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cière, ne représentant plus le fonds, du moment qu'elle est déclarée rachetable par les lois, n'est, d'un côté, qu'une créance, et de l'autre, une dette dont le débiteur peut s'affranchir malgré le créancier.

7. Le plein domaine du fonds soumis à l'usufruit, appartient donc, sous différens rapports, tant au légataire de l'usufruit qu'à l'héritier. II appartient à l'usufruitier quant à l'utilité actuelle, et à l'héritier quant à la nue propriété, en sorte qu'on doit considérer l'usufruitier et le propriétaire comme deux communiers qui se trouvent forcément en rapport d'intérêts dans la même chose, quoique sous différens aspects; d'où il résulte que, dans l'exercice de leurs droits respectifs, ils sont, à certains égards, soumis aux obligations qui naissent de la communion de propriété, ainsi que nous l'expliquerons plus amplement dans la suite (1).

Cependant l'usufruitier n'ayant rien dans la nue propriété, et le propriétaire, de son côté, n'ayant rien dans la jouissance actuelle, on ne trouve pas entre eux le fondement d'une communion proprement dite, dans le matériel de la chose: c'est pourquoi l'un ne pourrait intenter l'action en licitation contre l'autre, pour mettre fin à leur conflit d'intérêts; car cette action, n'ayant été introduite que pour faire cesser les embarras, et prévenir les querelles qui naissent de la jouissance commune ou de la copropriété, ne peut recevoir d'application

(1) Voy., entre autres, sous les n.o 1730 et 1911.

entre l'usufruitier et le propriétaire, qui ne sont ni cojouissans, ni copropriétaires: Sed si fortè alius proprietatem fundi habeat, alius usumfructum, magis est ut cesset hæc pars orationis, quæ de divisione loquitur: nulla enim communio est (1).

Mais comme les droits de l'un et de l'autre portent sur le même objet; comme leurs intérêts à la conservation de la chose sont, sous beaucoup de rapports, et souvent indivisibles; comme leurs droits respectifs sont dans une corrélation nécessaire; comme dans l'exercice de ces droits, et dans l'accomplissement de leurs obligations, ils se trouvent fréquemment sous. une mutuelle dépendance, nous devons dire dès à présent qu'ils sont dans une espèce de communion, sauf à indiquer plus particulièrement, par la suite, les conséquences qui résul tent de cette vérité.

,

8. La constitution d'usufruit doit nécessairement être faite à terme, soit que ce terme soit exprimé, ou seulement sous-entendu.

L'usufruit, en effet, est une propriété essentiellement temporaire; car s'il pouvait être perpétuel dans sa durée, le droit de propriété ne serait plus rien ne in universum inutiles essent proprietates, placuit certis modis extingui usumfructum et ad proprietatem reverti (2). C'est pourquoi lorsqu'il est établi au profit d'un établissement public, qui est destiné à du

(1) L. 6, ff. de rebus eorum qui sub tut., lib. 27, tit. 9.

(2) L. 3, §. 2, ff. de usufructu, lib. 7, tit. 1.

9.

rer toujours, la loi, dans le silence de l'homme, lui assigne un terme sous-entendu, et au-delà duquel il ne doit plus avoir lieu; nam si quis eos perpetuò tuetur, nulla utilitas erit nudo proprietatis, semper abscedente usufructu (1): d'où nous devons tirer cette conséquence que, si la jouissance intégrale d'un fonds avait été expressément léguée à perpétuité au profit d'une commune, le droit légué n'aurait d'usufruit que nom, et que ce serait véritablement la propriété qui aurait été donnée.

le

II. CONSIDÉRÉ dans celui qui en est revêtu, l'usufruit, quant au droit, est une propriété purement personnelle, incommunicable, ou incessible de l'un à l'autre, par actes entre-vifs, et intransmissible par la voie de l'hérédité.

L'usufruit est, pour l'usufruitier, un droit purement personnel, parce qu'il consiste dans la faculté de jouir; faculté essentiellement corrélative à la personne qui en use; faculté qui s'éteint nécessairement avec cette personne, parce qu'on ne peut plus être jouissant quand on n'est plus et de là résultent plusieurs conséquences remarquables.

10. La première, qu'on ne pourrait léguer un droit d'usufruit à quelqu'un et à dater de son décès, attendu qu'il ne peut commencer à l'instant même où il doit finir; usumfructum, cùm moriar, inutiliter stipulor: idem est in legato: quia et constitutus ususfructus, morte intercidere solet (2).

(1) L. 8, ff. de usufructu legat., lib. 33, tit. 2.
(2) L. 5, ff. de usufructu legat., lib. 33, tit. 2.

pour

11. La seconde, que si l'usufruit a été établi un temps déterminé, comme pour dix ans, par exemple, sa durée ne devra pas s'étendre jusqu'à ce terme, si l'usufruitier meurt auparavant. 12. La troisième, que, quoiqu'en thèse générale on soit censé stipuler tant pour ses héritiers que pour soi-même (1122), néanmoins, lorsqu'il s'agit d'un droit d'usufruit établi par acte entrevifs, il n'est toujours acquis qu'au profit de celui pour lequel il a été nominativement stipulé, et ne peut s'étendre à ses successeurs, sans une stipulation expresse à cet égard. 13. La quatrième, que l'erreur dans la personne de celui au profit duquel on voudrait établir un droit d'usufruit, pourrait être proposée comme cause de nullité de l'acte, lors même que la concession de ce droit serait faite par un contrat commutatif, parce que la considération de la personne doit naturellement être une cause principale de la convention (1110), lorsqu'il s'agit de l'établissement d'une jouissance essentiellement inhérente au cessionnaire, et qui doit finir avec lui.

14. La cinquième, qu'une libéralité en usufruit ne devrait point être déclarée nulle, par cela seul que le donataire serait du nombre des personnes qui, dans les cas ordinaires, sont réputées personnes interposées pour faire parvenir le don à un incapable; car il ne peut y avoir lieu à une véritable interposition de personne, concertée dans la vue de transporter l'objet de la donation entre les mains et sur la tête d'un autre, que quand la chose donnée est elle-même transmissible,

ce qui ne se trouve pas dans le droit d'usufruit. C'est sans doute par ce motif que, sous le rapport du défaut de capacité, la loi (1970) ne déclare nulle la donation d'une rente viagère, que dans le cas où le donataire est lui-même incapable de recevoir.

Nous disons par cela seul, etc., etc.; car s'il s'agissait d'un usufruit considérable dont les émolumens fussent bien au-dessus des besoins du donataire, alors il pourrait, suivant les circonstances, y avoir lieu à la présomption de la loi, parce qu'il serait possible que le donataire eût, dans son superflu, de quoi enrichir plus ou moins la personne prohibée.

Mais dans le cas d'une modique jouissance à vie, comme dans celui d'une simple pension alimentaire, nous ne croyons pas que la présomption d'interposition de personne soit admissible et doive rendre nulle la libéralité. 15. Aux termes de l'article 595 du code, l'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à ferme à un autre, ou même vendre ou céder son droit à titre gratuit. Et suivant l'article 2118, l'usufruit des immeubles peut être frappé d'hypothèque au profit des créanciers de l'usufruitier, ce qui suppose qu'il peut être aliéné aussi par expropriation forcée; mais ce seroit une erreur de penser que ces dispositions de la loi dussent être entendues d'un transport parfait; car, puisqu'il est démontré qu'en droit, l'usufruit est essentiellement personnel dans celui qui en est revêtu, il en résulte que la cession que l'usufruitier peut en faire au profit d'un tiers, sans

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