même de la disposition; qu'en conséquence ils sont naturellement dus dès le jour de la mort du testateur, autrement on n'accorderait gataire tout ce qui lui a été légué.

pas au léCe raisonnement ne part que d'une fausse supposition. Il n'est pas vrai de dire que dans le legs d'usufruit ce sont les fruits de la chose qui forment l'objet de la disposition: un legs de fruits est un legs de corps certains; tandis qu'un legs d'usufruit a pour objet un droit incorporel, si on le considère dans un sens abstrait. Et, si au contraire on le considère matériellement dans l'objet auquel il s'applique, l'usufruit du fonds est lui-même un immeuble civilement séparé de 'la nue propriété : un legs d'usufruit ne peut donc, sous aucun rapport, être considéré comme un legs de fruits, puisque des fruits ne peuvent être ni un droit incorporel, ni un immeuble. La loi 9, §. 1, ff. de donationibus, portant que si verò non fundum, sed fructús perceptionem tibi donem; fructus percepti veniunt in computationem donationis, n'est ici d'aucune conséquence, parce qu'elle n'est relative qu'à une donation de fruits; et ce qui le prouve, c'est qu'elle statue sur la manière d'entendre la réduction que devaient subir les donations excédant le taux prescrit par la loi CINCIA (1): or, suivant la loi Computationi 68, ff. ad legem Falcidiam, ce n'est pas sur la perception des fruits, mais sur l'estimation de droit, pris égard à l'âge des légataires, que

(1) Voyez dans les pandectes de POTHIER, livre 39, tit. 5, n.° 40 et 41.

les legs d'usufruit ou de pensions viagères devaient être calculés, pour savoir s'il y avait lieu àréduire les libéralités.

399. On oppose, en second lieu, que, suivant l'article 585 du code, « les fruits naturels et indus>>triels pendans par branches ou par racines, » au moment où l'usufruit est ouvert, appar» tiennent à l'usufruitier, » pour conclure de là que le légataire d'usufruit doit avoir le droit de répéter les jouissances dès le jour de la mort du testateur, puisque les fruits pendans à cette époque lui sont dus et font même partie de son legs.

Mais déjà la loi romaine portait la même décision si pendentes fructus jam maturos reliquisset testator, fructuarius eos feret, si die legati cedente adhuc pendentes deprehendisset, nam et stantes fructus ad fructuarium pertinent (1); et cependant on ne lui adjugeait aucuns fruits avant la demande en délivrance de son legs pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui ?

Lorsqu'il s'agit d'un legs de propriété, les fruits pendans par racines au moment du décès du testateur ne peuvent être moins dus à celui auquel le domaine entier a été légué, qu'ils ne le seraient au légataire de l'usufruit, puisqu'ils font incontestablement partie de l'immeuble auquel ils sont adhérens; néanmoins le légataire du fonds ne peut avoir le droit de les recueillir qu'à supposer qu'il ait formé sa demande en délivrance avant la récolte : pourquoi en seraitil autrement à l'égard du légataire de l'usufruit?

(1) L. 27, ff. de usufruct., lib. 7, tit. 1.

« PreviousContinue »