Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

2o BREVET D'INVENTION. CONTREFAÇON.— DESCRIPTION. - DIVULGATION. CHOSE JUGÉE. -DOMMAGES-INTÉRÊTS.-FAITS ANTÉRIEURS.PRESCRIPTION.-DÉLIT SUCCESSIf.

Jugé dans un sens contraire, que le jugement d'un tribunal correctionnel qui, saisi de la connaissance d'un délit de contrefaçon en matière de brevet d'invention, renvoie le prévenu de la poursuite, en admettant l'exception de nullité ou déchéance du brevet par lui opposée comme moyen de défense, n'a pas l'autorité de la chose jugée en ce qui touche la nullité ou déchéance du brevet, dans un procès civil en dommages-intérêts ultérieurement intenté par le breveté contre la même personne à raison de nouveaux faits de contrefaçon, et à plus forte raison contre une personne qui n'était point partie dans la première instance. 2e espèce (3).

Mais jugé aussi que la chose jugée au civil sur une action en nullité ou déchéance de bre

vet d'invention, est opposable devant le tribunal correctionnel sur une poursuite en contrefaçon.

1° La chose jugée sur une exception préjudicielle dans une première poursuite (criminelle ou civile), est-elle opposable dans une seconde-3° espèce. poursuite (de meme nature ou de nature difféEt plus spécialement, que lorsque sur une rente), pour un fait semblable? (Cod. Nap., action en nullité d'un brevet d'invention inten1351.) (1) tée contre le breveté devant la juridiction ciJugé dans le sens de l'affirmative et spécia-vile, il a été jugé que le brevet est valable, cette lement en matière de brevet d'invention, que décision constitue une chose définitivement jule jugement correctionnel qui, à l'occasion d'une gée, dont le breveté peut ensuite se prévaloir action en contrefaçon, a statué sur l'exception devant le tribunal correctionnel sur une pourde nullité ou de déchéance du brevet et rejeté suite en contrefaçon dirigée par lui contre la cette exception, a l'autorité de la chose jugée personne avec laquelle il a plaidé au civil, et sur ce point entre les mêmes parties, relative- sans que celle-ci puisse remettre en question la ment à une seconde action correctionnelle in-validité du brevet. (L. 5 juill. 1844, art. 34 et tentée ultérieurement à raison de nouveaux 46.)-3 espèce (4). faits de contrefaçon. (L. 5 juill. 1844, art. 34 et 46.)-1re espèce (2).

[ocr errors]

2o L'arrêt qui décide que la combinaison, objet de la poursuite, a été comprise dans la

nuire au prévenu qui s'en prévaut ou à qui on l'oppose à titre de chose jugée?

(1-2-3-4) La question générale, posée en tête de Mais ce qui fait ici l'objet de la difficulté, c'est le ce sommaire, est ici résolue en sens divers, mais point de savoir si le jugement qui a admis ou rejeté dans trois hypothèses différentes, par trois arrêts | l'exception opposée à la poursuite par le prétendu émanés des chambres civile et criminelle de la Cour délinquant, a l'autorité de la chose jugée dans une de cassation, arrêts que nous avons voulu rappro- nouvelle poursuite dirigée contre le même délincher, afin de mettre le lecteur à même d'apprécier quant pour un fait identique. Appréciée une prejusqu'à quel point ils s'accordent ou se contredisent. mière fois, cette exception doit-elle nécessairement Première hypothèse. C'est celle du premier arrêt, être l'objet d'une appréciation nouvelle ? ou bien, au lequel est émané de la chambre criminelle. Cette hy- contraire, la décision sur la valeur de l'exception pothèse est la plus simple, car il s'y agit de l'auto-peut-elle, sur de nouvelles poursuites, bénéficier ou rité devant la juridiction correctionnelle, de la chose jugée par cette même juridiction. Toutefois, entendons bien qu'il n'est point ici question d'apprécier, au point de vue de l'application de la peine, les éléments constitutifs d'un second fait délictueux de même nature qu'un premier fait qui aurait déjà été puni. Dans ce cas, évidemment, point de chose jugée possible: chaque fait, fût-il commis dans les mêmes circonstances et par la même personne qu'un fait antérieur, doit être l'objet d'une appréciation distincte et d'une application spéciale de la disposition pénale qui l'a prévu et mulcié. C'est ce qu'exprime précisément, dans son avant-dernier motif, le premier de nos arrêts, en disant « qu'en matière pénale, la culpabilité ne se présume pas d'un fait antérieur déjà jugé, et que toute prévention doit être appréciée en elle-même, en dehors de tout précédent...»; ce qui est parfaitement vrai..., abstraction faite toutefois de la théorie de la récidive, qui tient précisément compte à l'agent, sinon dans l'appréciation de la culpabilité, du moins dans l'application de la peine, des précédents qui existent à sa charge.

LVII.-I PARTIE.

Cette question, qui se présente ici dans une matière spéciale, où la loi qui la régit donne au juge criminel le droit de juger, par voie d'exception, la question purement civile de la nullité ou déchéance de brevet que soulève presque nécessairement toute poursuite en contrefaçon, cette question, disons-nous, peut se présenter dans tous les cas où le prévenu se prévaut du jure feci, et soulève ainsi une de ces questions préjudicielles qui mettent quelquefois le juge criminel (Cod. forest., 182) dans la nécessité de suspendre son jugement jusqu'à la décision du juge civil. Mais c'est précisément cette suspension ou ce renvoi au juge civil que l'art. 46 de la loi du 5 juill 1844 sur les brevets d'invention, dans le but de simplifier la procédure et de rendre la décision plus prompte, a voulu éviter, en investissant dans cette matière spéciale le juge criminel des attributions du juge civil. Ce juge a donc une compétence civile accidentelle, et c'est l'autorité des décisions par lui rendues en vertu de cette attribution spéciale qu'il

27

demande du brevet et se trouve expliquée dans la description et les dessins y annexes, ne contient qu'une décision de fait qui échappe à la

s'agit d'apprécier, lorsqu'elle vient à être invoquée à l'occasion d'un fait nouveau, mais de même nature, qui donne lieu à de nouvelles poursuites et soulève la même exception déjà admise ou rejetée.

censure de la Cour de cassation. (L, 5 juill. 1844, art. 5.)-3° espèce.

La chose jugée au civil sur la validité du

a bien pu être investi du droit de juger la question
toute civile que soulève la poursuite correctionnelle,
ou plutôt le moyen de défense ou l'exception qu'on
y oppose. Mais il n'en est pas moins vrai que cette
question n'est pas de la compétence propre de ce
juge, et que c'est par une espèce de dérogation aux
principes qu'on lui en défère le jugement. Et de ce
qu'on lui a permis de juger, pour le besoin de la
cause dont il était saisi, une question en dehors de
ses attributions naturelles et qui est de la compé-
tence du juge civil, est-ce à dire qu'il la jugera avec
la même autorité, avec la même généralité que le
juge civil lui-même? Non; sa décision n'aura de va-
leur que dans la cause même à l'occasion de laquelle
elle aura été rendue : elle n'en aura point ailleurs, et
si (1re hypothèse) elle pouvait à toute force être in-
voquée devant la juridiction même qui l'a rendue,
elle ne pourrait pas l'être, du moins, devant une
juridiction d'une autre nature, devant la juridiction
civile,

En matière de chose jugée et dans la rigueur absolue des principes, ce n'est déjà pas sans quelque | difficulté qu'on est amené à admettre, dans cette première hypothèse, qu'il y a chose jugée sur l'exception opposée à une première poursuite, lorsque cette même exception vient encore à être opposée sur une poursuite ultérieure; car, bien que l'exception constitue le même moyen de défense, il n'en est pas moins vrai que c'est à l'occasion d'un fait entièrement nouveau que ce moyen de défense est proposé. Sans doute il repose sur la même base, il soulève la même question de nullité ou de déchéance de brevet qu'avaient soulevée les premières poursuites; mais il la soulève à l'occasion d'un fait différent. Y a-t-il donc là eadem res, eadem causa petendi? Pour l'y voir, il faut en quelque sorte abstraire le fait particulier à l'occasion duquel l'exception a été proposée, de cette exception elle-même, et tout en laissant au fait son individualité, sa personnalité, si l'on peut ainsi parler, donner au jugement sur l'exception une généralité qui permette de l'appliquer à tous les faits de même nature qui donneraient lieu à de nouvelles poursuites. Mais ne serait-il pas plus vrai de dire, au contraire, que c'est le jugement sur l'exception qui doit être renfermé dans les limites du fait à l'occasion duquel elle a été soulevée, et que c'est cette exception elle-même qui reçoit de ce fait le caractère d'individualité qui lui appartient, caractère qui ne permettrait pas d'appliquer à un autre fait, fût-il de même nature, la décision dont elle a été l'objet ?... Telles sont, ce nous semble, les deux faces sous lesquelles, dans cette première hypothèse, la question se présentait. La chambre criminelle, dans l'intérêt de l'abréviation des procédures, a admis (par son arrêt rendu dans la 4re espèce) l'existence de la chose jugée là où peut-être, au point de vue des règles générales, les conditions rigoureuses de la chose jugée ne se trouvaient pas complétement réunies, comme nous allons voir, au surplus, que l'a décidé la chambre civile, en appréciant l'autorité en cette matière de la chose jugée au correctionnel, quand elle vient à être invoquée devant la juridic-Aussi ne saurions-nous partager cette opinion que

tion civile.

Deuxième hypothèse. C'est toujours par la juridiction correctionnelle que la question de nullité ou de déchéance a été jugée; mais ce n'est plus devant cette même juridiction, comme dans l'hypothèse précédente, que la chose jugée par elle est invoquée : c'est judevant la juridiction civile. Quelle est ici, pour ridiction civile, l'autorité de la chose jugée au correctionnel?... Elle est nulle, suivant l'arrêt de la chambre civile que nous recueillons (2e espèce), el, nous devons le dire, il ne nous scandalise pas le moins du monde que la juridiction civile ne reconnaisse point pour elle, en cette matière, l'autorité de la chose jugée aux décisions de la juridiction crimi. nelle. Nous avons déjà, plus haut, fait pressentir les difficultés que présente l'application de la chose ju

gée, du correctionnel au correctionnel; mais combien les objections ne sont-elles pas plus fortes encore du correctionnel au civil ? Le juge correctionnel

Troisième hypothèse. Ici, c'est la juridiction civile ou de déchéance du brevet, qui se reproduisent enqui, la première, a tranché les questions de nullité suite entre les mêmes parties, sur une poursuite en contrefaçon devant la juridiction correctionnelle. Nous venons de voir la juridiction civile ne point tenir compte de ce qui a été jugé au correctionnel. Quel compte la juridiction correctionnelle va-t elle tenir de ce qui a été jugé au civil?... Ici respect absolu de la chose jugée par les tribunaux civils, et c'est en cela que l'arrêt rendu dans cette troisième hypothèse par la chambre criminelle de la Cour de cassation, est on ne peut plus remarquable; car il s'associe à la doctrine de la chambre civile sur les effets de la chose jugée au civil, et proclame l'autorité souveraine, absolue, des décisions des tribunaux, juges naturels des questions de propriété que soulèvent les tellement et pour le besoin en quelque sorte d'une brevets d'invention, tandis que ce n'est qu'acciden contestation particulière, pour le jugement plus rapide de cette contestation, qu'a été exceptionnellement conféré à la juridiction correctionnelle le droit de juger les questions d'intérêt purement civil qui viennent à s'élever au cours de l'instance répressive...

nous avons entendů émettre, à savoir que la juridic tion criminelle, appelée à statuer exceptionnellement sur des intérêts civils, par suite de la compétence accidentelle que lui prête l'art. 46 de la loi du 5 juill, 4844, juge avec les mêmes attributions, la même étendue, la même autorité que la juridiction civile à laquelle elle se trouve en quelque sorte momentanément substituée. Nous ne saurions le penser, et nous comprendrions très-bien que l'autorité de la décision civile du juge correctionnel ne s'étendit pas au delà de la cause même dans laquelle et pour laquelle elle a été rendue, tandis que la décision de la juridic tion civile pourrait être invoquée partout... Ajoutons que cette théorie ne porte aucune atteinte au principe général, consacré par la jurisprudence et gée au civil est sans influence au criminel: car cette enseigué par la doctrine, d'après lequel la chose jurègle subit exception dans le cas où il s'agit préci sément, comme dans nos espèces, d'une exception

brevet rend le prévenu non recevable à opposer | existence propre et sa prescription particuliè

aussi bien la nullité tirée de la vulgarité ou de la divulgation de l'invention que de l'insuffisance d'indications dans la demande de brevet. (L. 5 juill. 1844, art. 30, 31.)-3° espèce.

re, et il existe alors plusieurs délits qui se succè dent, mais non un délit successif.-En conséquence, la fabrication de plusieurs objets contrefaits ne peut être prise en bloc pour Le tribunal correctionnel peut comprendre arriver à n'en faire qu'un seul et même délit, dans la condamnation aux dommages-intérêts soumis seulement dans son ensemble à la predes actes de contrefaçon postérieurs à l'intro- scription de trois ans à dater des derniers actes duction de l'instance, pourvu qu'il ait été saisi | de contrefaçon dans ce cas, les actes de conpar le plaignant des faits nouveaux, ce qui trefaçon remontant à plus de trois ans sont résulte suffisamment de conclusions par les couverts par la prescription et ne peuvent étre quelles le plaignant,en articulant que le prévenu pris en considération pour la fixation des domavait continué la fabrication, réclamait la ré-mages-intérêts auxquels doit être condamné le paration du préjudice que ces nouveaux actes contrefacteur. (Cod. inst. crim., 637 et 638.) lui avaient causé. (L. 5 juill. 1844, art. 42.)-3° espèce. 3e espèce. 1re Espèce.-(Aubert et Gérard—C. de Bergue.)

Chaque fabrication d'objets, en contrefaçon d'un brevet, forme un délit à part, qui a son

préjudicielle. V. l'arrêt du 6 mars 1857, rapporté ci-après, p. 636.

Maintenant, et en laissant un instant de côté la première hypothèse, qui admet les effets de la chose jugée au correctionnel, il nous semble résulter en dernière analyse des deux dernières décisions émanées des chambres civile et criminelle de la Cour de cassation, dans les deuxième et troisième hypothèses, qu'en matière de contrefaçon, et bien que la loi du 5 juill. 1844 (art. 46) autorise les tribunaux correctionnels à statuer sur les exceptions de déchéance et de nullité de brevets opposées aux poursuites en contrefaçon, la juridiction civile n'en est pas moins la juridiction naturelle, chargée de résoudre les questions d'intérêt civil que font naître les brevets dont la validité est attaquée, et que ses décisions ont en conséquence devant la juridiction correctionnelle une autorité que n'ont pas les décisions de celle-ci devant la juridiction civile.

Nous venons de chercher à pénétrer le sens, à apprécier la portée des trois solutions que nous avons mises ici sous les yeux du lecteur. Nous devons dire maintenant qu'en décidant, dans son premier arrêt du 17 avril, que le jugement sur l'exception préjudicielle a autorité de chose jugée, et peut être opposé à toutes les poursuites pour faits identiques qui auraient lieu ultérieurement, la chambre criminelle ne faisait que se montrer fidèle à ses précédents; car elle l'avait déjà jugé ainsi. L'arrêt Gavarini, du 18 avr. 1839 (Vol. 1839.4.889-P. 1839.2.564), décide en effet qu'un individu, poursuivi pour exercice illégal de la médecine, et qui a été renvoyé de la plainte sur la production par lui faite d'une lettre ministérielle qui l'autorise à exercer, peut se prévaloir avec raison de la chose ainsi jugée en sa faveur, sur de nouvelles poursuites dont il vient à être l'objet à raison de nouveaux actes de pratique médicale. La décision alors de la question préjudicielle par ce tribunal répressif a toute l'autorité de la chose jugée. Mais, il faut le dire, la doctrine de l'arrêt Gavarini avait déjà été, de la part de M. Faustin Hélie (Instr. crim., t. 3, p. 592), l'objet d'observations critiques, auxquelles l'arrêt de la chambre civile vient donner une bien remarquable sanction; puisque la thèse du savant criminaliste et l'arrêt de la chambre civile ci-dessus rapporté sont en harmonie parfaite l'une et l'autre ne voient, en effet, dans la décision sur l'exception ou le moyen de dé fense du prévenu qu'une décision isolée, se référant exclusivement au fait à l'occasion duquel cette dé

[ocr errors]

|

[merged small][ocr errors]
[ocr errors]

LA COUR;-Sur le moyen tiré de la fausse

ne

cision a été rendue, et ne pouvant avoir que l'autorité d'un précédent, mais non l'autorité de la chose jugée à l'égard du même moyen de défense qui viendrait à être opposé à une nouvelle poursuite, motivée par un autre fait de la même nature que le premier. C'est en ce sens que l'arrêt de la chambre civile, dans son énergique concision, établit « que le tribunal correctionnel, en statuant sur les exceptions préjudicielles opposées par le prévenu, ne fait qu'apprécier, au point de vue de la prévention, le moyen de défense opposé à l'action correctionnelle; que la décision qu'il rend sur ce moyen de défense, s'étend pas au delà du fait incriminé; qu'enfin, le tribunal correctionnel n'est juge de l'exception que dans la mesure et les limites de l'action... » Et il est à remarquer qu'alors que la chambre civile limite ainsi les effets de la chose jugée au correctionnel sur l'exception, la chambre criminelle, dans son dernier et récent arrêt du 8 août, proclame, de son côté, « que les tribunaux civils sont la juridiction principale et de droit commun, dont les décisions tranchent définitivement les questions de validité de brevet. et régissent, en ce point, entre les mêmes parties, les débats à venir, aussi bien au correctionnel qu'au civil. »

L'arrêt de la chambre civile et le second arrêt de la chambre criminelle sont donc en harmonie parfaite, et reconnaissent l'un et l'autre le caractère plus général des décisions de la juridiction civile sur les mêmes questions que la juridiction correctionnelle peut être accidentellement appelée à résoudre. Mais il resterait à concilier avec ces deux décisions le premier arrêt de la chambre criminelle, et nous n'en voyons guère le moyen: car on ne saurait dire que la décision de la juridiction correctionnelle jouira, devant cette même juridiction, d'une autorité qu'elle n'aurait pas devant la juridiction civile; cela n'est pas possible. Pas de milieu : il y a ou il n'y a pas chose jugée sur l'exception, quel que soit le tribunal compétent qui l'ait admise ou rejetée.... » Si nous disons toute notre pensée, nous ne serions pas étonné de voir la chambre criminelle, qui s'est si bien associée, dans son second arrêt, à la doctrine de la chambre civile, revenir un jour, mieux informée, sur la doctrine de son premier arrêt, et ne reconnaître qu'à la juridiction civile le pouvoir de trancher les questions de droit civil que soulèvent les brevets d'invention, avec toute l'étendue, toutes les conséquences, toutes les prérogatives de la chose jugée. A. CARETTE

la société Rohlfs-Seyrig, il fut cassé par arrêt de la Cour suprême du 17 janv. 1852 (Vol. 1852.1.66), qui renvoya la cause et les parties devant la Cour impériale de Paris.

application de la chose jugée :-Attendu que, sur une première poursuite en contrefaçon intentée par de Bergue contre Aubert et Gérard, ceux-ci se défendirent en opposant l'exception tirée de la non-brevetabilité de l'invention Devant la Cour de Paris, le sieur Crespelprétendue, par suite de la divulgation anté- Dellisse opposa en défense à l'action correcrieure; que ce système a été repoussé par un tionnelle dirigée contre lui, une fin de nonarrêt de la Cour impériale de Paris, du 2 août recevoir tirée de la nullité et de la déchéance 1854, qui déclare valable le brevet de de Ber- des brevets de la société Rohlfs-Seyrig, et cette gue, et condamne Aubert et Gérard comme exception fut admise par arrêt de la Cour de contrefacteurs;-Attendu qu'en 1856, de Ber- Paris du 25 fév. 1853, qui prononça la dégue prétendant que le délit s'était renouveléchéance des brevets, et déchargea en consédans les mêmes circonstances, et pour les quence le sieur Crespel-Dellisse des condamnaprocédés industriels qui avaient fait l'objet de tions prononcées contre lui par le tribunal la première saisie, intenta une seconde action d'Arras. contre Aubert et Gérard; que ceux-ci opposè- Plus tard, la société Rohlfs-Seyrig, ainsi rent comme unique défense cette même ex-éconduite en police correctionnelle, a renouception, fondée sur la non-validité du brevet, velé ses poursuites au civil. Après avoir fait et qu'avait rejetée l'arrêt précité; - Attendu saisir d'autres appareils de même nature, tant que, dans l'une et l'autre instance, ladite ex- chez le sieur Crespel-Dellisse, que chez les ception sur laquelle Aubert et Gérard deve-sieurs Leyvratz et comp., qui les avaient acquis naient demandeurs était la même, s'appuyait sur la même cause, existait entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités; qu'ainsi, aux termes de l'art. 1351, Cod. Nap., l'autorité de la chose jugée leur était opposable;-Que si, en matière pénale, la culpabilité ne se présume pas d'un fait antérieur déjà jugé, et si toute prévention doit être appréciée en elle-même, en dehors de tout précédent, il ne s'agissait pas, dans l'espèce, d'un élément du délit, mais d'une exception préjudicielle, autorisée par l'art. 46 de la loi du 5 juill. 1844, sur laquelle il attribue compétence à la juridiction correctionnelle, et que cette exception constitue un moyen de droit sur lequel le juge ayant, aux termes du même article, statué une première fois, ne pouvait être appelé à prononcer une seconde, dans les mêmes conditions; -Attendu que l'arrêt attaqué (de la Cour de Paris du 20 juin 1856) ayant reconnu, dans les faits ainsi déclarés, l'autorité de la chose jugée, n'a fait qu'une juste application de la loi;...Rejette, etc.

Du 17 avr. 1857.—Ch. crim. — Prés., M. Laplagne-Barris. — Rapp., M. Plougoulm. Concl. conf., M. Guyho, av. gén. Pl., M. Avisse.

[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

du sieur Crespel, elle a formé contre eux, tant pour avoir construit que pour avoir exploité ces appareils, une demande en dommages-intérêts devant le tribunal civil d'Arras.

A ces poursuites nouvelles les sieurs Crespel-Dellisse et Leyvratz ont de nouveau opposé l'exception de nullité ou déchéance du brevet des sieurs Rohlfs-Seyrig, et sur ce point, l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour de Paris du 25 fév. 1853.

Jugement du trib. civil d'Arras qui, admettant cette exception, déclare la société RohlfsSeyrig non recevable dans son action.

Appel par la société Rohlfs-Seyrig; et, le 6 mars 1856, arrêt de la Cour impériale de Douai, qui confirme. — Cet arrêt décide à l'égard du sieur Crespel-Dellisse, que l'arrêt de la Cour de Paris, du 19 fév. 1853, qui a déclaré les brevets nuls et non avenus, le protége contre toute poursuite ultérieure; et à l'égard des sieurs Leyvratz et comp., que ceux-ci doivent profiter de l'immunité, que l'arrêt de la Cour de Paris a créée au profit du sieur Crespel, et qu'ils ont pu acheter de lui et exploiter les appareils saisis, parce qu'il avait capacité pour les vendre. Voici au surplus les motifs de l'arrêt «En ce qui touche l'appel de Rohlfs, Seyrig et comp. Attendu que cité devant le tribunal correctionnel d'Arras, pour se voir déclarer contrefacteur, et comme tel, condamner à la confiscation des machines contrefaites et à des dommages-intérêts, Crespel-Dellisse a, en première instance, et en appel devant la Cour de Paris, opposé la nullité et la déchéance des divers brevets dont on se prévalait contre lui; Qu'il a soutenu subsidiairement qu'il avait, en vertu de conventions, le droit de se servir des procédés brevetés, et enfin qu'il a demandé, à son tour, contre Rohlfs, Seyrig et comp., des dommages-intérêts; Attendu qu'en cet état de la cause, la Cour de Paris, chambre des appels de police correctionnelle, a, le 25 fév. 1853, déchargé Crespel des condamnations contre lui pronon

[ocr errors]

actuel porté devant le tribunal civil d'Arras, une exception de chose jugée ;-Qu'en effet, la demande en dommages-intérêts pour contrefaçon est fondée sur la même cause (les brevets), entre les mêmes parties, en la même qualité;-Attendu que les brevets n'existant pas à l'égard de Crespel-Dellisse, celui-ci a pu fabriquer des turbines, les employer ou les vendre sans qu'on puisse l'accuser de contrefaçon ;- En ce qui touche Leyvratz et comp., attendu que les turbines, objets de la saisie, ont été apportées dans la Société par CrespelDellisse;-Attendu que, les tenant d'une personne qui avait le droit de les fabriquer et de les vendre, la société ne peut être poursuivie pour contrefaçon ;-Attendu que la possession licite de l'instrument emporte la faculté de s'en servir;-Emendant quant à ce, déclare Rholfs, Seyrig et comp., mal fondés vis-à-vis Leyvratz et comp., ordonne que le surplus du jugement sortira effet, etc. »

POURVOI en cassation par les sieurs Rohlfs, Seyrig et comp., pour violation de l'art. 360, Cod. inst. crim., fausse application et violation de l'art. 1351, Cod. Nap. 1° en ce que l'arrêt attaqué a fait résulter la déchéance et la nullité des brevets des demandeurs, tl'une manière générale et absolue, au profit du sieur CrespelDellisse, et pour tous faits de contrefaçon émanés de ce dernier, d'un arrêt de police correctionnelle n'ayant eu et ne pouvant avoir pour effet que de prononcer l'acquittement du sieur Crespel-Delisse, relativement à des faits de contrefaçon antérieurs audit arrêt, et non pas de constituer à son profit, pour l'avenir, une fin de non-recevoir relativement à des faits ultérieurs; 2o En ce que le même arrêt avait fait participer au bénéfice de cette prétendue chose jugée avec le sieur Crespel-Dellisse, un tiers qui n'était pas en cause avec ce dernier, et qui avait commis personnellement des faits de contrefaçon.

cées, et, faisant droit, déclaré déchu le brevet | du 21 oct. 1847, et nuls ceux des 25 oct. 1848, 17 juill. 1849, 23 mars 1850 et 17 fév. 1851, en ce que ces cinq brevets ont de relatif à la purgation et au clairçage des sucres, sauf toutefois dans la partie de ces brevets qui concerne le cône placé au fond de la turbine des plaignants; renvoyé Crespel-Dellisse des fins de la prévention sans frais; condamné Rohlfs, Seyrig et consorts, à la somme de 15,000 de dommages et intérêts, et sur les autres fins et conclusions des parties, les a mises hors de cause ;-Attendu que ce dispositif est en parfaite harmonie avec les conclusions posées devant la Cour par Crespel, Dellisse, reprises en tête de l'arrêt,et qui tendaient à l'infirmation du jugement, au renvoi des fins de la poursuite et à la nullité des brevets des demandeurs;-Attendu qu'il importe peu que la demande en nullité et en déchéance des brevets ait été opposée comme exception à l'action principale; qu'elle n'en forme pas moins une demande distincte de celle-ci, sur laquelle le juge était appelé à prononcer; Attendu qu'il a non-seulement renvoyé Crespel-Dellisse des fins de la poursuite; mais qu'il a encore, par un chef spécial de son dispositif, prononcé vis-à-vis de Crespel la déchéance et la nullité des brevets d'une manière générale et absolue; - Attendu que les expressions dont il s'est servi ne présentent ni ambiguïté ni obscurité; -Que l'on ne peut arbitrairement restreindre la portée du dispositif et soutenir que la déchéance et la nullité ne sont prononcées que relativement aux quatre turbines, dont deux seulement étaient en activité et deux en construction lors de la saisie; qu'en effet, la Cour a motivé la condamnation aux dommages-intérêts sur la privation qu'avait éprouvée Crespel-Dellisse, pendant plus de deux années, de se servir dans ses nombreux établissements d'appareils dont les avantages étaient universellement reconnus ;-Attendu qu'en vain on soutiendrait que le juge a excédé sa compéLA COUR;- Vu l'art. 360, Cod. inst. crim., tence, en statuant ainsi qu'il l'a fait; que même, et l'art. 1351,Cod. Nap.;-Attendu que, quand, dans cette hypothèse, l'arrêt de la Cour de aux termes de l'art. 46 de la loi du 5 juill. 1844, Paris, déféré à la Cour de cassation et main- le tribunal correctionnel, saisi d'une action tenu par elle, a pour les parties l'autorité d'un pour délit de contrefaçon, statue sur les excepcontrat irrévocable et reste leur loi dans toute tions que le prévenu tire, soit de la nullité ou sa force et sa portée ;-Attendu, du reste, que de la déchéance du brevet, soit des questions la Cour de Paris n'a nullement outrepassé ses relatives à la propriété dudit brevet, il ne fait droits et s'est conformée, au contraire, au qu'apprécier, au point de vue de la prévention, prescrit de l'art. 46 de la loi du 5 juill. 1844; un moyen de défense qui est opposé à l'action Attendu que, par cette disposition, le légis correctionnelle; — Que la décision qu'il rend lateur, pour éviter un circuit d'actions, a con- sur ce moyen de défense ne s'étend pas au delà féré aux tribunaux correctionnels un droit qui du fait incriminé;-Qu'en cette matière, comme auparavant n'appartenait qu'aux tribunaux ci- en toute autre, le tribunal correctionnel n'est vils, et leur a permis de statuer sur les ques-juge de l'exception que dans la mesure et les tions de nullité, de déchéance ou de propriété limites de l'action; - Que, poursuivi une predu brevet ; - Attendu que le juge correction-mière fois devant la juridiction correctionnelle nel ayant prononcé dans la plenitude de son droit,entre Crespel-Dellisse, d'une part, Rohlfs, Seyrig et comp., d'autre part, la nullité et la déchéance des brevets de ces derniers, il en résulte pour Crespel-Dellisse, dans le débat

ARRÊT (après délib. en ch. du cons.).

pour délit de contrefaçon de turbines, appareils à force centrifuge destinés à l'épuration des sucres, Crespel-Dellisse a opposé la déchéance et la nullité des brevets obtenus par la société Rohlfs, Seyrig et comp.;-Que cette exception

« PreviousContinue »