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645. La revendication dont il s'agit ici est le droit de reprendre, dans la masse d'un failli, certaines marchandises ou certains effets de commerce qui ne doivent pas faire partie de cette masse, soit parce que ces objets avaient seulement été confiés au failli, soit parce que la propriété ne lui en avait pas été définitivement transmise.

646. Ce droit est exceptionnel : l'exercice en est limité à un petit nombre de cas qui, dans l'esprit de la loi doivent être plutôt restreints qu'étendus.

647. Avant le Code de commerce. les actions revendicatoires étaient accueillies avec une extrême facilité; en sorte que, dans le commun naufrage, les priviléges accordés à quelques créanciers, plus souvent favorisés par le hasard que garantis par leur prévoyance, rendaient les pertes des autres plus sensibles et plus onéreuses. D'ailleurs, le silence de la législation sur la matière avait laissé s'introduire les usages les plus divers et les plus arbitraires.

648. Lors de la confection du Code de commerce, le droit de revendication donna lieu. à diverses reprises, aux débats les plus approfondis. Les uns demandèrent que l'on consacrât le principe du droit illimité de revendication; d'autres, la reconnaissance de ce droit, mais avec des restrictions; d'autres enfin, la suppression absolue de la revendication. Ce n'est pas ici le lieu ne rappeler les divers projets successivement présentés sur la matière, et les vives discussions qu'ils provoquèrent.

649. Notez que le Code n'embrasse pas tous les cas possibles de revendication. Ii n'a établi, disposé que pour les cas qui se rencontrent le plus fréquemment en matière de faillite, sans déroger aux principes du droit commun dans d'autres circonstances où l'état de faillite ne peut point apporter de modification.

650.-Ainsi la chose prêtée à usage au failli, celle qu'il a trouvée, ou dont il s'est mis indûment en possession, celle qui lui a été donnée en nantissement, en un mot, toutes les choses sur lesquelles le droit de propriété des tiers est établi, peuvent être revendiquées sur le failli, comme elles l'auraient été sur toute autre personne on ne pourrait raisonnablement invoquer le silence de la loi comme une prohibition.

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De la revendication des marchandises vendues.

651. · Du privilège en concours avec la revendication. Le vendeur peut, en cas de faillite, revendiquer les marchandises par lui vendues et livrées, et dont le prix ne lui a pas été payé, dans les cas et aux conditions ci-après exprimées (576).

652. Le vendeur a-t-il, en outre, le privilége conféré au vendeur par l'art. 2102 C. civ.? — Oui, parce que cet article s'applique aux matières commerciales comme aux matières civiles (Persil, des Hypoth., sur l'art. 2102. § 4). - Non, parce qu'il doit y avoir égalité en cas de faillite, et que le but de la loi, qui tend à restreindre la revendication, serait manqué, si le vendeur auquel on refuserait sa marchandise, en retrouvait l'équivalent dans le recouvrement exclusif du prix (Tarrible; Merl., Rep., vo Privilége de créance, et Quest., vo Privilége; Fav., vo Faillite; Gren., Tr. des hypoth., t. 2, p. 42).

Suivant Pardessus, t. 4, p. 562 et 498, les princípes du Code civil sur les priviléges ne s'appliquent qu'aux choses qui n'ont pas été achetées par le failli pour son commerce, telles que meubles, glaces, instruments aratoires; et au contraire, quand il s'agit de marchandises, la revendication est le seul droit qui appartienne au vendeur (Conf. Boulay, t. 2, p. 20 et 330, et Vincens, t. 1er. p. 506).- Dalloz fait une autre distinction : dans, les engagements entre commerçants d'objets destinés au négoce, il n'admet que la revendication. - Il ne l'admet pas si les objets ne sont point destinés au négoce, ou s'ils sont vendus par un non commerçant.

655.-Jugé (conformement à la distinction adoptée par Dalloz), 1o qu'un menusier non commerçant peut exercer, dans la faillite, le privilége de l'article 2102. V. Acte de commerce.

654. 20 Que le propriétaire qui vend une coupe de bois à un négociant, ne fait point un acte de commerce; en telle sorte que si les bois ont été enlevés de la forêt et transportés sur le port pour être vendus, ou même s'ils ont été convertis en charbon, le propriétaire non payé peut exercer son privilége sur ces objets, sans qu'on soit fondé à lui opposer que l'acheteur est tombé en faillite depuis la vente, et qu'il faut appliquer à ce cas les principes de la revendication. 6 fév. 1819, Dijon; 16 déc. 1820, Liége.

655.3 Que le vendeur non commerçant, non payé des objets par lui vendus à un commerçant, depuis tombé en faillite, est fondé à exercer contre ce dernier, non seulement l'action en revendication, mais encore le privilége de l'art. 2102 C. civ. — 28 déc. 1829, Nanci.

656. Et la circonstance que des objets vendus et non payés auraient été dénaturés, comme si des bois avaient été convertis en charbon, ne met pas obstacle à l'exercice du privilége du vendeur non payé. sur ces bois, alors d'ailleurs que l'identité des bois est constante. Mème arrêt.

657.-4o Que dans le cas d'une vente, même entre commerçants, le vendeur d'objets mobiliers reconnaissables, non destinés à être manufacturés, et qui ne changent pas de nature par l'usage, par exemple, d'une tondeuse pour la fabrication des draps a sur le prix de cette chose qui se trouve dans les mains du débiteur au jour de la faillite de celui-ci, le privilége établi par l'art. 2102 C. civ.: on soutiendrait vainement qu'il ne peut exercer ses droits que par voie de revendication commerciale, s'il y a lieu. — 13 janv. 1824, Rouen.

658. 50 Que des meubles destinés à meubler un hôtel garni ne sont pas des marchandises, dans le sens de l'art. 579 C. comm.. et le commerçant, vendeur de ces effets non payés, peut exercer, dans la faillite de l'acheteur, sur le prix de ces meubles, le privilége de l'art. 2102. - 25 juin 1851, Paris.

659. Le vendeur d'un fonds de commerce peutil. en cas de faillite de l'acheteur, exercer un privilege sur le prix du fonds, et, à défaut, faire résilier le contrat? Il n'a ni privilége, niaction en résiliation. La vente d'un fonds de commmerce est, tant à l'égard du vendeur qu'à l'égard de l'acquéreur, un acte de commerce (V. Acte de commerce), qui, à ce titre, rentre dans la catégorie de ceux qui sont soumis aux règles sur les faillites.-Dalloz, n. 1057. 660. Des personnes qui peuvent revendiquer, et de l'époque où s'ouvre le droit de revendication. — La loi ne se sert que du mot vendeur ; cependant, quelque restrictive que doive être l'interprétation en cette matière, comme avant tout elle doit être vraie, on ne saurait, ce semble, dénier le droit de revendication à toute personne exerçant les droits du vendeur. Dalloz, n. 1061.

661.- Ainsi, l'héritier, le cessionnaire, les créanciers du vendeur tombé en faillite, les liquidateurs d'une société, représentent leur auteur, et il n'y a nulle raison de leur refuser le droit dont il s'agit. - Dalloz, n. 1062.

662. - Mais des associés en participation peuventils revendiquer dans la faillite de leur coparticipant, gérant de la société, les marchandises de la participation? Oui, le failli n'a que son intérêt dans l'association; s'il devient incapable d'en gérer les affaires, ses coassociés ne doivent pas pour cela subir de plus grandes pertes que celles qu'entraîneront les opérations de la société. La liquidation doit donc se faire dans l'intérêt commun; il faut. dès lors, que les marchandises soient vendues, et par conséquent elles peuvent être revendiquées.

665.Seulement, si, en définitive, l'association est en perte, et que les coparticipants aient un recours à exercer contre le failli, ils viendront comme tous les autres créanciers, prendre, au mare le franc, dans l'actif de la faillite. — 21 avril 1810, Rouen.

664. — Cependant le négociant qui a acheté, payé de ses fonds et expédié à un autre négociant, des marchandises pour être vendues de compte à demi, ne peat, en cas de faillite de ce dernier, revendiquer la totalité des marchandises existantes en nature, ni imputer sur la part du failli ce que celui-ci a touché du prix des marchandises vendues par lui; mais il a seulement un droit de revendication pour la moitie des marchandises existantes, et le droit de concourir à la masse pour la moitié du prix des marchandises vendues.-10 nov. 1820, Bruxelles.

665. — Cette décision semble contrarier la précédente; mais il faut considérer les circonstances de la cause: la société en participation n'était rien moins que constante, et d'ailleurs le demandeur en revendication prétendait à la restitution de la totalité des marchandises, comme étant sa propriété, parce qu'il en avait fait les avances; il se refusait à être associé. et la cour ne l'a considéré que comme un acheteur pour compte; or, les marchandises étant entrées dans les magasins du failli, elle a rejeté la revendication. Dalloz, n. 1067.

666. — Le commissionnaire qui a été chargé par son commeitant d'acheter des marchandises, et qui a fait les avances, peut revendiquer ces marchandises lorsqu'il se trouve dans les circonstances voulues par la loi. - 14 nov. 1810, Civ. c. Colmar. 4 janv. 1825, Rouen.

667. Ce n'est pas à dire cependant qu'il faille considérer le commissionnaire comme vendeur des marchandises achetées d'ordre de son commettant, mais seulement comme subrogé aux droits du vendeur originaire, et par suite tenant de lui l'action en revendication. La qualité de vendeur serait repoussée par la nature du contrat de commission, le seul contrat existant entre le commissionnaire et le commettant ; et la subrogation en est, au contraire, une conséquence directe.

Jugé, en conséquence du même principe, que le commissionnaire qui a revendiqué les marchandises par lui adressées à un commerçant tombé en faillite depuis l'envoi, ne peut, pas plus que ne le pourrait le vendeur lui-même, réclamer du failli destinataire les droits de commission qui, sans l'événement de la faillite, lui auraient été dus à raison du mandat. — 21 février 1828. Req. Paris.

668. - La subrogation une fois admise, il est évident qu'un second commissionnaire qui aurait, d'ordre de l'acheteur, désintéressé le premier, serait également subrogé à son droit, et pourrait aussi exercer la revendication.

669. Mais il en serait différemment à l'égard d'un simple prêteur qui aurait avancé à l'acheteur lui-même ou à son mandataire les fonds nécessaires pour faire l'achat des marchandises.

670.- Fût-il constant que le vendeur a été payé avec les deniers prêtés, le prèteur n'aurait qu'une action personnelle contre l'acheteur. Ib.

671. Quand s'ouvre le droit de revendication? Il faut qu'il y ait faillite de l'acheteur; mais il n'est pas besoin qu'elle soit déclarée. Une suspension de payement notoire, une clôture de magasin, donneraient lieu à la revendication. - Dalioz, n. 1073.

672. Un simple refus de payement de la marchandise, quelques présomptions même de dérangement d'affaires, n'autoriseraient pas une demande qui ne peut s'ouvrir que dans l'état de faillite, lequel n'existe qu'autant qu'il y a cessation de payement, c'est-à-dire, dérangement, non pas présumé, mais patent. Dalloz, n. 1077.

673. Circonstances nécessaires pour qu'il y ait lieu à revendication de marchandises. I faut: 1 qu'il y ait eu vente et Jivraison, et que le prix n'ait pas été payé; 20 que les marchandises soient encore en route, qu'elles ne soient pas entrées dans les magasins du failli ou de son commissionnaire chargé de vendre; 3o que, quoiqu'encore en route, elles n'aient pas été revendues sur connaissement et facture: 4o enfin, que pendant la route, ou dans les magasins du commissionnaire chargé du transport, elles n'aient pas été déballées, changées, etc. L'absence d'une seule de ces conditions mettrait obstacle à la revendication. Dalloz, n. 1079.

674. Première condition: - Vente, livraison et non-payement. La vente, quoique parfaite, n'obligerait pas le vendeur à revendiquer si elle n'avait pas été suivie de livraison. Si le retard dans la mise en possession de l'acheteur provenait du fait du vendeur, celui-ci pourrait sans doute être soumis à des dommages-intérêts pour le préjudice causé par le défaut d'exécution; mais, la faillite arrivant, il serait en droit de conserver ses marchandises sans avoir besoin de les.revendiquer (576).

675. L'expression livraison ne doit s'entendre ici que de la tradition réelle; la tradition feinte ou conventionnelle laissant le vendeur nanti dela chose, ne l'obligerait pas à la revendiquer. Si donc la vente avait été faite en bloc ou à la mesure, avec dégustation ou sur la simple inspection, et si les mar

chandises, pesées, mesurées, dégustées et agréées, étaient néanmoins restées dans les magasins du vendeur, il les conserverait et ne pourrait être contraint de les livrer réellement.

676. Il en serait de même, s'il s'était obligé à les transporter en la possession de l'acheteur. L'obligation de livrer, quoique parfaite du jour du contrat, peut n'être exécutée par le vendeur que lorsque le payement lui est offert. S'il a accordé un terme, pour le payement, il peut, nonobstant ce terme, refuser d'opérer la livraison, quand il est en danger de perdre son prix (C. civ. 1138, 1612. et 1613). 677. Ne doit-on considérer que la tradition réelle, pour savoir s'il y a lieu à la revendication, dans le cas de perte de la chose, arrivée avant ou après la faillite, lorsque le vendeur était encore nanti? Suivant Dalloz, il faut distinguer: si la perte a eu lieu avant la faillite, c'est à la masse à supporter cette perte, encore bien que la livraison n'ait été que feinte ou conventionnelle. à moins que le vendeur ne fût en demeure de livrer réellement. Il en serait de même si l'accident était arrivé après la faillite, mais lorsque le vendeur ignorait encore la position fâcheuse de son acheteur: il était de bonne foi, il ne pensait pas à faire résoudre le contrat.

-678. — Au contraire, ajoute Dalloz, n. 1086, s'il avait connaissance de la faillite, il invoquerait en vain la perfection du contrat, et la délivrance conventionnelle, surtout si le sinistre n'avait pas eu lieu à une époque trop rapprochée de la faillite. On lui opposerait que, quoique la revendication soit facultative, elle était dans son intérêt; que certainement il l'aurait exercée plutôt que de consentir à venir prendre un dividende dans la masse. Du reste, ce serait une question de bonne foi, par conséquent l'appréciation des circonstances serait laissée à la conscience des magistrats. Cette distinction paraît controversable. Le vendeur a pour lui un fait réel, la perfection du contrat; l'acheteur ne raisonne que d'après un fait hypothétique, savoir, que le vendeur, en cas que la chose ne fût pas périe, aurait exercé la revendication.

679. Il n'y a que le vendeur non payé qui puisse revendiquer, sans qu'il y ait lieu de distinguer, comme dans l'ancienne jurisprudence, entre les ventes à termes et celles au comptant. La bénéfice des termes accordés cesse par la faillite.

680. Il est souvent difficile de savoir si un vendeur est payé, et si, par suite, il ne peut revendiquer, lorsque le prétendu payement a été fait, non en numéraire, mais en billets, délégations, effets de commerce à terme. La question est subordonnée au point de savoir s'il y a eu, ou non, novation, ce qu'on ne peut décider qu'en recherchant dans les correspondances, livres, factures, quelle a été l'intention des parties. Quelques exemples donneront lieu d'appliquer les vrais principes.

681. En règlement d'une facture de marchandises, je vous souscris un billet à ordre à un terme plus ou moins long; y a-t-il novation? Non ( pourvu que rien n'indique une intention contraire de notre part); ce n'est là qu'une reconnaissance de ma dette avec indication d'un terme pour le payement, et avec faculté laissée au créancier d'indiquer un tiers qui recevra pour lui, mais ce n'est pas un véritable payement en principe, un effet n'est reçu pour éteindre une dette que sauf encaissement a l'échéance. Le souscripteur du billet est toujours obligé envers le bénéficiaire. - Il n'importe que la facture soit acquittée par un simple acquit, ou par l'indication d'un billet souscrit en règlement : c'est

le fait qu'il faut considérer. Le billet n'est toujours que le règlement de la dette et non une dette nouvelle substituée à l'ancienne. En cas de non payement, soit avant la faillite, soit par suite de faillite, la marchandise peut être revendiquée. Dalloz, n. 1093; Boul., t. 2, p. 349; Pard., t. 4, p. 481, 489. 682. Il n'y a pas novation, ni, par conséquent, obstacle à la revendication de la part du vendeur qui a reçu en payement de marchandises un mandat qui ne se trouve ni échu ni accepté au moment de la faillite de l'acheteur (C. civ. 1273).-6 nov.1823. Req.; 15 mars 1822, Rouen.

683. - Et, en effet, un mandat à vue ou à terme sur un tiers ne contient qu'une désignation de la personne qui doit payer pour le débiteur, ce qui ne constitue pas la novation. Il est dans la nature du mandat de ne lier que le souscripteur. Dans l'usage, il ne s'accepte pas; il se vise, et ce visa n'oblige pas au payement à l'échéance.

684. Du reste, il ne faut pas induire de l'arrêt ci-dessus que si le mandat avait été accepté par celui qui devait le payer, la revendication n'eût pas été admise. Le motif qui a déterminé la cour, c'est qu'un effet de commerce n'est reçu que sauf encaissement. L'acceptation ne fait que donner un obligé de plus au payement du titre : jusqu'à l'encaissement effectif, le tireur n'est point déchargé; l'acceptation n'est donc qu'une libération conditionnelle.

685. Il n'y aurait pas non plus novation, si un acheteur déléguait en payement de marchandises une somme à lui due par un tiers; à moins que la délégation n'eût été acceptée sans garantie par le cédant, et avec stipulation que le cessionnaire ne pourrait recourir contre lui. Boul., t. 2, p. 551; Dalloz, n. 1097.

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686. - Mais si la facture est acquittée purement et simplement, et qu'en payement le vendeur ait reçu des effets souscrits par des tiers à diverses échéances et qu'il les escompte à l'acheteur; si la facture porte l'escompte qu'il est d'usage de faire à ceux qui achètent au comptant, nul doute qu'il y ait novation. - Dalloz, n. 1098.

687. Quid, s'il n'y avait pas eu escompte d'effets, mais si les valeurs données au vendeur émanaient de négociants jouissant, suivant l'expression d'usage, d'un premier crédit? S'il apparaissait parla correspondance ou par toute autre preuve, qu'ayant entendu vendre au comptant, le vendeur a neanmoins reçu les valeurs à lui remises; en les considérant comme numéraire, il aurait fait novation et ne pourrait revendiquer. Dalloz, n. 1100.

688. Mais il en sera autrement, s'il n'y a pas stipulation de vente au comptant; si l'escompte fait par le vendeur est moindre que celui qu'il est d'usage de faire à l'acheteur qui paye en numéraire; s'il n'a rien été dit sur la faveur dont jouissent, aux yeux du vendeur, les signatures données en payement. C'est, si l'on veut, une valeur comptée au vendeur, mais qui ne vaudra payement qu'après encaissement. Cela est si vrai, que pour en faire usage et se procurer des fonds, il faudra supporter un escompte.

689. Souvent le prix d'une vente se règle par des traites tirées soit par l'acheteur à l'ordre du vendeur sur un tiers qui accepte, soit par le vendeur sur l'acheteur lui-même, soit enfin par un tiers à l'ordre du vendeur, sur l'acheteur qui accepte. Dans ces divers cas, à moins de conventions contraires, les parties ne paraissent avoir voulu que régler le mode dont le payement s'effectuera, surtout si, comme cela se pratique, la valeur est stipulée fournie en marchandises du vendeur dont le nom est dési

FAILLITE, BANQUEROUTE, DÉCONFITURE.

gné par des initiales, ou en compte. Le tiers quand c'est lui qui tire à l'ordre du vendeur, n'est fréquemment qu'un prête-nom qui intervient pour rendre le contrat parfait; quand il est l'accepteur, on doit le considérer comme la caution de l'acheteur, ou la personne indiquée par ce dernier pour payer. Il en est si bien ainsi, que l'acheteur reste toujours garant du payement des traites en cas de faillite; le vendeur pourrait donc revendiquer. - Dalloz, n. 1102.

690. Y a t-il novation lorsque le vendeur et l'acheteur ayant l'un chez l'autre des comptes courants, le prix d'une vente de marchandises a été porté, en vertu de la convention, par l'acheteur au crédit du vendeur? Non. suivant Pardessus, t. 4, p. 489. Mais il faut, ce semble, distinguer entre les ventes à terme et celles au comptant. La vente à terme, si le vendeur a consenti à ce que l'acheteur en portât le montant au crédit de son compte, ne figure que provisoirement dans ce crédit; si done l'acheteur fait faillite avant le terme où ce prix devait se confondre avec la masse des créances et produire intérêt, le vendeur ne peut être réputé avoir fait novation à sa créance primitive. Secus, si la vente a eu lieu au comptant; il y a eu anéantissement de l'ancienne dette par la confusion, et création d'une dette nouvelle, incertaine, à la vérité, jusqu'à la reconnaissance du compte par les parties. Dalioz. n. 1103.

691. - Dans ce dernier cas même, il faut appliquer la distinction établie, pour les remises en effets de commerce, dans l'art. 584 C. comm. Si à l'époque où il a été convenu de passer le prix en compte, le solde était en faveur de l'acheteur, la revendication ne sera pas possible; le vendeur a voulu sans doute affecter le prix de la vente au payement de ce qu'il devait et dont il payait les intérêts. Au contraire, si le solde était en sa faveur, on ne saurait voir dans le consentement qu'il a donné à ce que le prix de vente fût porté à son crédit, que l'intention d'avoir, entre les mains de l'acheteur une somme à sa disposition, soit pour faciliter ses payements, soit pour faire traite dans ses besoins.

692. Le vendeur qui, suivant la convention, aurait été payé de partie du prix comptant, pourraitil revendiquer la marchandise pour la partie du prix restant due, et qui était payable à terme? Oui. Dalioz, n. 1105.

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695. Du reste, la revendication exercée par le vendeur payé seulement en partie, ne saurait être partielle et jusqu'à concurrence de la portion du prix non encore comptée. Ici s'applique le principe de la résolution des contrats faute d'exécution.

694.- Deuxième condition: - Il faut que la marchandise ne soit pas entrée dans les mayasins du failli ou du commissionnaire chargé de vendre. La revendication ne peut avoir lieu que pendant que les marchandises expédiées sont encore en route, soit par terre, soit par eau, et avant qu'elles soient entrées dans les magasins du failli ou dans les magasins du commissionnaire chargé de les vendre pour le compte du failli.» (C. comm. 577.)

695. Pour prévenir la fraude et rendre le sort des créanciers aussi égal que possible, la loi veut que la marchandise une fois arrivée à la disposition de l'acheteur, devienne le gage commun des créanciers, et que le failli ne puisse, à son gré, favoriser les uns aux dépens des autres, en changeant ou laissant intactes les marques et enveloppes.

696 En assimilant au failli le commissionnaire chargé de vendre, l'art. 577 entend parler tant du commissionnaire, simple mandataire, chargé de ven

dre au nom et pour compte d'autrui, que du com-
missionnaire qui contracte en son propre nom, s'o-
blige, et oblige les autres envers lui.

697. De ces mots, chargé de vendre pour le
failli, il suit que la revendication est admissible
lorsque la marchandise se trouve encore dans les
magasins du commissionnaire qui a acheté pour
compte du failli, sans être en même temps chargé de
vendre. Secus, lorsqu'elle est entrée dans les ma-
gasins d'un intermédiaire chargé d'acheter et de
revendre ensuite. — V. infrà.

698. Par les mots magasin du failli, il faut entendre tout emplacement où le failli, mis en possession réelle de la marchandise, l'aura déposée. Ce qu'il faut examiner, c'est le fait de la mise en possession réelle, plutôt encore que le lieu qui sert de dépôt. Si les termes de la loi sont équivoques. son intention ne l'est point. Par exemple, que les objets, à leur arrivée, aient été mis dans la cour de la maison du failli, ou, comme cela se pratique dans quelques villes et pour certaines marchandises, le long des murs de sa maison, sur la voie publique, le venPard., t. 4, deur ne peut plus les revendiquer. p. 490, Boul., t. 2, p. 555; Dalloz, n. 1115. 699. Quant aux marchandises d'un grand encombrement qui n'est pas dans l'usage d'emmagasiner, et que l'on vend et achète sur place ou qu'on dépose dans des lieux publics, sur des terrains vagues, voici quelques règles qui peuvent servir à décider quand elles ont, ou non, cessé de pouvoir être revendiquées.

-

700 - 10 Si c'est un terrain public qui serve de dépôt, et que le déposant soit tenu de payer un loyer à la ville on examinera à la charge de qui ce loyer a été mis après la vente.

701. 20 S'il n'y a pas de loyer à payer, on recherchera dans la convention aux risques de laquelle des parties la marchandise a été laissée.

702.50 Lorsque la marchandise est de nature à rester sur place, et qu'elle a été comptée ou mesurée, l'emplacement pourra être considéré comme devenu le magasin de l'acheteur.-10 janv. 1821. Req. 40 Il en est autrement si le vendeur s'est 703. engagé à la transporter dans un autre lieu, même après le mesurage.

704. S'il n'y a eu qu'un dépôt momentané dans un lieu public, et que l'intention seule de diriger les marchandises sur un autre lieu ait été manifestée par l'acheteur, le vendeur peut revendiquer.

705. - Le vendeur non payé de marchandises qui sont encore déposées dans un entrepót réel, lors de la faillite de l'acquéreur. peut les revendiquer, parce que ces marchandises ne sont pas à la libre disposition de l'acquéreur, et sont considérées comme étant 25 avril 1810, Bruxelles. - Reencore en route. marquez qu'il ne s'agit dans les art. 576 et suivants que de marchandises destinées à être livrées au mouvement commercial; qu'ainsi ne pourraient être revendiquées des machines placées dans une usine pour son exploitation.-27 fév. 1857. Cass. Bruxelles.

706. Il n'est pas nécessaire que le lieu du dépôt soit la propriété de l'acheteur pour être regardé comme son magasin; il suffit qu'il en ait la libre disposition; les marchandises placées dans un magasin momentanément loué par l'acheteur ou dont l'usage lui a été prété ne pourraient donc être revendiquées.

707. Le vendeur non payé ne peut revendiquer de l'acheteur failli les marchandises qu'il lui a vendues, lorsqu'elles sont dans un magasin même public et situé dans une autre ville que celle où réside

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709.- La revendication peut être déclarée inadmissible, quoique les marchandises se trouvent encore dans les magasins du vendeur...., s'il y a eu remise à l'acheteur des clés de ces magasins dont le vendeur n'était que locataire, si l'acheteur en a eu la possession pendant quinze mois. et si, enfin, la plus grande partie des marchandises ne se trouve plus dans les magasins. 25 fév. 1826, Bourges. 710. Peu importe, du reste, que le failli ait eu l'intention de conserver les marchandises ou qu'il les ait achetées pour une destination ultérieure, par exemple pour les expédier en pays étranger, ou les envoyer à un tiers pour les avoir à sa disposition sur une autre place. On ne doit considérer que la première mise en magasin par l'acheteur, et son entrée en possession. Dalloz, n. 1126.

711. Lorsque les marchandises vendues sont arrivées à leur destination et ont été réexpédiées par le failli à un tiers, dans les magasins duquel elles se trouvent, elles ne peuvent être revendiquées, quoique ce tiers ne soit pas un commissionnaire chargé de les vendre. 13 avril 1822, Bruxelles.

712. Si l'acheteur, à la réception de la marchandise, l'avait emmagasinée, en déclarant toutefois qu'il la laissait pour compte, la revendication serait permise. La déclaration ne serait qu'un refus de prise du possession, et la masse ne pourrait tardivement prétendre que la marchandise est cenvenable et qu'elle est en droit de la conserver. Le consentement donné par le vendeur de reprendre sa chose annulerait la convention.

713. L'entrée des marchandises dans les magasins des agents employés par le failli, autres que le commissionnaire chargé de vendre, ne met pas obstacle à la revendication: la loi est restrictive.

714. La revendication peut être exercée, encore que les marchandises soient entrées dans les magasins du commissionnaire du failli, et que les cordes des balles y aient été coupées, si, d'une part cette section des cordes n'est qu'un acte abusif du commissionnaire, et si, d'autre part, les marchandises ont été placées chez ce dernier, non pour y être vendues, mais pour y rester en dépôt jusqu'à l'embarquement que devait en faire le failli.-7 août 1820, Caen.

715. Dans ce cas, le navire destiné à transporter ces marchandises peut seul être regardé comme le magasin du failli, dans le sens de l'art. 577 C. comm. Même arrêt.

716. Enfin, si une partie seulement de la marchandise était entrée dans les magasins du failli, pourrait-on revendiquer la portion non emmagasinée? Non; la loi a voulu mettre un terme à toutes ces revendications partielles et abusives qu'autorisait l'ancienne jurisprudence.-Dalloz, eod.,n. 1138. 717. Troisième condition: Revente sur facture, connaissement ou lettre de voiture.-Les marchandises (quoiqu'elles ne soient encore ni payées, ni entrées dans les magasins du failli) ne peuvent néanmoins être revendiquées, si, ayant leur arrivée, elles ont été vendues sans fraude, sur factures et con

naissements ou lettres de voiture (578). Les droits du tiers de bonne foi doivent être respectés; il a dû croire que le vendeur s'était définitivement dessaisi.

718. Mais il faut que la vente ait été faite sur facture et connaissement ou lettre de voiture. Les deux conditions doivent être réunies. Une vente faite sur facture seule ou connaissement seul, ne serait pas parfaite elle serait suspecte de mauvaise foi; le nouvel acheteur est en faute pour ne pas s'être fait représenter les deux titres qui seuls pouvaient consommer l'opération et le vendeur originaire et l'acheteur. En effet, la facture constate le droit à la propriété, le connaissement ou la lettre de voiture, le droit à la prise de possession. Le vendeur originaire pourrait donc revendiquer ses marchandises, même dans les magasins du nouvel acheteur. — Dalloz, n. 1140; Pard., t. 4, p. 494; Boulay. t. 2, p. 341. 26 juillet 1818, Liége; 20 juillet 1819, Rouen.

719. Il ne suffirait pas que le revendeur eût eu seulement la facture entre ses mains, ni même qu'il eût subrogé l'acheteur à l'utilité de la lettre de voiture remise au voiturier. — 19 déc. 1826, Toulouse.

720. Du reste, pour qu'il n'y ait pas lieu à revendication de marchandises revendues avant leur arrivée, il suffit qu'avant l'époque de l'ouverture de la faillite dû revendeur, l'acheteur se soit trouvé nanti, sans fraude, tout à la fois et de la facture et de la lettre de voiture ou connaissement, encore bien que la remise de ces deux titres n'aurait pas été simultanée, et que le connaissement ou lettre de voiture n'aurait été remis que quelque temps après la facture. 2 déc. 1828, Rouen.

721. - La revente sur facture et connaissement ou lettre de voiture ne mettrait pas obstacle à la revendication, s'il apparaissait qu'elle est le résultat d'un concert frauduleux. C'est aux juges à apprécier les faits qui peuvent constituer le nouvel acheteur en mauvaise foi; on ne saurait établir des règles précises à cet égard.

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722. La revendication, dans le cas de revente, est permise au vendeur, parce qu'il n'est pas censé avoir autorisé cette revente tant que l'acheteur n'est pas réellement maître de la chose. Mais si, avant de recevoir la facture et les connaissements, l'acheteur avait revendu à un tiers, et instruit de cette revente le vendeur originaire, en lui ordonnant d'expédier à ce nouvel acheteur, et que le vendeur eût consenti à faire cette expédition, la revendication ne serait plus possible, encore que la marchandise fut en route. Le vendeur ne pourrait se rejeter sur sa bonne foi, et alléguer qu'il ne considérait son acheteur direct comme n'ayant encore aucun droit; les faits combatteraient sa prétention.-Pard., t. 4, p. 494; Boulay, t. 2, p. 342; Dalloz, n. 1147.

725. La revendication n'étant interdite que lorsqu'il y a eu revente, il s'ensuit que la remise à un commissionnaire des factures et connaissements ou lettres de voiture, pour le garantir de ses avances, n'empêcherait pas le vendeur de revendiquer; mais alors il devrait rembourser les sommes avancées par le commissionnaire (arg. de l'art. 93. C. comm.), sauf à prendre part pour ce remboursement dans les distributions des deniers de la masse de son acheteur failli.-15 nov. 1818, Cour de Bruxelles.V. aussi Pard., et Merl., Quest. de droit, vo Revendication.

724. Quoique l'art. 578 C. comm. ne parle que d'une revente faite sans fraude, sur facture et connaissement, sa disposition serait également applica ble dans le cas d'un échange. Les raisons de décider sont les mêmes dans les deux cas.

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