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son nom. Usufructuarius vel ipse frui eâ re, vel ali fruendam concedere, vel locare, vel vendere potest (1).

Il faut donc, pour véritablement caractériser uné constitution d'usufruit, que la délivrance de la chose doive être faite à l'usufruitier pour en jouir par ses mains ou par celles d'un autre qui la tienne de lui; et en cela le legs d'usufruit diffère essentiellement du legs des revenus du fonds, lequel n'a que la nature d'une pension à payer par l'héritier qui jouit lui-même de l'héritage. Inter fructuarium, et eum cui tantùm fructus fundi debentur, potior hæc est differentia, quòd usufructuarius possidet et propria auctoritate fruitur, et fructus capit, vel alii fruendum locat, alter verò non, sed fructus vice pensionis debitæ sibi solvuntur per dominum, plenum proprietarium, et possessorem (2). Mais nous reviendrons, dans la suite, à des explications plus approfondies là-dessus.

De ce que le droit d'usufruit consiste dans la faculté de jouir, il faut tirer cette conséquence qu'en le considérant dans celui qui en est revêtu, il n'est qu'un droit purement personnel, lequel doit s'éteindre à la mort de l'usufruitier, parce que c'est là le terme nécessaire de toutes les choses qui ne consistent que dans la jouissance de l'homme.

Nous disons en second lieu des choses dont un autre a la propriété. Il est en effet néces

(1) L. 12, §. 2, ff. de usufructu, lib. 7, tit. 1.

(2) DUMOULIN, coutume de Paris, tit. 1, §. I, gloss. I, n, 45.

saire à la constitution d'usufruit, que la nue propriété de la chose appartienne à l'un, tandis que la jouissance appartient à l'autre; parce que la jouissance exercée par le maître sur son propre fonds n'est point l'effet d'un droit d'usufruit, mais un attribut de son domaine.

Néanmoins lorsqu'un droit d'usufruit a été légué sur des choses fongibles, c'est-à-dire, sur des choses qui se consomment par le premier usage, ou qu'on fait consister dans le nombre, le poids ou la mesure, tels que sont l'argent, les grains, les liqueurs, du fer en barres, du métal en lingots, pris au poids, etc., etc., l'usufruitier en devient lui-même propriétaire, par la délivrance qui lui en est faite, à la charge d'en rendre autant de pareille qualité, ou la valeur; mais sa jouissance n'est alors qu'un droit d'usufruit improprement dit, et ce n'est que par une espèce de fiction que l'obligation où il est de restituer une valeur égale, tient lieu du droit de nue propriété dans les mains de l'hé

ritier.

3. Comme faculté de jouir d'un fonds appartenant à un autre, l'usufruit, considéré dans ce sens abstrait, est un droit incorporel: c'est un droit de servitude personnelle imposée sur la chose d'autrui. Quoique les auteurs du code ne se soient pas servis de cette expression pour le caractériser, il faut toujours en revenir à ce point de doctrine que nous tenons des romains, que, comme un droit établi sur un héritage pour l'utilité d'un fonds appartenant à un autre maître, est une servitude foncière, de même l'usufruit

est une servitude personnelle, puisqu'il n'existe qu'autant que le fonds de l'un est asservi à la jouissance de l'autre : Servitutes aut personarum sunt, ut usus et ususfructus; aut rerum, ut -servitutes rusticorum prædiorum, et urbanorum (1). Et qu'on ne s'effraie pas du mot, puisqu'il ne s'agit d'aucun devoir, d'aucun assujettissement imposé à la personne, et que, si nous donnons à l'usufruit la dénomination de servitude personnelle, ce n'est que par la raison qu'il n'est qu'un droit purement personnel dans celui qui le possède sur le fonds d'un autre.

Il résulte de là que pour aliéner, à titre gratuit, un droit d'usufruit, au profit du propriétaire du fonds, il suffit que l'usufruitier, maître de ses droits, y renonce formellement (621); comme il suffit de renoncer à l'usage d'une servitude foncière, ou à l'exercice d'une action, pour qu'elles soient éteintes, sans employer les formes requises pour la validité de la donation entre-vifs, ou la transmission de propriété; parce que l'effet d'une pareille renonciation n'est point une aliénation ordinaire, mais plutôt un retour à l'ordre commun (2).

4. Nous disons en troisième lieu droit de jouir comme le propriétaire lui-même, pour démontrer que les droits de l'usufruitier ne se bornent pas à la perception des fruits qui peuvent naître de la chose, mais qu'ils s'étendent encore à tous les émolumens qui en tiennent lieu, à toutes les commo

(1) L. 1, ff. de servit., lib. 8, tit. 1.

(2) Voyez encore des applications remarquables au chap. 40, sous les n. 1940 et 1942.

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dités qui peuvent résulter de sa possession, ainsi qu'à tous les droits utiles qui peuvent être accidentellement perçus, comme inhérens à la jouissance du fonds.

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Nous disons en quatrième lieu à la charge de conserver: ce qui ne doit point être entendu de l'usufruit improprement dit, qui aurait été légué sur des choses fongibles; mais de celui qui serait établi sur des fonds ou autres objets qui ne se consomment point par le premier usage, et alors ces expressions caractérisent un droit bien différent de celui du propriétaire, puisque l'usufruitier n'a droit de jouir qu'à condition de conserver, sans pouvoir disposer de la chose ni la dénaturer; tandis que le propriétaire jouit et dispose, dissipe et dénature à son gré, par la raison qu'il est maître absolu de ce qui lui appartient (544)..

Nous disons enfin à la charge d'en conserver la substance. Ainsi, l'usufruitier peut faire les changemens accidentels qui, sans affecter la substance de la chose, ni intervertir l'usage auquel elle est destinée, seraient propres à lui procurer une jouissance plus avantageuse; mais comme il ne lui est pas permis d'altérer ce qu'il doit conserver, il ne pourrait ni changer la superficie du fonds d'une manière dommageable pour le propriétaire, ni imposer des servitudes à l'héritage, ni changer la destination voulue par le maître, ni jouir sans entretenir en bon père de famille, parce qu'alors il ne conserverait pas la

substance de la chose.

Pour donner une idée plus complette de la

nature de l'usufruit, nous devons le considérer encore, soit dans sa constitution elle-même, soit sous le rapport de la personnalité du droit, soit sous celui des choses auxquelles il s'applique. 5. I. CONSIDÉRÉE en elle-même, la constitution d'usufruit emporte aliénation de partie de la chose, sed etiam ususfructus dationem, alienationem esse (1): elle opère un démembrement de propriété, separationem recipit: ut ecce, si quis usumfructum alicui legaverit, nam hæres nudam habet proprietatem, legatarius verò usumfructum (2); car quoique l'usufruit ne soit pas une partie matérielle du fonds, il est néanmoins une portion du domaine, puisque le domaine cesse d'être plein et entier entre les mains du propriétaire, quand la nue propriété est séparée de l'usufruit.

6. De là il résulte que le maître de la nue pro

priété ne pourrait forcer l'usufruitier à recevoir le rachat de son usufruit, comme on peut forcer le propriétaire d'une rente foncière, stipulée même en champart, à en recevoir le rachat (530); attendu que l'usufruit étant une portion du domaine, n'est point l'objet d'une simple créance mobilière, mais bien une propriété réelle entre les mains de l'usufruitier, et que, dans l'exercice du droit privé, nul individu ne peut être contraint par un autre, à vendre ce qui lui appartient, si ce n'est pour satisfaire aux engagemens qu'il aurait contractés envers lui; tandis qu'au contraire la rente fon

(1) L. 7, cod. de rebus alienis non alienand., lib. 4, tit. 51. (2) S. I, instit. de usufructu, lib. 2, tit. 4.

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