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parce que ce serait user d'une impropriété de terme, pour étendre au-delà de ses limites naturelles une disposition qu'on doit au contraire restreindre autant que possible.

Ainsi, on ne doit point appliquer cette dis position aux ascendans de l'usufruitier, qui pourraient accidentellement lui succéder, parce qu'en accordant un simple droit de survivance, le testateur doit être présumé n'avoir eu en vue que ceux qui, suivant l'ordre naturel des mortalités, devaient survivre au premier usufruitier.

Ainsi enfin, les collatéraux ne doivent point participer au bienfait de cette disposition, parce que l'éloignement où ils peuvent se trouver, doit les faire considérer tous, comme étrangers à la pensée du testateur : Si quis ita fideicommissum reliquerit: « Fidei tuæ, fili, commitio, ut si » ali no hærede moriaris, restituas Seio hæredi»tatem videri eum de liberis sensisse divus Pius rescripsit. Et ideò, cùm quidam sine liberis decederet, avunculum ab intestato bonorum possessorem habens, extitisse conditionem fideicommissi rescripsit (1).

319. Lorsqu'un homme a fait un legs d'usufruit

à quelqu'un tant pour lui que pour ses héritiers, et qu'on en est à examiner quels doivent être les droits de ceux-ci dans ce legs, il ne faut pas croire que le testateur soit présumé avoir voulu subordonner l'exécution de son bienfait envers ces seconds légataires, à l'acceptation qu'ils seraient tenus de faire de la succession de leur

(1) L. 17, §. 8, ff. ad Senat. - Consult. Trebell., lib. 36, tit. I.

auteur; car nous démontrerons bientôt le contraire: mais on doit au moins en tirer cette conséquence qu'en les désignant par le mot heritiers, il a voulu les appeler au partage de la chose léguée dans l'ordre suivant lequel ils sont appelés par la loi à succéder au premier usufruitier; en sorte qu'ils doivent venir au partage de l'usufruit, par tête ou par souche, comme ils viendraient par tête ou par souche au partage de l'hérédité de leur auteur, s'ils l'avaient acceptée, puisqu'on voit par l'expression dont le testateur s'est servi, qu'il a voulu calquer sa vocation sur celle de la loi.

Nous avons dit que l'usufruit était une propriété essentiellement temporaire, et nous venons de voir les conséquences qui en résultent.

Nous avons ajouté que l'usufruit était intransmissible; il nous reste à examiner aussi quelles sont les conséquences qui résultent de cette seconde qualité, pour l'exécution du legs qui nous

occupe.

320. L'usufruit est essentiellement intransmissible: donc ce n'est pas par voie de transmission héréditaire que les héritiers du premier usufruitier le reçoivent. Les expressions de la loi que nous avons transcrites plus haut, sont bien remarquables sur ce point, repeti potest ususfructus legatus, ditelle: ce n'est donc pas un droit d'usufruit transmis par le premier jouissant à ses héritiers, mais un droit répété par le testateur au profit de ceuxci; non transmissus, sed repetitus. Le droit du premier usufruitier étant éteint par sa mort, ses héritiers ne peuvent le trouver dans sa succes

sion, puisqu'il n'existe plus. C'est donc du testateur lui-même qu'ils le reçoivent directement et sans intermédiaire; et de là résultent plusieurs conséquences remarquables. 321. La première; que, pour qu'un pareil legs puisse avoir lieu au profit des héritiers, il faut qu'ils soient déjà au moins conçus au jour du décès du testateur, puisque c'est là une condition essentiellement voulue par la loi (906), pour être capable de recevoir une libéralité à cause de mort; en sorte que, si le premier usufruitier laissait plusieurs enfans dont les uns eussent été conçus avant et les autres seulement après la mort du testateur, il n'y aurait que les premiers qui fussent appelés à recueillir le bénéfice du legs d'usufruit.

522. La seconde ; que le premier usufruitier ne pourrait, par aucune disposition, appeler ses enfans à jouir inégalement après lui de l'usufruit dont il s'agit, puisqu'ils ne tiennent aucunement leur droit de lui.

323. La troisième ; que les enfans appelés à jouir de ce droit d'usufruit après la mort de leur père, ne pourraient en devoir aucun rapport à sa succession, puisqu'il ne leur proviendrait pas du patrimoine paternel.

324. La quatrième ; que l'usufruit qui se trouve établi de nouveau au profit des enfans, exige un nouveau cautionnement, puisqu'il n'est pas le même usufruit pour l'exercice duquel la première caution avait répondu.

325. La cinquième enfin ; que, pour participer à l'usufruit qui leur aurait été légué, les enfans ne

seraient point tenus d'accepter la succession du premier usufruitier leur père: car, du moment que le mot héritiers ne désigne ici que les enfans et descendans du premier légataire, ainsi que nous l'avons établi plus haut, c'est comme si le legs avait été fait au père tant pour lui que pour ses enfans (1), ce qui ne suppose nullement que ceux-ci soient tenus d'accepter la succession paternelle, pour pouvoir profiter d'un legs qui n'a rien de commun avec cette succes

sion.

Le testateur, en léguant l'usufruit de son fonds à quelqu'un tant pour lui que pour ses héritiers, n'a pu avoir l'intention de forcer ces derniers à accepter la succession de leur père, lors même qu'elle serait onéreuse, parce qu'il n'avait aucun intérêt à imposer une pareille charge à son bienfait. On doit croire qu'il n'a pas voulu rendre sa libéralité illusoire ou onéreuse pour ceux envers lesquels il exerçait un acte de bienveillance.

Ainsi le mot héritiers, dans une semblable disposition, ne signifie rien autre chose que héritiers présomptifs, et non pas héritiers de fait : c'est un nom commun employé au lieu des noms propres des seconds légataires, pour les désigner, et rien de plus.

(1) Voyez dans GRIVEL, décis. 18, n.os 57 et 58.

QUATRIÈME QUESTION.

326. Peut-on stipuler un droit d'usufruit tani pour soi que pour ses héritiers ; et quels doivent étre les effets d'un tel contrat?

Nous dirons ici, comme sur la question précédente, que le principe en est déjà résolu par les motifs exposés pour prouver que le droit d'usufruit peut être établi sur plusieurs têtes: car, du moment qu'il est avéré que ce droit peut être établi par acte entre-vifs sur plusieurs têtes, c'est-à-dire au profit de plusieurs personnes étrangères entre elles, et successivement appelées à en jouir, il n'y aurait de raison pour soutenir que la même succession de jouissance ne peut avoir lieu lorsque le second usufruitier est en même temps appelé à recueillir l'hérédité du premier (1).

pas

Cependant, lorsqu'il s'agit d'établir un droit d'usufruit, par acte entre-vifs, au profit de plusieurs personnes qui sont étrangères entre elles, tous ceux qui sont appelés à en profiter doivent être participans à l'acte, parce que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes (1165), et qu'on ne peut en général stipuler que pour soi-même (1119), et non pour des personnes qui nous sont étrangères; tandis qu'un homme peut stipuler tant pour lui que pour ses héritiers (1122), par la raison que l'héritier représentant le défunt, l'une des personnes ne peut être, en ce cas, considérée comme

(1) Voyez sous les n.o 310 et 313.

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