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Louis XVI délivra des lettres patentes qui en établirent un à Paris, à l'instar de ceux d'Italie, mais sur des bases bien moins larges et moins libérales.

Tels sont les principaux mouvements de la législation charitable des temps antérieurs à 1789. Alors une ère nouvelle se prépara : le progrès des lumières, les enseignements de la philosophie se firent sentir dans les premiers travaux de l'Assemblée constituante, et le rapport du vertueux La Rochefoucault-Liancourt, sur les moyens de détruire la mendicité, est l'expression la plus noble et la plus vraie de la direction des esprits à cette époque, ce qui nous engage à en donner l'analyse.

M. de Liancourt, pénétré de cette idée que le soin de veiller à la subsistance du pauvre n'est pas pour la constitution d'un empire un devoir moins sacré que celui de veiller à la conservation de la propriété du riche, émet ce principe que tout homme a droit à sa subsistance. La société doit pourvoir à la subsistance de tous ceux de ses membres qui pourront en manquer.

Pour donner à cette vérité toute sa force, ajoute-t-il, il faut reconnaître que le travail est le moyen de subsistance qui doit être donné aux pauvres en état de travailler; que le pauvre valide, que le vice éloignerajt du travail, n'a droit qu'à ce qu'il faut strictement de subsistance pour que la société ne se rende pas, en la lui refusant, coupable de sa mort; qu'enfin les pauvres invalides ont droit à des secours complets. Avant de faire connaître son plan pour éteindre la mendicité, M. de Liancourt recherche quelles étaient en France les causes principales de l'indigence.

I regarde la disproportion de la population de la France avec le travail qu'elle lui fournit, comme la cause première et essentielle de l'indigence; et pour particulariser encore plus cette vérité, l'état de l'agriculture en France est la cause de cette pauvreté, car l'agriculture est la première source de richesse d'un grand royaume.

Ainsi l'agriculture, portée au degré d'activité et d'amélioration qu'elle peut avoir chez nous, aurait la plus haute influence sur l'accroissement de la richesse publique, par la #plus grande masse de travail qu'elle fournirait et par la plus grande consommation qui résulterait, et du plus grand nombre de travailleurs et de leur meilleur salaire.

C'est donc d'un système de loi, qui encouragerait l'agriculture, que l'État doit se promettre la diminution de la pauvreté.

Mais l'extension donnée à l'agriculture ne détruira pas complétement la pauvreté. La pauvreté est une maladie inhérente à toute grande société; une bonne constitution, se une administration sage peuvent diminuer son intensité, mais rien malheureusement ne peut la détruire radicalement. Il faut donc venir à son aide; mais il faut, par des lois sages, savoir secourir la pauvreté honnête et malheureuse et réprimer le vice qui, pouvant faire disparaître ses besoins par le travail, vient enlever la subsistance du véritable pauvre, et grossir la classe des vagabonds.

Du travail en abondance à tous ceux qui peuvent travailler, voilà ce que doit la

société.

Le devoir de la société est donc de chercher à prévenir la misère, de la secourir, d'offrir du travail à ceux auxquels il est nécessaire pour vivre, de les y forcer, s'ils s'y refusent, enfin d'assister sans travail ceux à qui l'âge ou les infirmités ôtent tous moyens de s'y livrer. La mendicité n'est un délit que pour celui qui la préfère au travail. M. de Liancourt propose en conséquence d'établir deux divisions de pauvres. La première division comprendrait ceux qui, sans propriétés et sans ressources, veulent acquérir leur subsistance par le travail; ceux auxquels l'àge ne permet pas

encore ou ne permet plus de travailler; enfin, ceux qui sont condamnés à une inactio durable, par la nature de leurs infirmités, ou à une inaction momentanée par des mala dies passagères.

Dans la deuxième division seraient rangés les mauvais pauvres, c'est-à-dire ceu qui, connus sous le nom de mendiants de profession et de vagabonds, se refusant tout travail, troublent l'ordre public, sont un fléau pour la société et appellent sa just sévérité.

Ces deux grandes divisions établies, M. de Liancourt considère le pauvre dans le différentes circonstances de la vie.

Les enfants lui paraissent avoir droit les premiers à l'assistance de la société. Passant ensuite à la pauvreté considérée dans l'âge viril, il pense que la pauvret s'éteint par la propriété et se soulage par le travail; il propose, pour augmenter nombre des propriétaires, de vendre en très-petits lots, suffisants cependant pour fair vivre une famille de cultivateurs, les biens domaniaux et ecclésiastiques dont la natio projette l'aliénation.

Les défrichements, l'amélioration des communes, la plantation des bois, le dessèche ment des marais, les travaux de route offrent les moyens de fournir utilement pou l'État un suffisant salaire à celui qui voudra travailler.

Il fait observer ensuite que les hommes laborieux sont sujets à des maladies passa gères, à des infirmités ; qu'enfin ils deviennent vieux, et qu'alors il faut s'occuper d venir à leur secours.

Il propose d'établir dans les campagnes des médecins, des chirurgiens, des sages femmes pour donner des soins à ces indigents, d'ouvrir dans les villes des hôpitau pour les recevoir.

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Quant aux pauvres infirmes ou vieux, il examinera s'il n'est pas préférable que ceu qui peuvent attendre quelque douceur des soins de leur famille reçoivent dans leur maisons des secours dus par l'État à leurs infirmités, ou s'il conviendrait d'établir de hospices dans les campagnes pour servir d'asile aux cultivateurs, aux ouvriers don l'âge et le travail ont détruit les forces. Enfin il demande s'il ne serait pas possible d ⚫ préparer des retraites pour ceux qui, n'étant pas dans la plus extrême misère, do ‹ vent cependant être secourus dans une partie de leurs besoins, et pourraient de leur <deniers contribuer à une partie de leurs dépenses. On s'occupe en ce moment de réalisation de cette sage pensée, en créant dans les hospices des places que l'on pourra occuper moyennant une modique pension.

Quant à la deuxième division des pauvres, composée des pauvres sans domicile, s refusant au travail et mendiant, il conviendrait de les enfermer dans des maisons d corrections, d'où on aviserait ensuite à les faire passer dans des établissements agricoles formés en colonie.

M. de Liancourt pense que la réalisation de ces projets n'imposera pas de nouvelle charges à la société ; que la réunion de la partie des biens ecclésiastiques nommémer destinés aux aumônes, des biens des hôpitaux et des hospices, des quêtes faites dar les paroisses, des sommes affectées, sous l'ancien régime, aux travaux de charité, au secours pour les hôpitaux, aux dépenses variables dans les provinces, pour enfan trouvés, etc., etc., fournira une somme qui, bien administrée, suffira à tous les besoin des pauvres et remplira, dans cette partie, tous les devoirs de l'État.

Ce projet respire sans doute l'amour de l'humanité; mais les difficultés presque insu

montables qu'il présentait dans l'exécution, effrayèrent l'Assemblée constituante qui ne lui donna aucune suite et qui laissa le soin de régler tout ce qui concernait la législation charitable à la législature suivante. Néanmoins on retrouve les traces qu'ont laissées ses inspirations dans les lois qui furent rendues depuis.

Tout le monde connaît la grandeur gigantesque des projets, des actes et des lois de la Convention. Nous n'avons point à les apprécier, puisque tous ceux qui ont rapport à la législation spéciale, objet de notre ouvrage, y sont soigneusement recueillies et annotées, une grande partie d'entre eux étant encore en vigueur.

Les principes bienfaisants admis à cette époque dans les lois charitables et plus encore la division de la propriété qui répandit l'aisance dans les classes les plus humbles de la société sont les causes qui firent en partie disparaître cette misère hideuse qui, flétrie sous le nom de mendicité, désolait presque constamment la France, malgré les mesures les plus humaines ou les plus sévères prises tour à tour pour éteindre ce fléau. Nous n'avons pas non plus à nous occuper ici des lois charitables rendues sous l'Empire et la Restauration, ces lois se trouvant pour la plupart encore en vigueur aujourd'hui, et régissant la matière, fondues pour ainsi dire avec les lois promulguées depuis la révolution de juillet.

Tel est l'exposé rapide des lois qui furent rendues depuis le sixième siècle jusqu'à nos jours. Si le lecteur veut les comparer à celles qui régissent actuellement cette branche de l'administration publique, il ne tardera pas à se convaincre qu'à aucune époque le bien des pauvres ne fut entouré de plus fortes garanties, ne fut l'objet de soins plus vigilants. De grandes améliorations se sont introduites dans toutes les parties du service charitable; presque toutes les nobles pensées qui nous furent léguées par les siècles précédents ont été accueillies et fécondées; les esprits les plus généreux et les plus distingués s'empressent de toutes parts d'offrir un utile concours à l'administration, et s'il y a encore beaucoup à faire, il est consolant de prévoir le moment où les institutions charitables atteindront le degré de perfection où peuvent s'élever les œuvres des hommes.

LÉGISLATION

CHARITABLE.

1790.

20 avril.-DÉCRET.=Les hôpitaux peuvent continuer | ront tenus de demander des passe-ports, où sera inà gérer provisoirement leurs biens et à percevoir leurs dimes (art. 8).=EXTRAIT.

diquée la route qu'ils devront suivre pour sortir du

Art. 1er. L'administration des biens déclarés, par le decret du 2 novembre dernier, être à la disposition de la nation, sera et demeurera, dès la présente année, confiée aux administrations de département et de district, ou à leurs directoires, sous les règles, les exceptions et les modifications qui seront expli

quées.

royaume.

3. Tout mendiant né dans le royaume, mais non domicilié à Paris depuis six mois, et qui ne voudra pas prendre d'ouvrage, sera tenu de demander un passe port où sera indiquée la route qu'il devra suivre pour se rendre à sa municipalité.

4. Huit jours après la publication du présent décret, tous les pauvres valides trouvés mendiant dans Paris ou dans les départements voisins, seront conduits dans les maisons destinées à les recevoir à différentes distances de la capitale, pour de là, sur les renseignements que donneront leurs différentes déclarations, être renvoyés hors du royaume s'ils sont étrangers, ou, s'ils sont du royaume, dans leurs départements respectifs après leur formation; le tout sur des passeports qui leur seront donnés. Il sera incessamment présenté à l'assemblée un règlement provisoire pour le meilleur régime et la meilleure police de ces maisons, où le bien-être des détenus dépendra particulièrement de leur travail.

8. Sont et demeurent exceptés, quant à présent, des dispositions de l'art. 1er du présent décret, l'ordre de Malte, les fabriques, les hôpitaux, les maisons de charite et autres où sont reçus les malades, les colleges et maisons d'institution, étude et retraite, administrés par des ecclesiastiques ou par des corps seculiers, ainsi que les maisons de religieuses occupées à l'éducation publique et au soulagement des malades; lesquels continueront comme par le passé, et jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par le corps législatif, d'administrer les biens, et de percevoir, durant la présente année seulement, les dimes 5. Il sera en conséquence accordé à chaque dépardont ils jouissent; sauf à pourvoir, s'il y a lieu, pour tement, quand il sera formé, une somme de trente les années suivantes, à l'indemnité que pourrait pré-mille livres pour être employée en travaux utiles. tendre l'ordre de Malte, et à subvenir aux besoins que les autres établissements éprouveraient par la privation

des dimes.

30 mai.—Décret relatif aux mendiants et à l'ouver

ture d'ateliers de secours.

L'assemblée nationale, informée qu'un grand nombre de mendiants étrangers au royaume, abondant de toutes parts dans Paris, y enlèvent journellement les Secours destinés aux pauvres de la capitale et du royaume, et y propagent avec danger l'exemple de la mendicité, qu'elle se propose d'éteindre, a décrété ce qui suit:

Art. 1er. Indépendamment des ateliers déjà ouverts dans Paris, il en sera encore ouvert dans la ville et dans les environs, soit en travaux de terre pour les hmmes, soit en filature pour les femmes et enfants, ou seront reçus tous les pauvres domiciliés dans Paris, ou étrangers à la ville de Paris, mais Français. 2. Tous les mendiants et gens sans aveu étrangers au royaume, non domiciliés à Paris depuis un an, se

6. La déclaration à laquelle seront soumis les mendiants conduits dans ces maisons, sera faite au maire ou autre officier municipal, en présence de deux notables.

7. Il sera accordé trois sous par lieue à tout individu porteur d'un passe-port. Ce secours sera donné par les municipalités successivement, de dix lieues en dix lieues. Le passe-port sera visé par l'officier municipal auquel il sera présenté, et la somme qui y aura été délivrée y sera relatée.

8. Tout homme qui, muni d'un passe-port, s'écartera de la route qu'il doit tenir, ou séjournera dans les lieux de son passage, sera arrêté par les gardes nationales des municipalités, ou par les cavaliers de la maréchaussée des départements, et conduit dans les lieux de dépôt les plus prochains: ceux-ci rendront compte sur-le-champ aux officiers municipaux des lieux

où ces hommes auront été arrêtés et conduits.

9. Les municipalités des départements voisins des frontières seront tenues de prendre les mesures et les moyens ci-dessus énoncés, pour renvoyer hors du royaume les mendiants étrangers sans aveu qui s'y seraient introduits ou tenteraient de s'y introduire.

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