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comme le droit de propriété peut être plus ou moins étendu, partagé ou morcelé par la réunion ou la séparation matérielle des différentes portions du fonds.

Il peut être légué à jour certain (580), de deux manières: ou pour finir à une époque déterminée qui ne serait pas son terme naturel ou légal; ou pour ne commencer seulement qu'après un délai quelconque qui devrait s'écouler depuis la mort du testateur, avant que l'usufruitier fût en droit d'entrer en jouissance: posse enim usumfructum ex die legari et in diem, constat (1).

Lorsque l'usufruit est légué pour un temps particulier, ou, en d'autres termes, pour finir à une époque déterminée, après dix ans par exemple, le legs est pur et simple, et doit recevoir son exécution après la mort du testateur, sans autres délais que ceux qui peuvent être nécessaires pour en opérer la délivrance; mais comme c'est toujours un droit qui finit avec la personne qui en est revêtue, il doit s'éteindre si le légataire vient à décéder avant le terme qui avait été assigné à sa jouissance.

Au contraire, lorsqu'un droit d'usufruit est légué pour ne commencer qu'à une époque plus ou moins reculée dès la mort du testateur, le legs n'est pas pur et simple, mais conditionnel; car il est subordonné à la condition de survie du légataire à l'époque fixée pour le commen

(1) L. 1, §. 3, ff. quandò dies ususfruct., lib. 7,

tit. 3.

cement de sa jouissance: c'est là une condition tacite qui résulte de la nature du droit légué, puisque le légataire ne peut rien transmettre s'il meurt auparavant: si ex die ususfructus legetur, dies ejus non cedit, nisi cùm dies ejus venit (1). 420. En cela, le legs du fonds est bien différent de celui de l'usufruit: car, quand il s'agit d'un droit de propriété ou de tout autre droit réel la condition qui, dans l'intention du testateur, ne fait que suspendre l'exécution de la disposition, n'empêche pas l'héritier institué ou le légataire d'avoir un droit acquis et transmissible à ses héritiers (1041); tandis qu'en fait d'usufruit tout étant personnel à l'usufruitier, rien ne peut lai être acquis avant le temps fixé pour son entrée en jouissance, et il ne peut rien transmettre à ses héritiers; en sorte que la disposition est nécessairement caduque par son prédécès. 421. Aux termes de l'article 620 du code, l'usufruit accordé jusqu'à ce qu'un tiers ait atteint un âge fixe, dure jusqu'à cette époque, encore que le tiers soit mort avant l'âge fixé. Cette décision, puisée dans le droit romain, repose sur ce qu'il est évident que l'époque de l'âge du tiers n'a été désignée que dans l'intérêt de l'usufruitier, et pour marquer le temps de sa jouissance : Sancimus sive quis uxori suæ, sive alii cuicumque usumfructum reliquerit sub certo tempore in quod vel filius ejus, vel quisquam alius pervenerit, stare usumfructum in annos singulos, in quos testator statuit: sive persona de cujus ætate

(1) Ibid.

compositum est, ad eam pervenerit, sive non. Neque enim ad vitam hominis respexit, sed ad certa curricula (1). La même loi romaine décide aussi que, quand on a légué un droit d'usufruit à quelqu'un pour en jouir jusqu'à ce qu'un tiers qui est malade ou en démence ait recouvré la santé ou l'usage de la raison, ce droit cesse comme arrivé à son terme, du moment que le tiers est parvenu à un état de guérison; mais qu'au contraire si celui-ci vient à mourir sans avoir été affranchi de son affliction, l'usufruitier doit continuer sa jouissance jusqu'à son décès, parce que le testateur est censé avoir prévu que la guérison du tiers pourrait ne point arriver, cas auquel le droit légué n'a plus d'autre terme que celui de la mort de l'usufruitier. Sin autem talis fuerit incerta conditio: donec in furore filius vel alius quisquam remanserit: vel in aliis similibus casibus, quorum eventus in incerto sit. Si quidem resipuerit filius, vel alius, pro quo hoc dictum est, vel conditio extiterit usumfructum finiri: sin autem adhuc in furore constitulus decesserit, tum quasi in fructuarii vitam eo relicto, manere usumfructum apud eum. Cùm enim possibile erat usque ad omne vitæ tempus usufructuarii non ad suam mentem venire furentem, vel conditionem impleri: humanissimum est, ad vitam eorum usumfructum extendi.

422. Le legs d'usufruit d'un fonds peut être fait au profit de plusieurs personnes successivement

(1) L. 12, cod. de usufruct., lib. 3, tit. 33.

appelées à en jouir à diverses époques marquées par le testateur. On peut, par exemple, léguer l'usufruit du même domaine à CAÏUS, TITIUS et SEMPRONIUS, pour en jouir successivement et séparément pendant trente ans, savoir: CAïUS durant une première période de dix ans, TiTIUS durant la seconde période du même nombre d'années, et SEMPRONIUS enfin durant la dernière.

Dans ce cas, il n'y a ni conjonction entre les légataires, ni substitution de l'un à l'autre; ce sont trois legs particuliers et indépendans qui sont faits à trois personnes différentes, et dont les droits n'ont rien de commun. Il en est de cette jouissance divisée en trois, sous le rapport du temps, comme il en serait de la division du fonds en trois parties séparément léguées à trois personnes différentes : dans un cas comme dans l'autre, il y a également trois legs particuliers, absolument séparés dans leur objet comme dans la personne des légataires; trois legs, en un mot, indépendans les uns des autres, et qui n'ont rien de commun.

Ainsi, en admettant que le testateur soit mort le premier janvier 1810, CAïus, premier légataire dans l'ordre du temps, ou plutôt légataire de l'usufruit du domaine durant la première période, devra en jouir à dater du jour de la mort du testateur, jusqu'au premier janvier 1820; TITIUS, venant ensuite, jouira dès le premier janvier 1820, jusqu'au premier janvier 1830, époque à laquelle il y a encore ouverture au droit de SEMPRONIUS, pour jouir à son tour durant la dernière période de dix ans.

Ces notions nous paraissent claires et évidentes par elles-mêmes; voyons-en les conséquences:

Il en résulte que si Caïus, légataire de la jouissance pendant les dix années qui doivent s'écouler immédiatement après l'ouverture de la succession, venait à mourir avant le testateur, et qu'il y eût par là caducité entière dans son legs; ou même s'il survivait au testateur pendant peu de temps seulement, et que, par l'événement de sa mort arrivée avant les dix ans, son legs fût en partie caduc; dans l'une et l'autre hypothèse, TITIUS, le second légataire, n'en devrait pas moins attendre que la première période de dix ans fût écoulée, pour pouvoir demander, à son tour, la délivrance de son legs durant la seconde période; parce que c'est un principe incontestable que la caducité totale ou partielle de tout legs particulier ne doit profiter qu'à l'héritier qui en était chargé, lorsqu'il n'y a ni drcit d'accroissement, ni droit de substitution établi par le testament au profit d'autres légataires. Telle est aussi la décision de la loi romaine uxori usumfructum villæ legavit in quinquennium à die mortis suæ : deindè hæc verba adjecit : « Et peracto quinquennio, cùm » ejus ususfructus esse desierit, tum eum fun» dum illi et illi libertis dari volo. » Quasitum est, cùm uxor intra quinquennium decesserit, an LIBERTIS proprietatis petitio jam, an verò impleto quinquennio competat; quia peracto quinquennio testator proprietatem legaverat? Respondit, post completum quinquennium

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