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cause de mort, et celle qui n'a pour cause qu'un legs conditionnel. Dans le premier cas, lorsque la chose qui fait l'objet du contrat n'est pas un droit purement personnel, le créancier qui meurt avant l'événement de la condition, transmet tous ses droits à ses héritiers, parce qu'il est censé les avoir stipulés tant pour eux que pour lui-même. Dans le second cas, au contraire, le testateur n'ayant eu en vue que la personne de son légataire, si celui-ci décède avant l'événement de la condition, la disposition doit se trouver caduque, lors même qu'elle avait pour objet un droit de propriété (1040) qui serait transmissible aux héritiers du légataire, s'il en avait été revêtu lui-même.

Ainsi, sous le rapport de la transmissibilité de ses droits, le légataire conditionnel qui meurt avant l'événement de la condition, n'est pas censé avoir été créancier is cui sub conditione legatum est, pendente conditione, non est crediditor; sed tunc cùm extiterit conditio. Quamvis eum, qui stipulatus est sub conditione, placet etiam pendente conditione, creditorem esse (1); mais il ne faut pas conclure de là qu'après la mort du testateur, le légataire lui-même n'ait aucun droit personnel avant l'événement de la condition à laquelle l'auteur de la disposition a voulu la subordonner: il ne faut pas croire qu'il n'ait pas plus de droit sur la succession qui est ouverte, qu'il n'en avait sur les biens du tes

(1) L. 42, ff. de obligat. et act., lib. 44, tit. 7. — Voy. sur cette loi POTHIER, en ses pandectes, lib. 42, tit. 4, A. 3.

tateur, lorsque celui-ci était encore vivant. Du moment qu'il a un titre irrévocablement confirmé, un titre auquel on ne peut plus porter aucune atteinte, il faut bien qu'il ait aussi un droit acquis, pour en demander un jour l'exécution, si l'événement de la condition lui est favorable, et qu'en attendant cet événement, il ait la faculté de recourir à toutes les mesures conservatoires autorisées par les lois. 407. Ce droit était bien reconnu, même à Rome, puisqu'en statuant sur le cautionnement que l'héritier devait, en général, fournir aux légataires pour sureté des legs dont le payement était différé à un certain temps, les lois voulaient que, dans le cas du legs conditionnel, comme dans celui du legs pur et simple, dont le payement était accidentellement retardé, ou qui n'avait été fait qu'à certain terme, le légataire fût autorisé à exiger le même cautionnement pour prévenir les effets des dissipations possibles de la part de l'héritier, avant l'événement de la condition: hæc stipulatio et in fideicommissis locum habet, si purè fideicommissum sit relictum: sive ex die certá, vel sub conditione (1); ce qui suppose une créance déjà existante à la charge de l'héritier, parce qu'il ne peut y avoir de véritable cautionnement que là où il y a une obligation principale. Ces lois allaient plus loin encore, car elles voulaient que, sur le refus de fournir le cautionnement demandé, le légataire pût exi

(1) L. 14, ff. ut legator. servand. causâ caveat, lib. 36, tit. 3; idem, 1. 5, §. 2, eod. - Voy. aussi dans

GRIVEL, décision 75.

ger la possession des biens de l'hérédité (1) jusqu'à ce que l'héritier, fatigué par les embarras de cette espèce de nantissement (2), se décidât à

cautionner.

Si, durant le temps pendant lequel le legs d'usufruit conditionnel était en suspens, l'héritier, possesseur de l'héritage, l'avait vendu, et que l'événement de la condition fût favorable au légataire, celui-ci serait fondé à évincer l'acquéreur, quant à l'usufruit, qui n'aurait pu être aliéné à son préjudice et sans sa participation. On doit, en effet, admettre sur l'exécution du legs d'usufruit, qui est une portion du domaine, les mêmes principes que sur l'exécution du legs de propriété; et comme les lois décident que, quand un legs de propriété est fait sous condition, si l'héritier aliène le fonds (3), l'hypothèque, ou lui impose quelque servitude (4), lorsque la condition arrive, l'aliénation et toutes les charges imposées, medio tempore, sont résolues: il faut en dire autant dans le cas du legs d'usufruit, qui est un démembrement de la propriété du fonds (5) Et c'est aussi ce que décide formellement Ulpien en la loi 16, ff. quibus modis ususfruct.

(1) L. 1, §. 2, ff. eod.

(2) L. 5, ff. ut in poss. legat., lib. 36, tit. 4.

(3) L. 69, S. 1, ff. de legat. I; -1. 81, ff. eod.; 1. 105, ff. de condit. et demonstrat.

(4) L. 3, S. 3, cod. communia de legat., lib. 6, tit. 43.

(5) Voy. au surplus ce que nous avons dit dans la réponse à la deuxième question qui se trouve à la fin du chap. 6 sur le douaire, sous le n°, 263.

amitt., conçue en ces termes : si sub conditione mihi legatus sit ususfructus, medioque tempore sit penes hæredem; potest hæres usumfructum alii legare: quæ res facit ut, si conditio extiterit mei legati, ususfructus ab hærede relictus finiatur.

408. Aux termes de l'article 900 du code, les conditions impossibles, ainsi que celles qui seraient contraires aux lois ou aux moeurs, sont réputées non écrites dans les dispositions soit entre-vifs, soit testamentaires; en sorte que, nonobstant l'insertion des conditions de cette nature dans les donations ou les testamens, les libéralités qui y sont contenues doivent avoir lieu comme si elles avaient été faites purement et simplement, et sans être subordonnées à aucune condition.

La condition de ne pas se marier, conçue dans un sens général, a toujours été placée au rang de celles qui sont contraires aux lois et aux mœurs, et qui, par cette raison, sont regardées comme non écrites: si testator rogasset hæredem ut restituat hæreditatem mulieri, si non nupsisset: dicendum erit compellendum hæredem restituere eam mulieri etiamsi nupsisset (1). Cette condition est réprouvée dans le droit, par la raison qu'il est du plus grand intérêt de la société de favoriser les mariages, au moyen desquels le nombre des meilleurs ci

(1) L. 65, §. 1, ff. ad S.-C. Trebellian., lib. 36, tit. 1; -idem, l. 72, §. 5, ff. de condit. et demonstrat., lib. 35, tit. 1.

toyens se trouve augmenté par celui des enfans légitimes (1).

409. Il n'en est pas de même de la condition de ne pas se remarier, apposée à une libéralité faite par le mari à sa femme, ou par une femme à son mari. Le convol à secondes noces manque rarement d'être fort contraire aux intérêts des enfans, quand il y en a; et quand il n'y en a point, la persévérance dans l'état de viduité semble être encore un hommage rendu à la fidélité conjugale de la part de l'époux survivant.

Ille meos primus qui me sibi junxit amores Abstulit, ille habeat secum, servetque sepulcro. En conséquence, cette condition n'était point considérée, dans le droit romain, comme non écrite, et le légataire devait y souscrire ou renoncer à son legs. La novelle 22 de Justinien, chap. 43 et 44, est formelle à cet égard; et tous les auteurs qui ont écrit sur cette matière (2) nous attestent que sa disposition, reçue dans nos usages, était généralement suivie en France avant les lois des 5 brumaire et 17 nivôse de l'an 2, par lesquelles la condition de ne pas se remarier avait été aussi déclarée non écrite: mais comme ces lois transitoires ont disparu avec les circons

(1 ̊ Vid. l. 2, cod. de indictá viduitate, lib. 6, tit. 40; et l. 1, ff. soluto matrimon., lib. 24, tit. 3.

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(2) Voy. dans MORNAC sur les lois du code, de indictâ viduitate; dans le journal du Palais, tom. I, pag. 486; dans GRIVEL, décision 191; dans MAYNARD en ses questions, liv. 8, chap. 93; - dans LAPEYRÈRE, lettre F, no. 21; dans FURGOLE, des testamens, chap., 7, sect. 2, nos. 60 et suiv., etc., etc.

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