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Considérations générales sur les entreprises de la Cour de Rome.

Nous nous proposons de recueillir dans ce volume quelques monumens de l'ambition de la cour romaine, et de la résistance honorable que l'église gallicane n'a cessé d'opposer aux entreprises des papes.

Les sept premiers siècles du christianisme ne nous fourniront aucun acte authentique en faveur de la puissance pontificale. Durant sept cents ans, l'évêque de Rome ne fut que le premier évêque de la chrétienté: il n'était tenté de se regarder ni comme le monarque absolu de l'église, ni comme le supérieur et le juge des rois de la terre. Les lois ecclésiastiques émanaient des conciles, surtout des conciles généraux; et

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l'autorité civile, pleinement libre et indépendante, obtenait du clergé, des synodes, des papes, les hommages et l'obéissance qui lui sont dus. Tel fut, en ces premiers temps, l'esprit de l'église: c'était le résultat des maximes établies dans l'Évangile, et dans les écrits des apôtres.

Il ne s'est point fait, dans le huitième siècle, de révélation nouvelle; Jésus-Christ n'est pas venu dire aux pontifes : « Soyez les rivaux des » empereurs (1), et faites-vous rendre ce qui » est dû à César (2); exercez sur les clercs une » domination tyrannique (3); amassez des tré»sors; que les peuples et les rois soient vos >> tributaires. » Saint Paul n'est pas venu nous prescrire de ne jamais résister aux successeurs de saint Pierre, d'adorer leurs vains caprices, et d'enfreindre à leur profit les lois qui régissent et maintiennent les empires.

Sans doute, ce qui s'est pratiqué, durant les sept siècles où l'église a le plus brillé du pur éclat des vertus chrétiennes, est préférable aux abus qui ont altéré plus tard ses institutions primitives, terni sa gloire et dépravé ses pon

(1) Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic.” (2) Reddite quæ sunt Cæsaris, Cæsari.

(3) Neque ut dominantes in cleris.

tifes. On ne prétendra pas qu'il faille rechercher les véritables principes du ministère ecclésiastique dans la vie de Boniface VIII, ou d'Alexandre VI, ou de Jules II, plutôt que dans les écrits de saint Léon, de saint Augustin, ou de saint Chrysostôme; et il n'y a pas d'apparence que, pour prendre une juste idée du gouvernement de l'église, il faille étudier, loin de l'époque de son établissement, ce qu'on a dit, ce qu'on a fait dans les siècles barbares où régnaient l'ignorance et la corruption la plus grossière.

Voilà néanmoins ce qu'il est rigoureusement nécessaire de soutenir pour défendre les prétentions de la cour de Rome; et voilà ce qu'ont dit en effet les théologiens ultramontains. Ils ont distingué deux états de l'église : état d'adolescence et de faiblesse, quand, persécutée ou protégée par les princes, il fallait bien qu'elle tolérát (1) leur empire, et qu'elle suivit des maximes évangéliques établies pour les besoins d'une telle époque : état de vigueur et de puissance, depuis que, régnant sur de vastes con

(1) C'est le mot qu'emploie Bossuet, en rendant compte de cette opinion des ultramontains. Rectè enim jussam TOLERARE reges, quos compescere infirma non posset. Def. Cl. Gall., p. 11, l. v, c. 17.

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trées, l'église a conquis les nations, couvert les peuples de son ombre, couronné et gouverné les rois. Bossuet daigne combattre cette distinction, ou plutôt, il a honte de se voir contraint à la retracer (1). «Quoi! dit-il, quand » Jésus vous envoie comme des brebis, Jésus » vous recommande seulement d'être agneaux jusqu'à ce que vous soyez assez forts pour » être loups!» Quoi! Jésus se borne à vous conseiller de vous masquer sous des peaux de brebis, afin de tromper et de subjuguer les princes que vous aurez abordés sous un pareil déguisement! Quoi! vous voulez que l'Évangile ne soit qu'un manuel d'hypocrisie et d'imposture! Et vous ne mesurez la prospérité de l'église que par l'opulence de ses ministres, que par le faste de son premier prélat, que par la terreur qu'inspire aux nations et aux souverains l'appareil de la domination pontificale! Lorsque la gloire du christianisme se borne à sanctifier les hommes, à rectifier leurs idées religieuses, à régler leurs habitudes morales; quand son influence ne consiste qu'à civiliser les peuples, qu'à éclairer leurs chefs, qu'à rétablir la concorde au sein des familles ou des provinces; quand les pontifes ne se font admirer que par

(1) PUDET profectò me discriminis illius, etc., ibid.

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