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pitoyables de nostre royaume ont esté cy-devant si mal administrés que plusieurs à qui cette charge a esté commise approprient à eux et appliquent à leur profit la << meilleure partie des revenus d'iceux, et ont quasi aboli le nom d'hospital et d'hos pitalité, etc., défraudant les pauvres de leur due nourriture........ pour y remédier comme vrais conservateurs des biens des pauvres, nous statuons et ordonnons que tous les hospitaux, maladreries, léproseries et autres lieux pitoyables, soit qu'ils soient tenus à titre de bénéfice ou autrement ès villes, bourgades ou villages du royaume, seront désormais régis, gouvernez et de revenu d'iceux administrez par gens de biens, solvables et résidents, deux au moins dans chacun lieu, lesquels se⚫ront élus et commis de trois ans en trois ans par les personnes ecclésiastiques ou laïques à qui par les fondations le droit de présentation, nomination ou provision appartiendra. Ces administrateurs seront destituables, en cas de malversation, sans pouvoir être continuez après lesdits trois ans. ›

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Par une disposition bien digne du noble cœur de l'illustre chancelier, les administrateurs des hôpitaux doivent recevoir gracieusement et faire traiter humainement les malades non-seulement des villes et lieux circonvoisins, mais encore les passants.

C'est l'unique fois sans doute que, dépouillant son austère inflexibilité, la loi s'est exprimée avec tant de douceur.

Les juges de chaque localité doivent tous les ans faire dresser procès-verbal constatant l'état des lieux des hôpitaux et l'envoyer au chancelier. Les administrateurs de ces établissements étaient tenus de rendre compte de leur gestion, chaque année, tant des deniers reçus que des meubles, desquels les nouveaux administrateurs prendront charge sur inventaire signé.

On trouve dans cette dernière disposition le germe heureux de la comptabilité-matières prescrite par l'ordonnance de 1831, et destinée à rendre presque impossible toute espèce de déprédation.

L'ordonnance de Moulins en 1566, plus souvent citée, quoiqu'elle soit, à notre avis, moins remarquable, renouvelle l'ordre aux villes, bourgs et villages de secourir leurs pauvres et défend à ces derniers de demander l'aumône hors du lieu de leur domicile; et à ces fins, seront les habitants tenus de contribuer à la nourriture desdits pauvres, selon leurs facultés, à la diligence des maires, échevins, consuls et marguilliers des paroisses. Cette ordonnance complète l'ensemble de la législation charitable que nous a léguée un des plus grands hommes d'État, une des gloires les plus pures dont s'honore la France. On retrouve dans ces lois justes, bienveillantes et termes, l'homme vertueux qui, sur le déclin d'une vie glorieuse, pouvait dire avec un noble orgueil: « J'ai soutenu les affligés contre ceux qui les voulaient opprimer, les pauvres contre les riches, et les faibles contre les forts.›

Un édit de la même année porte que les effets mobiliers des enfants de l'hôpital du Saint-Esprit qui y décéderont appartiendront audit hôpital.

Le fait le plus intéressant que nous offre l'histoire de la législation charitable après les quarante années qui suivirent l'ordonnance de Moulins, années pendant lesquelles les lois données par L'Hôpital furent toujours en vigueur, est la création, par un édit spécial de Henri IV, d'une maison royale destinée à servir de refuge à ses vieux compagnons d'armes, gentilshommes, capitaines ou soldats estropies, vieux et caducs dont la misère affligeait son cœur. Cette fondation fut établie dans la maison royale de la charité chrétienne, sise au faubourg Saint-Marcel avec toutes ses dépendances et ap

partenances. On retrouve dans cette création la première pensée de la fondation de l'hôtel des Invalides.

Pendant la minorité de Louis XIII, la régente rendit, en 1612, un édit dont le but était la réforme des hôpitaux; une chambre supérieure fut instituée à cet effet, laquelle était composée des magistrats les plus élevés dans l'ordre civil et judiciaire. Les dispositions adoptées par cette chambre pour la réforme des hôpitaux sont fort sages, mais on ne peut louer également celles qui concernent les pauvres. Méconnaissant la tendre charité que L'Hôpital inscrivit dans ses lois, l'édit de Louis XIII, ou plutôt de Marie de Médicis, veut que les pauvres renfermés dans les hôpitaux y soient traités et nourris le plus austèrement possible. Afin de ne les plus entretenir dans leur oisiveté, ils y seront employés à moudre le blé dans des moulins à bras, scier des ais, brasser la bière, battre du ciment et autres ouvrages pénibles. Ils remettront le soir le travail de chaque jour, autrement ils seront châtiés à la discrétion des maîtres.

Ces remèdes violents ne détruisirent pas le mal qu'ils n'attaquaient pas dans sa racine, et la mendicité s'accrut de telle sorte que moins de trente ans après, sous le règne suivant, une véritable armée de mendiants, s'élevant à quarante mille environ, mit le repos et la sécurité de Paris en un tel péril qu'ils y excitèrent jusqu'à huit émeutes dans une année. En présence de semblables désordres, la société tout entière s'émut et les magistrats et les gens de bien se réunirent chez le président de Bellièvre. On jeta, dans ces réunions, les premières bases de l'édit de 1656, édit qui ajoute à la grandeur de Louis XIV la gloire d'avoir donné à la France un code qui, malgré de nombreuses imperfections, n'en est pas moins le premier code hospitalier complet qu'ait possédé notre pays. Dans le préambule de cet édit en 83 articles, le roi déclare que: l'édit du roi son père de 1612 n'a porté qu'un remède impuissant au mal et n'a eu d'effet, encore imparfaitement, que pendant cinq à six ans, tant par le manque d'autorité nécessaire dans les administrateurs des hôpitaux, que par le défaut d'emploi des pauvres dans les œuvres publiques et manufactures.... que par la suite des désordres et le malheur des guerres, le nombre des pauvres s'est accru au-delà de la créance commune et que le mal est devenu plus grand que le remède; que le libertinage des mendiants est venu jusqu'à l'excès par un malheureux abandon à toutes sortes de crimes..... qu'ils vivent dans l'habitude de tous les vices......; c'est pourquoi, voulant témoigner sa reconnaissance à Dieu pour les grâces, etc., par une royale et chrétienne application aux choses qui regardent son honneur et service...... et agissant dans la conduite d'un si grand œuvre non par ordre de police, mais par le seul motif de la charité, voulons, etc.

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L'administration de l'hôpital général, dont le roi lui-même entend être conservateur et protecteur, est composée : 1o d'une sorte de commission administrative à la tête de laquelle étaient placés M. de Bellièvre, premier président au parlement, le procureur général, le surintendant des finances Fouquet, l'archevêque de Paris, le premier président de la cour des aides, le lieutenant de police et le prévôt des marchands;

2o De directeurs et administrateurs dont les pouvoirs étaient tels qu'un magistrat célèbre du siècle suivant déclare qu'il n'y a point de corps dans le royaume auquel lait été donné des pouvoirs aussi étendus. Effectivement ils avaient le droit de recevoir tous dons, legs et gratifications, etc.; d'acquérir, changer, vendre ou aliéner, sans être astreints à aucune formalité, tous héritages, tant fiefs que roture, etc.; d'acquérir des domaines du roi ou de quelque personne que ce soit, de donner et disposer de tous

les biens, meubles et immeubles dudit hôpital, selon qu'ils jugeront à propos..... sans qu'ils en soient responsables, ni tenus d'en rendre aucun compte à quelque personne que ce soit, etc.

Les directeurs étaient nommés à vie, ils avaient tout pouvoir et autorité de direction, administration, connaissance, juridiction, police, correction et châtiment sur tous les pauvres mendiants de la ville et faubourgs de Paris.

Tous les agents, tous les moyens de répression, tels que baillis, sergents des pauvres, archers, gardes, officiers, poteaux, carcan, prison, basses fosses, etc., tout était à leurs ordres pour exercer cette exorbitante autorité.

Ils étaient exemptés de tout service, charge ou contribution; ils avaient le droit de faire des quêtes, d'avoir des troncs, bassins, grandes et petites boîtes dans les églises, carrefours et jusque dans les magasins et boutiques des marchands, enfin dans tous les lieux où l'on peut être excité à faire la charité.

Il fallait que le mal fût bien grand, en effet, pour employer de tels remèdes. Les prêtres chargés du spirituel dans l'hôpital général étaient, à l'égard de la police, dans l'entière dépendance des directeurs.

Par cet édit, défense rigoureuse était faite de mendier ni en secret ni en public, sous peine du fouet pour la première fois et des galères pour la seconde.

Les pauvres étaient divisés en deux catégories : la première renfermait les pères de famille et les pauvres honteux assistés des paroisses, auxquels on devait accorder des secours à domicile; tous les autres étaient dans la seconde catégorie et devaient être renfermés dans l'hôpital général, occupés à des travaux manuels suivant leur âge, leur force ou leur sexe. Pour stimuler leur paresse, le tiers du produit de leur travail devait leur appartenir et les deux autres tiers revenaient à l'hôpital. Cette disposition, tout à la fois humaine et sage, est restée dans nos lois.

Pour subvenir aux frais de cet établissement gigantesque (il comprenait cinq établissements autrefois distincts, la Pitié, le Refuge, les maisons et hôpital de Scipion, la Savonnerie de Chaillot et Bicêtre et ses dépendances), des priviléges immenses, des libéralités inouïes lui furent accordés; les quêtes, les dons, les aumônes, les legs, les amendes, les confiscations, dotèrent et enrichirent l'hôpital général. Chacun, de gré ou de force, apporta son tribut, depuis le roi jusqu'au plus humble artisan. Tout devint occasion de libéralité pour l'hôpital, de privilége pour ses moindres employés. Le droit établi, en faveur des pauvres, de la levée du sixième en sus du prix des billets d'entrée dans les spectacles, vint se joindre aux dotations de l'hôpital général.

Les biens et effets des pauvres qui décèdent dans les hospices, jusqu'alors rendus à leurs familles, sont dévolus à l'hôpital général.

D'un autre côté, la défense remarquable du roi Jean, de faire l'aumône manuellement, est renouvelée et fort étendue, puisqu'il s'y joint une pénalité et qu'on inflige une forte amende aux transgresseurs.

On doit aussi à Louis XIV les dispositions réglementaires pour le service de santé des militaires malades traités dans les hôpitaux civils, dispositions à peu près analogues à celles encore en vigueur aujourd'hui. Enfin, étendant sa sollicitude à la classe si malheureuse des enfants trouvés, Louis XIV prit sous sa protection un établissement déjà formé, et sur lequel nous allons arrêter quelques instants l'attention de nos lecteurs. Déjà, dans les siècles antérieurs, Jean II, Charles VI, François Ier et Louis XIII avaient fondé plusieurs établissements destinés, les uns aux enfants orphelins nés en légitime

mariage, les autres aux enfants orphelins de père et mère étrangers morts dans les hôpitaux. Mais ces fondations, restreintes tout à la fois dans le but, le nombre et les moyens, n'étaient que de simples essais, n'apportant aucun soulagement aux malheurs des pauvres enfants, tristes fruits de l'inconduite et de la misère, dont la vie était inhumainement sacrifiée par des expositions si barbares (1) que des lettres patentes de Louis XIV, faisant un don à l'hôpital général, déclarent que de ces enfants il serait presque impossible d'en trouver un bien petit nombre, depuis plusieurs années, qui ait été garanti de la mort. >

L'horrible destin de ces innocentes créatures toucha d'une généreuse compassion le cœur paternel de Vincent de Paule dont les prédications, les travaux, les sacrifices furent à la fin couronnés par le succès, et la maison que, de son vivant, il avait instituée fut, après sa mort, adoptée et dotée par le roi qui lui conféra, par un édit, le nom d'Hôpital des Enfants Trouvés; ‹ étant bien aise de conserver et maintenir un si bon œuvre ‹ et de l'établir le plus solidement possible. » Là, ces infortunés étaient admis sans distinction, et leur sort devint l'objet de la sollicitude des législateurs; soît pour leur entretien auquel il fut généreusement pourvu, soit pour organiser les soins, la protection, la tutelle qui devaient les suivre jusqu'à 25 ans.

On reconnaît dans les règlements donnés à l'Hôpital des Enfants Trouvés, sinon la main, du moins l'influence charitable et compatissante de celui qui inspira et sollicita cette création.

Voici les principaux règlements qui furent rédigés dans l'intérêt de ce service. Les administrateurs devaient visiter toutes les semaines les registres sur lesquels étaient inscrits les noms des enfants admis dans l'hôpital, et en parafer les feuilles, examiner tous les mois les recettes et les dépenses. Les dames de charité devaient visiter les enfants le plus souvent possible; veiller à ce que les sœurs de la Charité les servissent bien et en prissent tous les soins convenables; avoir soin que les sœurs visitassent souvent les enfants mis en nourrice hors l'hôpital, faire les marchés, acheter les toiles et tout ce qui concerne les habillements des enfants avec l'argent que les administrateurs devaient leur remettre à cet effet.

Les dames de charité qui avaient des terres furent suppliées de visiter les nourrissons qui se trouvaient dans leur voisinage.

Une maison de convalescents fut affectée au service des enfants trouvés.

Des récompenses étaient offertes aux nourrices, afin de les attirer, et surtout de les altacher aux enfants. Cette sage disposition a été conservée dans nos lois.

Les prix des mois de nourrice étaient de huit livres pour le premier mois de la vie. de l'enfant, sept livres du premier mois à un an, six livres d'un an à deux, et cinq livres de cet âge à sept ans, époque à laquelle finissait le sevrage.

Cette dépense diminuait ensuite; on payait seulement quarante livres par an pour ces enfants, cette pension était conservée aux filles jusqu'à ce qu'elles eussent accompli lear seizième année; elle ne durait pour les garçons que jusqu'à leur quinzième année. Ils étaient alors présumés en état de rendre service à ceux qui s'en chargeaient, et auxquels ils devaient être soumis et obéissants comme à leurs père et mère.>

Les enfants engagés d'abord jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, condition qui fut ensuite

1) A cette époque, on vendait presque publiquement les enfants nouveau-nés, et le prix en était de

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réduite à celui de vingt ans, comme plus équitable, devaient recevoir, au sortir de c temps d'engagement, des personnes au service desquelles ils étaient engagés, un trous seau complet et fixé, plus une somme d'argent qui fut d'abord de trois cents livres, pui réduite à deux cents.

Par cette fondation fut complété l'ensemble d'un code qui, s'il ne fut pas le meilleu possible, était peut-être alors le seul possible.

Quoi qu'il en soit, les mesures prises pour la répression de la mendicité eurent u succès momentané si complet que Paris, dit un historien, changea de face le jour d l'installation de l'hôpital général. Mais ce succès dura peu ; une foule de mendiants ac courus des provinces vinrent remplacer promptement ceux que la vigilance des direc teurs avait ou emprisonnés ou fait changer de conduite, par la crainte qu'ils inspiraient Les désordres se renouvelèrent et s'accrurent à ce point qu'un archer de l'hôpital fu tué en faisant son devoir par un soldat aux gardes françaises. Plusieurs individus furen pendus ou condamnés aux galères par arrêt du parlement, qui intervint. Une ordon nance du duc de Grammont défend aux soldats de son régiment d'insulter les archer de l'hôpital. Enfin, la déclaration de 1662, en étendant l'ordonnance dite de l'hôpita général à la France entière, mit encore une fois un terme aux désordres causés par le mendiants, qui poussaient l'horreur du travail à ce point que, dans une épidémie qu ravagea les campagnes, les laboureurs malades ne purent, à aucun prix, se procurer de bras pour rentrer les moissons abandonnées dans les champs.

Les mesures employées pour la répression de la mendicité, efficaces dans les temps of le travail peut assurer au mendiant totalité ou portion de sa subsistance, soit en liberté soit dans les établissements spéciaux, devinrent tout à fait insuffisantes à ces époque désastreuses, où la misère atteignit même les classes aisées. Ainsi les années 1699, 1700, e surtout la fatale année de 1709, rendirent la misère si générale que Vauban écrivait : « Qu ⚫le dixième au moins de la population du royaume était réduit à la mendicité et men <diait effectivement. Toutes les ressources furent employées alors; on établit, o doubla plusieurs impôts, et l'on fut forcé de vendre même les fonds de l'Hôtel-Dieu pour venir au secours des pauvres.

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Après ces temps malheureux, on respira. Les mesures rigoureuses prises contre l mendicité, et qui furent constamment soutenues et confirmées par les parlements, pa raissent avoir, en partie, atteint leur but.

Le régent et Louis XV, dans le siècle suivant, semblent avoir porté une attention spé ciale sur la classe toujours si intéressante des enfants trouvés. Parmi les actes destiné à améliorer leur sort, nous citerons seulement une disposition prise par le duc de Choi seul, disposition qui nous paraît importante et regrettable.

Pour faciliter le placement des enfants trouvés du sexe masculin, elle permettait à ce enfants de tirer au sort à la milice au lieu et place de pareil nombre d'enfants, frères o neveux des chefs de famille qui les avaient élevés gratuitement depuis leur enfance.

Plusieurs édits du roi et arrêts des parlements maintinrent du reste en vigueur, jus qu'en 1789, la législation donnée par Louis XIV.

Une nouvelle institution, due à Louis XVI, complétera, en le terminant, l'esquisse d tableau de la législation charitable des siècles antérieurs; nous voulons parler de l'orga nisation des monts-de-piété en France.

Plusieurs établissements de ce genre, qui existaient dans des villes conquises, avaien été sanctionnés, mais aucun n'avait été créé. Ce ne fut qu'en 1777, le 9 décembre, qu

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