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ET

DE L'ÉGLISE GRECQUE

DE CONSTANTINOPLE.

L'Eglise d'Orient, depuis sa séparation d'avec Rome, avait continué à reconnaître quatre patriarcats, conformément aux décisions du concile de Chalcédoine, en 451: ceux d'Alexandrie, d'Antioche, de Jérusalem et de Constantinople. Quoique ces quatre siéges fussent égaux en principe, la présence du trône impérial, et plus tard les priviléges concédés à Gennadius et à ses successeurs par le khatti-chérif de Mohammed II, assurèrent la suprématie à celui de Constantinople, bien que le moins ancien. Nous voyons, d'après un passage de la Turco-Græcia, qu'à la fin du 16° siècle le patriarche de Constantinople étendait sa juridiction sur tous les chrétiens du rit oriental. Il était reconnu comme seul œcuménique par les trois patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, qui, néanmoins, lui donnaient le titre de frère et de collègue. Les Eglises de l'Asie-Mineure, de la Grèce, des îles de la mer Egée, des deux Mosies, des contrées situées au-delà du Danube, de la Russie même, lui étaient soumises 1. Les vicissitudes de ces Eglises suivirent celles des Etats

Auctoritas patriarchæ Constantinopolitani maxima est. Eum enim tanquam solum vere œcumenicum reliqui tres Alexandrinus, Antiochæus et Hierosolymitanus, venerantur. Gubernat ecclesias Asia minoris, insularum Egei maris, totius Græciæ, Mosiæ superioris et inferioris, Valachiæ, Moldaviæ, Moscoviæ. In his solidam potestatem habet metropolitas, archiepiscopos et episcopos creandi et deponendi. (Crusii TurcoGræcia, p. 197.)

dont elles faisaient partie. Les uns, en secouant le joug de la Turquie, les autres, à mesure qu'ils acquéraient une prépondérance politique qu'ils n'avaient pas eue jusquelà, se déclarèrent indépendants du siége œcuménique. C'est ainsi que Pierre-le-Grand proclama, en 1724, l'autonomie religieuse de sa nation, et plaça le clergé russe sous la dépendance d'un synode particulier, dont il était le chef titulaire 1. L'Eglise hellénique, qui s'était déclarée indépendante (aroxépov) dès la réunion de la première assemblée de Calamata (1821), a fait reconnaître tout récemment cette indépendance par un statut du saint synode de Constantinople, daté du 29 juin (11 juillet) 1850. Les îles Ioniennes, placées sous la protection de l'Angleterre, la Serbie autrichienne (partie de l'ancienne Mosie), qui forme huit évêchés suffragants de l'archevêque de Carlowitz, ont cessé également de relever du siége œcuménique. Dans la Turquie même, les métropolitains de Serbie, de Valachie et de Moldavie se regardent comme indépendants, bien qu'ils reçoivent leur bulle d'investiture du patriarche de Constantinople et lui paient un léger tribut lors de leur installation; en sorte qu'aujourd'hui l'autorité de ce dernier est renfermée dans les limites de la Roumélie, de la Thrace, de l'Asie-Mineure, de la Syrie et de l'Egypte.

Ainsi envisagée, l'Eglise grecque de Turquie nous apparaît comme une monarchie constitutionnelle, dans laquelle les deux grands pouvoirs de l'Etat sont représentés par le saint synode et par le patriarche de Constantinople.

Le clergé græco-russe dépendant du saint synode que dirige le colonel Protasoff comprend 108,456 ecclésiastiques. Il est réparti dans 56 diocèses, divisés en trois classes: 4 métropoles, 16 archevêchés, 26 évêchés. Le total de ses revenus monte à 8,175,052 fr. (L'Eglise russe, d'après les relations récentes du prétendu saint synode; Paris, 1846.)

DU SAINT SYNODE ET DU PATRIARCHE.

Le saint synode a le gouvernement spirituel et temporel de l'Eglise et de la nation. Il s'assemble à jour fixe dans une salle du patriarcat (synodikon). Ses décisions sont souveraines en matière de foi et de discipline; de plus, il nomme à toutes les éparchies, ou diocèses, vacantes dans la juridiction du patriarcat de Constantinople, connaît en appel de tous les jugements rendus par les évêques dans leurs diocèses, surveille et dirige les écoles, prend toutes les mesures d'intérêt général, et reçoit chaque année les comptes de la commission chargée d'administrer les dépenses et les revenus de la communauté.

Ces revenus sont de deux sortes : les uns consistent dans la redevance annuelle due par chaque métropolitain, ou évêque, d'après le nombre de familles composant son diocèse; les autres proviennent de la vente des prélatures dont le prix est proportionné à l'étendue et à la richesse de chaque éparchie. Le montant de ces divers revenus est versé dans la caisse du patriarcat, ou caisse commune, qui forme à la fois le trésor public de l'Eglise et de la nation.

C'est encore le synode qui, avec l'adjonction des délégués de la nation, élit et dépose le patriarche.

Le synode est composé des douze métropolitains de Césarée, d'Ephèse, de Nicomédie, d'Héraclée, de Salonique, de Chalcédoine, de Dercon, d'Andrinople, de Nicée, de Tirnova, de Cyzique, d'Amasie, sous la présidence du patriarche. Trois membres laïques, MM. Aristarchi, grand logothète, l'ex-prince de Samos, Vogoridis, et Psycharis, y ont été adjoints en 1847, à la suite d'un bouïouroudi de la Porte, malgré les réclamations du patriarche et des évêques qui repoussaient cette innovation comme contraire aux saints canons et aux immunités du siége œcuménique. Toutefois, ils ne concourent pas directement à l'élection des archevêques. Quant au nom

bre de ces derniers dans le synode, il n'a rien de fixe, et même l'usage veut que dans toutes les décisions un peu importantes, l'on y appelle le patriarche et tous les évêques présents à Constantinople. C'est ainsi que le statut synodal dont j'ai parlé plus haut, qui reconnaît l'indépendance de l'Eglise hellénique, porte la signature de cinq ex-patriarches de Constantinople, du patriarche de Jérusalem et de quatorze métropolitains, ou évêqués.

Les titres du patriarche sont: N..., par la miséricorde de Dieu, archevêque de Constantinople, la nouvelle Rome, et patriarche œcuménique. On se sert, soit en lui parlant, soit en lui écrivant, de la qualification de Sas Panagiotis, « Votre Toute-Sainteté. » Aux trois patriarches d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem, l'on dit et l'on écrit simplement Sas Makariotis, « Votre Béatitude. »

Les prérogatives, de même que les revenus qui composent sa mense, sont relatifs à sa double qualité de chef de l'Eglise et d'évêque de Constantinople. La mense patriarcale est formée, 1° des revenus de sa chancellerie; 2o des sommes payées, à titre de présent, par chaque métropolitain ou archevêque, soit lorsqu'il est promu à un siége vacant, soit lors de l'intronisation du patriarche; 3o de la collation des éphiméries, ou cures dépendant de l'église patriarcale; 4° enfin du produit du droit de 10 p. 100 que le patriarche, en sa qualité de juge civil de son diocèse, prélève sur toutes les causes portées à son tribunal. L'ensemble de tous ces revenus peut monter à 3 ou 400,000 piastres par an.

Le patriarche a dans sa dépendance le clergé laïque ou séculier. L'origine de ce clergé, particulier à l'Eglise d'Orient, remonte bien au-delà de la conquête, lorsque les successeurs de Constantin, empruntant aux Orientaux une foule d'étiquettes somptueuses, multiplièrent les grandes charges de la cour, à mesure que l'empire allait s'affaiblissant. L'Eglise, de son côté, s'entoura d'un nombre considérable de dignitaires, destinés à former

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