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l'Empire avait remplacé le Consulat, n'attribuait pas aux préfets le droit de créer les Succursales et d'en fixer les circonscriptions: il reconnaissait ce droit aux Evêques, sauf à eux à se concerter avec le Gouvernement ou ses agents, comme le voulait le Concordat.

Je vous serai obligé d'insérer cette rectification dans le prochain numéro de la Revue catholique des Institutions et du Droit et je vous prie d'agréer l'assurance de mes sentiments de haute considération.

BRESSON, avocat à Dijon.

CHRONIQUE DU MOIS

A nos amis.

Les deuils nécessaires.

Retraite de M. Challemel-Lacour.

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Les processions.
Le cabinet.

Le Tonkin. La Réforme

judiciaire. La persécution religieuse. Les caisses d'épargne. L'Europe: la Russie, l'Italie et les élections romaines, l'Angleterre. L'Allemagne et la question française à Berlin.

Dans la vie politique et les luttes sociales, il ne faut pas seulement suivre du regard ses ennemis et ses adversaires. Il importe de ne pas perdre de vue son propre camp et ses compagnons d'armes. Nous avons eu déjà l'occasion de nous adresser à nos amis. Nous ne pouvons hésiter à le faire quand l'utilité nous en paraît démontrée. Un fait qui nous a plus d'une fois tristement impressionné se représente en ce moment de façon à provoquer de sérieuses réflexions.

Nos amis voient depuis des années la déplorable situation de la France. La religion persécutée, les religieux expulsés et traqués comme des malfaiteurs; les catholiques éloignés de toutes les affaires, chassés de leurs emplois et remplacés par les hommes tarés, par les indignes de tout genre qui surgissent aux époques troublées; l'enseignement de l'athéisme imposé à l'enfance; l'armée vilipendée et décimée par la franc-maçonnerie régnante; la magistrature détruite; la propriété violée; la ruine publique menaçante; la France honnête outragée et violentée; ce qui reste encore de religion, de droits, d'intérêts, près de tomber sur les ruines entassées; la persécution et la ruine au dedans; au dehors l'impuissance et le dédain, telle est

en résumé la situation de notre pauvre pays. Cent fois ce tableau navrant a été mis sous les yeux des plus aveugles, et il n'est personne parmi nos amis qui ne le connaisse.

Comment donc expliquer, en présence de malheurs pareils, cette obstination qu'on rencontre encore dans les divertissements, le luxe, les toilettes, les folies mondaines? Que dire de cette fièvre de plaisirs où l'imagination pervertie poursuit le bizarre, le grotesque, l'insensé, où l'on dirait que notre temps veut chercher l'oubli de ses maux comme ces hommes qui cherchent à s'étourdir dans le vin et les liqueurs fortes? On voit Paris s'enthousiasmer pour un cheval, et la Ville-lumière faire à Frontin un triomphe qu'elle ne fera pas au sauveur de la patrie. Des hommes qui portent des noms respectables se montrent en acrobates ou se font applaudir travestis en danseuses espagnoles... Des femmes qui devraient se faire respecter mettent leur talent et leur amour propre à copier les actrices et les impudiques; elles se fagotent à leur ressemblance, recherchent leurs attitudes, empruntent leur langage et leurs mots, et ne sont satisfaites que lorsqu'on les confond dans la rue avec leurs modèles. Dans certaines fêtes parisiennes on les voit fraterniser avec ces tristes compagnes. En province on rencontre souvent des femmes peintes en rouge, en bleu, en noir, en blanc, en jaune, avec des cheveux changeant suivant les lunes, accoutrées de manière à attirer tous les regards et toutes les impertinences; on les prend pour des rodeuses du crépuscule alors que ce sont simplement des « femmes lancées. » Il en est que leurs maris ne peuvent retenir dans cette voie; d'autres au contraire qui y sont poussées par eux. Les femmes honnêtes oublient trop qu'elles ne doivent point se faire prendre pour ce qu'elles ne sont pas.

Ces folies déplorables vont si loin que les journaux les moins prudes s'en scandalisent et disent: c'est trop.

Il semble que dans l'état où est la France, c'est le deuil qui convient le mieux à ses enfants, à ceux du moins qui comprennent ses malheurs et en souffrent. Nous ne demandons pas qu'on passe les jours et les nuits à jeûner. Nous admettons les joies de la famille, les honnêtes réunions, les plaisirs de l'intelligence et des relations sociales. Mais nous réprouvons les scandales et les folies, le luxe bête et révoltant à côté de tant d'honnêtes misères auxquelles on parait insensible.

On prétend copier la Prusse. Sait-on qu'après les défaites de ce royaume, sous Napoléon Ier, les femmes ont à peu près gardé le deuil pendant plus de vingt ans? La nation entière s'est recueillie, a travaillé dans le silence et la retraite. On n'y a pas fait de folies et c'est dans l'ombre et le

calme qu'on a préparé la restauration nationale et la revanche. Voilà l'exemple qu'il faut aller chercher en Prusse.

N'est-ce pas pitié de voir les toilettes et la désinvolture de ces jeunes filles qu'on rencontre sur son passage, les deux coudes comme attachés, le buste lancé en offrande, le regard insolent et semblant défier les passants? Dans le monde, on les voit souvent aussi peu convenables et,av ec le verbe haut et le corsage bas, se donnant des airs de dragons femelles. Ces échantillons trop peu rares d'un « progrès » fort douteux affichent leur dédain pour celles qui sont plus modestes, et les considèrent comme des êtres inférieurs n'atteignant pas leur niveau.

Cette transformation des jeunes filles est laide d'abord, oui, fort laide, mesdemoiselles, et surtout fort triste. Les parents doivent y veiller; ils ont connu la jeune fille française, simple, modeste, plus semblable à la violette qu'à la pivoine, réservée, parlant peu, et charmante sans le vouloir. C'est à eux de nous rendre cette espèce qui menace de se perdre. L'espèce qui est répandue actuellement ne paraît pas se douter que si elle attire les hommes qui veulent s'amuser, elle repousse plus encore ceux qui veulent se marier. Les plus légers mêmes ont cet instinct de vouloir une femme dont on ne dit rien et qu'on n'a pas l'idée de suivre.

Nous l'avons dit, c'est à nos amis surtout que nous nous adressons ici, et si l'avis paraît sévère, qu'on y voie le désir d'être utile.

Nous avons eu déjà l'occasion de parler de la réserve absolue qu'il convient de garder vis-à-vis des agents du régime persécuteur qui nous opprime. Nous constatons que presque partout le vide s'est fait autour d'eux. Aujourd'hui nous demandons que les Français et les Françaises dignes de ce nom pensent un peu plus aux malheurs de la patrie, à ce que nous souffrons tous, et qu'au lieu de s'étourdir dans des folies scandaleuses, au lieu d'afficher un luxe inepte et hors de saison, ils s'occupent avec simplicité, dignité et courage, de ceux qui sont particulièrement atteints. Il n'est pas besoin par exemple d'organiser des « fêtes orientales» pour secourir les pauvres et les prètres spoliés par la République. Une simple souscription, un envoi discret, des quêtes faites en toilette convenable, sont bien mieux en situation, et du moins, pour vingt francs donnés à Dieu, on saura qu'il n'y en a pas eu quarante jetés au diable.

Nous reviendrons sur ce sujet quand la saison des plaisirs mondains nous paraîtra le comporter.

La République a, pendant le mois de juin dernier, interdit dans quelques villes de plus la procession de la FêteDieu.

Partout où l'interdiction municipale n'a pas été faite, les processions ont donné à la foi nationale une occasion nouvelle de s'affirmer et de protester contre l'athéisme officiel.

A Versailles, à Poitiers, à Beauvais, à Angers, à Cambrai, à Besançon, au Mans, à Saint-Brieuc, à Dinan, à Orléans, à Caen, à Clermont, à Laval, à Calais, à Bourg, les processions publiques ont été splendides et jamais la piété française ne les avait entourées de plus de solennité. Dans la dernière ville, un journaliste radical a insulté les soldats. Sous un régime de liberté et de bon sens, l'insulteur aurait été poursuivi et tout était dit. Sous le régime actuel l'insulteur est respecté, en attendant qu'il devienne député ou Préfet. Mais en revanche on assure que les processions viennent d'être interdites à Bourg. N'est-ce pas bien républicain?

L'expédition du Tonkin préoccupe vivement et à juste titre tous les esprits. Il paraît établi que la mauvaise situation de notre colonie est due à la négligence de M. Thomson, le gouverneur radical, mais peu capable et peu zélé qu'on lui a donné. Les nouvelles qu'on a reçues sont d'ailleurs contradictoires, peu sûres et renseignent fort mal sur l'état réel du pays. On ne sait même pas d'une manière certaine si le commandant Rivière est mort ou prisonnier.

Le gouvernement a déjà dù demander un crédit supplémentaire de 5 millions pour l'expédition commencée. Nous avons toujours pensé que cette expédition était grosse de périls, de pertes d'hommes et de dépenses. Plus que jamais nous en sommes convaincu, et ce n'est pas l'habileté de nos gouvernants qui est capable de nous rassurer. La mort de M. l'abbé Béchet, missionnaire lyonnais, martyrisé récemment au Tonkin, y servira sans nul doute la France bien mieux que les faits et gestes de M. Grévy, aidé de M. Ferry et de M. Thibaudin.

Un fait anormal est le départ de M. Challemel-Lacour, ministre des affaires étrangères, au milieu des complications amenées par cette affaire lointaine et peu connue. Une note de l'agence Havas rend cette nouvelle plus grave par le caractère qu'elle lui donne. Le voyage à Vichy de l'ancien proconsul de Lyon ne serait que le prélude de sa retraite définitive. Le ministre républicain comprendrait,

dit-on, la déplorable situation faite à la France par la république et, n'ayant pas la présomption de M. Ferry, il voudrait dégager sa responsabilité des évènements qu'il pré

voit.

On parle en outre de la prochaine retraite du ministre de la marine, M. Charles Brun, qui s'éloignerait des affaires pour les mêmes raisons que son collègue.

Ce cabinet tout entier, d'ailleurs, paraît toucher à une crise, par suite de diverses causes. M. Martin Feuillée attend, diton, le vote du projet de réforme judiciaire pour se nommer lui-même Premier Président d'une cour réformée de l'ouest, et attendre l'avenir dans ce nouveau fromage de Hollande. M. Tirard aurait la modestie de se contenter d'un simple fauteuil de Sénateur pour briguer ensuite la présidence de la Chambre haute. D'autres ministres cherchent aussi, paraîtil, de douces retraites pour leurs vieux jours et leurs illusions perdues.

M. Thibaudin, sans avoir encore personnellement ce souci, serait l'objet des préoccupations de ses chers collègues qui le remplaceraient volontiers par M. Campenon ou M. Carré de Bellemare, en attendant l'avènement de M. Labordère ou le retour du général Eudes.

Seul, le jeune Waldeck-Rousseau tient bon et vise, assez ouvertement dit-on, à remplacer le Président du Conseil. M. Jules Ferry a trouvé là un rival sérieux, encore plus despote et plus violent que lui, fort jeune et dont les chances ne laisseraient pas de l'inquiéter.

Dernièrement ce jeune homme faisait dans l'ouest, avec quelques comparses, MM. Méline, Thibaudin, Martin, etc., une de ces tournées triomphales pour lesquelles il avait reçu des leçons de son maître, feu M. Gambetta. Il promenait à Caen, à Rennes, à Lisieux, en Bretagne et en Normandie le nom si honorable qu'il reçu de son père, nom qu'on avait trouvé dans les consultations contre les infamies de 1880, et qu'on s'étonnait de voir mêlé si peu de temps après avec ceux des pires persécuteurs du pays. La froideur et l'indifférence de la population lui ont montré ce qu'on pensait de lui et de son gouvernement.

N'oublions pas à ce sujet une très louable protestation du barreau de Caen. Les avocats de cette ville, faisant acte de dignité et d'indépendance, ont décidé qu'ils ne participeraient à aucune manifestation officielle pendant les fêtes données aux ministres voyageurs. Le Conseil de l'ordre a voulu protester contre la décision du trop zélé fonctionnaire qui l'avait inscrit sur la liste du cortège officiel.

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