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cause; et de là résultent plusieurs conséquences remarquables :

54. La première; que si les règles particulières établies par la loi, sur la durée des baux stipulés avec l'usufruitier, peuvent être, en certains cas, invoquées, par raisonnement de comparaison, sur l'exécution de ceux qui auraient été consentis par l'héritier envoyé en possession provisoire, on doit convenir qu'elles ne sont pas rigoureusement applicables à ceux-ci; qu'en conséquence, et en thèse générale, l'absent qui reparaît est tenu de l'exécution des baux qui ont été faits ou renouvelés, même par anticipation, de bonne foi et sans fraude, par le possesseur provisoire; et qu'il doit les exécuter même au-delà de la période des neuf ans dans laquelle on se trouve lors de son retour, s'ils ont été stipulés pour un plus long cours : parce qu'ils ne sont par eux-mêmes que des actes d'administration, et que le possesseur qui les a stipulés en sa qualité d'administrateur, ou de procureur fondé en titre, n'a rien fait d'incompétent ou d'étranger à ses pouvoirs.

55. La seconde, que si, durant l'absence déclarée, il a été rendu, sur des questions de propriété, quelques jugemens contre l'héritier envoyé en possession provisoire, l'absent qui reparaît se trouve passible de l'exception de la chose jugée, sans pouvoir former tierce opposition à ces jugemens, attendu qu'il y a été représenté par un contradicteur légitime dans la personne de l'héritier envoyé en possession; tandis que les jugemens qui auraient été rendus contre l'usufruitier sur les droits de propriété soumis à sa

par

jouissance ne pourraient jamais être opposés au propriétaire. 56. La troisième; qu'encore que la loi n'accorde à l'usufruitier aucune action en reprise pour les améliorations qu'il a faites dans le fonds (599), l'absent qui reparaît ne peut néanmoins refuser de tenir compte de celles qui auraient été faites l'héritier envoyé en possession provisoire, jusqu'à concurrence de l'augmentation de valeur qu'il trouve dans l'immeuble, parce que ce possesseur doit être présumé n'avoir agi que dans l'expectative où il était de se voir un jour confirmé en la propriété du fonds; que n'ayant voulu améliorer que pour lui-même, sans agir par esprit de libéralité envers l'absent, celui-ci se trouve soumis au principe général qui ne permet à personne de vouloir s'enrichir aux dépens d'autrui, et que l'exception particulière apportée à ce principe dans la cause de l'usufruitier, n'ayant pas ici le même fondement, ne doit point être étendue à la cause de l'héritier provisoire.

57. La quatrième; qu'on doit porter la même décision, et à plus forte raison encore, en ce qui concerne les grosses réparations qui, par leur nature, sont une charge de la propriété, avec cette différence néanmoins que les améliorations ne doivent être payées que jusqu'à concurrence de la plus-value du fonds; tandis qu'on doit rembourser toute la somme que les grosses réparations ont coûté, ou raisonna

blement dû coûter.

Mais en ce qui touche aux réparations d'en

tretien, du moins aux réparations d'entretien ordinaire, comme, dans les termes du droit commun, elles sont elles sont une charge des fruits, l'absent et l'héritier provisoire doivent y con-courir chacun dans la proportion du montant des revenus dont ils profitent.

COMPARAISON

Du Legs d'usufruit et du Legs annuel. 58. Le legs annuel, dit Domat, est celui par lequel le testateur assigne à quelqu'un, par forme de pension, une certaine somme d'argent, ou une certaine quantité de denrées, à payer chaque année par son héritier.

Nous disons, par forme de pension; car si le legs était étranger à toute cause renaissante, ou plutôt s'il ne consistait que dans le don d'un capital divisé en plusieurs annuités pour en faciliter le paiement, il serait d'une autre nature que le legs annuel; et le légataire mourant avant les années d'atermoiement, transmettrait tous ses droits à ses héritiers: Si verò non pro alimentis legavit, sed in plures pensiones divisit, exonerandi hæredis gratiâ hoc casu ait, omnium annorum unum esse legatum; et intra decennium decedentem legatarium, etiam futurorum annorum, legatum ad hæredem suum transmittere. Quæ sententia vera est (1).

Le legs d'une rente viagère, ou d'une pension, a cela de particulier, que les arrérages

(1) L. 20, ff. quandò dies legatorum cedat, lib. 36, tit. 2.

en

en sont dus dès la mort du testateur, et avant toute demande en justice, lorsque la libéralité a été faite à titre d'alimens (1015, §. 2.)

Le legs annuel peut être fait pour un temps déterminé, ou pour toute la vie du légataire; et quoique le testateur n'ait point expressément donné à l'objet de sa libéralité, la qualification de rente viagère ou de pension, néanmoins elle ne passe point aux héritiers du légataire, sans une disposition expresse qui l'ordonne ainsi : Si in annos singulos alicui legatum sit; Sabinus ( cujus sententia vera est), plura legata ait, primi anni purum, sequentium conditionale: videri enim hanc inesse conditionem, si vivat: et ideò mortuo eo, ad hæredem legatum non transire (1). Le legs d'usufruit et le legs annuel ont donc cela de commun, que l'un et l'autre s'étendent à toute la vie et ne s'éteignent qu'à la mort du légataire, quand le testateur ne leur a point assigné d'autre terme.

Mais le legs annuel diffère du legs d'usufruit, 1.o en ce que celui-ci ne peut jamais être perpétuel dans sa durée, parce que cela anéantirait le droit de propriété; tandis que le legs annuel peut être fait non-seulement au profit du légataire, mais encore pour l'avantage de ses héritiers à l'infini: In annalibus legatis vel fideicommissis, quæ testator non solùm certæ personæ, sed et ejus hæredibus, præstari voluit, eorum exactionem omnibus hæredibus, et eorum

(1) L. 4, ff. de annuis legat., lib. 33, tit, 1.

TOM. I.

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hæredum hæredibus, servari pro voluntate testatoris præcipimus (1).

Il en diffère, 2.o en ce que le legs d'usufruit, fait au profit d'une commune ou d'un établissement public, est, de plein droit, borné à trente ans dans sa durée (619); tandis que le legs annuel est présumé fait pour toujours, par cela seul qu'il a été assigné au profit d'un corps permanent, ou d'un établissement public (2).

Il en diffère, 3.o en ce que le legs d'usufruit d'un immeuble est lui-même immobilier, et emporte constitution d'une servitude personnelle sur le fonds; tandis que le legs annuel ne peut être qu'une créance mobilière.

Il en diffère, 4.o en ce que le legs d'usufruit s'éteint par la mort civile (3), comme par la mort naturelle (617) de l'usufruitier; tandis que la rente viagère ne s'éteint qu'à la mort naturelle de celui qui en est propriétaire (1982); en sorte que, dit M. Touillier (4), le paiement doit en être continué pendant la vie naturelle du rentier, soit à lui, si elle a la nature de rente alimentaire, soit, dans le cas contraire, à ses héritiers, mais sans être dispensés de prouver l'existence du condamné, par un certificat de

vie.

Il en diffère, 5.o en ce que, comme le dit Domat, si les fonds sujets à l'usufruit ne produisaient rien, le droit de l'usufruitier se trouverait

(1) L. 22, cod. de legat., lib. 6, tit. 37.

(2) L. 23 et 24, ff. de annuis legat., lib. 33, tit. I. (3) L. 8, ff. de annuis legat., lib. 33, tit. 1.

(4) Le droit civil français, tom. I, pag. 216,

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