Page images
PDF
EPUB

dont il fait l'histoire. C'est le second argument de Muratori, qui fait observer, en troisième lieu, que, dans cette charte, Louis donne la Sicile et la Calabre, qu'il ne possédait point, et qui appartenaient aux empereurs grecs. Même remarque sur la Corse et sur la Sardaigne, îles que les Français du neuvième siècle ne tenaient point en leur pouvoir, et qui, d'ailleurs, n'ont jamais été regardées, dans le cours des siècles suivans, comme des domaines du saint siége. Ajoutez que ce diplôme donne aux Romains le droit d'élire et de consacrer tout nouveau pape, sans attendre le consentement de l'empereur disposition contraire à l'usage qui s'est maintenu après 817. Enfin, les empereurs Othon I.er et Henri Ier, en confir mant les donations de Pepin et de Charlemagne, ne disent rien de celle de Louis; et le plus ancien auteur qui la cite, est Léon d'Ostie, qui mourut au commencement du douzième siècle. Toutes ces considérations ont déterminé les éditeurs du recueil des monumens de l'histoire de France à rejeter cet acte comme apocryphe (1): ils n'ont pas daigné l'admettre dans leur vaste collection. Le pape Pagi en avait conçu la même idée : cette pièce, disait-.

(1) Recueil des historiens de France, tome VI, pag. 509.

il, est controuvée, comme celle qui porte le nom de Constantin (1).

Voilà pourtant sur quels titres reposaient la puissance temporelle des papes et leurs prétentions à la monarchie universelle. Mais de toutes les impostures qu'ils ont propagées dans le cours du moyen âge, aucune ne leur a plus profité que le recueil des fausses décrétales.

[ocr errors]

« Du temps de Charlemagne, dit Baluze, » on inséra dans le recueil des canons certaines » lettres qu'on attribuait aux plus anciens évê>>ques de Rome, mais que, dans la vérité, » Riculphe, archevêque de Mayence, avait acquises d'un marchand espagnol, et qu'il fit le >> premier circuler dans les églises d'Allemagne, » de France et d'Italie. Dès ce siècle, il y eut >> beaucoup de contestations sur l'autorité de >> ces lettres; les évêques de France les repous>> saient comme inconciliables avec les ancien»nes lois. Cependant la fortune de Rome pré» valut, et l'empire de ces fausses décrétales » s'établit : elles furent employées comme des » pièces authentiques, par la plupart de ceux » qui compilèrent des recueils de canons. Parmi

(1) Donatió quæ à Gratiano dicitur facta ecclesiæ romanæ à Ludovico Pio, non minùs commentitia quàm quæ Constantino Magno affingitur. Crit. Baron. ad annúm 817, p. 7.

>>> ceux qui se sont abstenus d'en faire usage, le » savant Antoine Augustin nous fait remarquer » Raban, d'abord abbé de Fulde, puis arche» vêque de Mayence après Ergerius, et par » conséquent l'un des successeurs de Riculphe. » Mais on voit que ces lettres étaient d'un >> grand poids en 991, c'est-à-dire, au temps » où se tint à Reims un concile contre Arnoul, archevêque de cette ville. >>

L'époque de la fabrication de ces décrétales est donc bien connue; elles sont de la fin du huitième siècle; et voici la doctrine, alors toute nouvelle, qu'elles ont établie.

Isidore, qui les a forgées, donne aux évêques de Rome le titre d'évêques de l'église universelle: il prête à Victor, à Pontien, à Étienne Ier, des écrits où ils prennent cette qualité.

Chez lui, saint Anaclet et saint Marcel exhortent l'évêque d'Antioche à déférer à l'église romaine le jugement de toutes les causes majeures et de toutes les causes difficiles, parce que cette église est établie pour gouverner toutes les autres.

Chez lui, Sixte I.", Anicet, Éleuthère, Victor, Zéphirin, réservent au saint siége le droit de juger les évêques ; il fait écrire par les évêques d'Afrique au pape Damase, que les décrets des saints pères ont attribué au pape la décision de toutes les grandes causes ecclésias

tiques, et il prête à Damase une réponse ainsi

conçue :

<< Vous savez qu'assembler un synode autre» ment que par l'autorité du saint siége, c'est » n'être pas catholique: un évêque ne peut ja» mais être condamné légitimement que dans » un synode synode légitimement convoqué par ordre » du saint siége apostolique. Il n'y a jamais eu » de vrais conciles que ceux qui ont été munis » de l'autorité de l'église romaine. »>

Isidore met le même langage dans la bouche de saint Marcel et de Jules Ier.

Il suppose une épître d'Anthère, où ce pape dit qu'Eusèbe a été, par l'autorité du successeur de saint Pierre, transféré d'un moindre siége à celui d'Alexandrie.

Il emprunte les noms de Sixte Ier., Zéphirin, Fabien, Sixte II, pour établir les appels à l'évêque de Rome. Tous les évêques, fait-il dire à Sixte II, peuvent librement, et toutes les fois qu'ils seront offensés, appeler au saint siége, et y avoir recours comme à une mère, pour être soutenus et délivrés ainsi qu'il s'est pratiqué de tout temps.

C'est par Pélage Ier. qu'Isidore fait statuer que tout métropolitain qui, trois mois après sa consécration, n'aura n'aura pas demandé le pallium au

pape, sera privé de sa dignité.

[blocks in formation]

Sous le nom de Jules Ier., il déclare aux Orientaux qu'il n'est pas permis de s'écarter des coutumes de l'église romaine.

Un savant bénédictin, D. Coustant, fait sur les décrétales d'Isidore les réflexions suivantes : A peine peut-on dire comment les men» songes d'Isidore ont été pernicieux à l'église. >> Ils ont affaibli les nerfs de la discipline, con>> fondu les droits, détruit ou corrompu les lois, » multiplié les troubles et les procès, fondé la >> discorde, qui, à la honte du clergé et au >> scandale des fidèles, a poussé, dans le cours » des siècles, de si énormes rejetons...... Mais >> il n'est pas étonnant qu'au temps d'Isidore on » n'ait pas été précautionné contre une fraude » si grossière. L'antique discipline était déjà » bien altérée, par un effet de cette fatale des>> tinée des choses humaines, qui veut que le >> meilleur établissement n'ait qu'une durée plus » ou moins courte. Joignez à cette cause l'igno>>rance publique au huitième siècle, l'imper>>>fection des connaissances historiques, l'ab>> sence absolue de la saine critique. L'erreur » d'abord cachée, s'est propagée par degrés; » et, sous les auspices de noms imposans, elle » a, durant le sommeil léthargique de nos an» cêtres, affermi son pernicieux empire.

>>

Isidore a pourtant trouvé un apologiste dans

« PreviousContinue »