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par antichrèse envers son propre créancier parce qu'il est un immeuble pour lui: Ususfructus an possit pignori hypothecæve dari, quasitum est, sive dominus proprietatis convenerit, sive qui solum usumfructum habet? Et scribit Papinianus libro undecim responsorum, tuendum creditorem (1).

La jouissance de l'engagiste est toujours précaire dans un sens plus étendu, puisqu'il peut toujours être évincé par le remboursement de sa créance; tandis que l'usufruitier ne peut être dépossédé avant le terme de son usufruit.

L'antichrèse est un contrat dont les effets passent aux héritiers; tandis que l'usufruit ne passe pas aux héritiers de l'usufruitier.

86. Si, dans l'antichrèse, le créancier est tenu des charges annuelles et des impenses d'entretien du fonds, ce n'est qu'une avance qu'il est censé faire pour ces divers objets, puisqu'il a le droit de les répéter en compte avec le débiteur (2086); tandis que l'usufruitier qui acquitte les charges annuelles, ou qui pourvoit aux réparations d'entretien, ne satisfaisant qu'à sa dette personnelle, ne peut jamais avoir le droit de les répéter en comptant avec le propriétaire, attendu qu'il ne doit aucun compte des fruits par lui perçus. 87. Lorsqu'un fonds, ou un droit d'usufruit a été remis en antichrèse, les autres créanciers du propriétaire ou de l'usufruitier peuvent-ils évincer celui qui a reçu ce nantissement?

(1) L. 11, S. 2, ff. de pignor, et hyp., lib. 20, tit. 1.

Pour la solution de cette question, il faut faire plusieurs distinctions, suivant qu'il s'agit ou de simples créanciers cédulaires, ou de créanciers hypothécaires antérieurs à la constitution d'antichrèse, ou enfin de créanciers hypothécaires postérieurs à cette constitution.

Si c'est un créancier qui n'ait aucun droit réel par hypothèque ou privilége sur le fonds baillé en antichrèse, et qui néanmoins se présente pour faire exproprier l'immeuble; quelle que soit la date de sa créance, et lors même qu'elle serait authentiquement antérieure à celle du nantissement, le créancier antichrésiste doit être maintenu dans sa jouissance, par cela seul qu'il est le premier nanti, puisqu'il a pour lui la règle in pari causâ possessor potior haberi debet. Et l'on trouve dans Vedel, annotateur de Calettan, livre cinq, chapitre premier, la relation d'un arrêt du parlement de Toulouse, du 14 mai 1725, qui l'a ainsi jugé.

88. Si c'est un créancier hypothécaire qui se présente pour faire exproprier l'immeuble baillé en nantissement, et que son hypothèque ait été établie sur cet immeuble avant la constitution de l'antichrèse, le créancier nanti ne peut être recevable à demander sa maintenue dans la jouissance du fonds; parce qu'il n'a pas été au pouvoir de leur débiteur commun, de paralyser les effets de l'hypothèque accordée au premier, en cédant ensuite, et après coup, la jouissance de l'immeuble au second.

Le créancier nanti par antichrèse ne peut avoir le même avantage qu'un fermier qui aurait

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été établi sur le fonds postérieurement à la constitution de l'hypothèque, et la disparité entre la cause de l'un et celle de l'autre est immense.

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Un homme, en hypothéquant son fonds, ne se prive pas de la faculté de l'administrer, et par conséquent de l'affermer, puisque l'établissement du fermage est un acte d'administration. C'est pourquoi la loi veut qu'en cas de saisie de l'héritage, faite à requête des créanciers du bailleur, le fermier qui a un bail dont la date est certaine et antérieure au commandement (1), soit maintenu dans sa jouissance; mais alors le fermier établi par le débiteur, devient le fermier de l'adjudicataire du fonds, et reste chargé de payer à celui-ci le fermage stipulé dans le bail, ce qui n'empêche pas que la vente ne doive être portée à son juste prix, et ce qui par conséquent ne peut atténuer les effets de l'hypothèque des créanciers.

Mais quand il s'agit de la constitution d'antichrèse, il y a aliénation de jouissance au profit du créancier avec lequel elle a été stipulée, et cette aliénation est telle par sa nature, qu'elle peut durer indéfiniment, et que le créancier nanti n'est obligé d'en payer aucun rendage, puisque ce n'est que pour se payer lui-même qu'il a reçu cette jouissance. Si donc il pouvait la conserver, nonobstant l'expropriation du fonds provoquée par un créancier ayant hypothèque antérieure au nantissement, la vente ne pourrait être faite qu'à vil prix, puisque l'adjudica

(1) Voy. l'art. 691 du code de procéd.

taire n'aurait ni le droit d'entrer de suite dans la jouissance effective de l'immeuble, ni celui d'en exiger un revenu de la part du créancier nanti. D'où il suit que les droits antérieurement acquis au créancier hypothécaire se trouveraient paralysés et comme anéantis par la constitution de l'antichrèse; ce qui ne peut être. 90. Si enfin il s'agit de créanciers dont les hypothèques n'aient été établies sur le fonds que postérieurement à la constitution de l'antichrèse, ils ne peuvent en poursuivre l'expropriation au préjudice du créancier nanti, et celui-ci doit avoir le droit de se faire maintenir dans sa jouissance, ou de se faire payer en premier ordre sur le prix de la vente.

91.

Suivant l'expression textuelle de l'article 2087 du code: « Le débiteur ne peut, avant l'entier acquittement de sa dette, réclamer la jouissance de l'immeuble qu'il a remis en antichrèse. » Or, on ne conçoit pas comment le débiteur pourrait céder à un tiers plus de droit qu'il ne lui en reste à lui-même sur cet immeuble: donc le créancier au profit duquel il a voulu l'hypothéquer postérieurement à la constitution de l'antichrèse, ne pourrait pas non plus déposséder le créancier nanti, sans le rembourser de ce qui lui est dû, ou sans souffrir qu'il fût payé, en premier ordre, sur le prix de la vente.

A la vérité, lorsqu'il s'agit de donation entre-vifs, le donateur peut encore valablement hypothéquer ou vendre le fonds donné, tant que le donataire n'a pas fait transcrire sa donation, ce qui peut entraîner la ruine totale du

bienfait, par l'éviction entière du donataire: et il arrive de là que le donateur qui s'était dépouillé, peut encore céder à un tiers le droit de déposséder le donataire quoiqu'il n'aurait pu le déposséder directement lui-même. Ce droit qui paraît si contraire à la raison naturelle, est néanmoins dans la raison civile; et les législateurs ont été obligés d'en venir jusqu'à le consacrer, pour donner aux transactions sociales toute la sureté qu'elles doivent avoir, parce que les donations entre-vifs ne se font presque jamais qu'avec réserve d'usufruit, et qu'ainsi, le donateur n'étant point dépossédé de fait en son vivant, les personnes tierces auxquelles il aurait recours pour en obtenir de l'argent, pourraient toujours être induites en erreur sur ses véritables moyens de solvabilité. Voilà pourquoi l'on avait inventé la formalité de l'insinuation qui se fait aujourd'hui par la transcription de l'acte de donation sur un des registres de la conservation des hypothèques : formalité qui est destinée à instruire le public de l'existence de la donation, et dont l'accomplissement est d'une importance telle, que jusque-là le donateur peut encore valablement engager envers un tiers l'immeuble qu'il a donné. Mais en tout ce qui touche aux effets des conventions, ce cas-là est unique dans le droit, et l'on est si loin de pouvoir le comparer avec la constitution de l'antichrèse, qu'ici au contraire tout est nécessairement public et patent, puisque le créancier ne peut être nanti qu'en tant qu'il est mis de fait en jouissance du fonds.

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