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personnes, la lettre de change ou remise d'argent faite de place en place. » Mais, dans l'intention du législateur, ces dernières expressions sont synonymes de celles-ci : d'un lieu sur un autre. - Locré, sur l'art. 110; Dalloz, n. 28; Nouguier, p. 72. 13. Le législateur ne détermine pas la distance qui doit exister entre le lieu où une lettre de change est tirée et celui où elle est payable: c'est une question abandonnée à l'appréciation des juges qui, pour la résoudre, doivent consulter les circonstances et surtout les besoins du commerce. Pardessus, t. 2, p. 376; Merl., vo Lettre de change; Dalloz, n. 52.

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14. Il suffit que deux communes, quelque rapprochées qu'elles soient, aient une administration distincte pour qu'elles puissent être considérées respectivement comme place de commerce. — 28 avril 1826, Paris.

15. Une lettre de change tirée d'un bourg sur une ville qui n'en est distante que de deux lieues et demie, satisfait à la condition de la remise d'un lieu sur un autre. - 24 sept. 1814, Bruxelles.

16.- Comme nous l'avons dit précédemment, le caractère principal de la remise d'un lieu sur un autre est que la lettre de change soit stipulée payable dans un autre lieu que celui où elle a été souscrite.

Celui qui tire une lettre de change à son ordre, ne pourrait donc pas stipuler qu'elle sera payable par l'accepteur dans le lieu même de sa confection. Une pareille traite, fût-elle acceptée par le tiré, ne serait pas une lettre de change, mais bien une simple promesse qui rendrait l'accepteur non négociant justiciable des tribunaux civils.-21 juillet 1819,

Bruxelles.

17. Cependant une traite, tirée d'une place sur une autre, est, bien qu'indiquée par l'accepteur payable dans le lieu d'où elle est tirée, valable comme lettre de change. - Dalloz, n. 38.

18.-Au reste, si la lettre de change étant stipulée payable dans un autre lieu que celui de sa confection, il intervenait entre le porteur et l'accepteur des conventions postérieures, par suite desquelles le payement devrait avoir lieu dans le lieu même où la lettre de change a été souscrite, dans cette hypothèse, le premier contrat de change n'est nullement dénaturé; seulement il s'en forme un second en vertu duquel une somme, d'abord payable dans un lieu, le devient ensuite dans un autre. - Dalloz, n. 39.

19. La loi n'exige pas que le tireur ait son domicile dans le lieu où la lettre de change a été faite, et le tiré dans celui ou elle est payable : la remise d'un lieu sur un autre suffit. - Dalloz, n. 41.

§ 2.-Date de la lettre de change.

20. La date est exigée pour constater la capacité, pour servir à la preuve qu'il n'y a pas supposition de lieu; elle fait donc partie de la constitution de la lettre de change, et rien ne peut la suppléer. -Merl., Rép., Pard., t. 2, p. 378. — V. n. 18.

21. L'art. 1328 C. civ., qui veut que les actes sous seing privé ne fassent foi à l'égard des tiers que du jour où ils ont acquis date certaine, n'est pas rigoureusement applicable aux lettres de change et billets à ordre.—28 juin 1825. C. r.; 4 juin 1827, Toulouse.

22.— Mais, d'un autre côté, les lettres de change ne sont pas des actes authentiques, et dès lors leur date ne fait pas foi jusqu'à inscription de faux. Dalloz, n. 46.-V. n. 8.

23.Il faut conclure de là qu'en cette matière tout est abandonné à l'appréciation des juges, qui,

pour constater la véritable date d'une lettre de change, peuvent admettre tels genres de preuves que bon leur semble.

§3.-Enonciation de la somme à payer.

24. La troisième condition exigée par l'art. 110 C. comm., c'est que la lettre de change énonce la somme à payer. Quelques cours et tribunaux de commerce avaient demandé que l'on exigeat cette énonciation en toutes lettres, afin d'empêcher les altérations de chiffres; mais on n'a pas cru nécessaire de l'ordonner à peine de nullité. -Dalloz, n. 49.

25. L'erreur dans la somme ne pourrait être opposée par le tireur ou l'accepteur qu'au tiré, et non au tiers-porteur de bonne foi. -Nouguier, 1, p. 172.

26. On a vu plus haut que la lettre de change peut être écrite par un tiers, et que souvent le tireur fait précéder la signature d'un bon pour la somme de... Dans ce cas, si la somme portée dans le corps de l'acte est différente de celle indiquée dans le bon, il faut suivre la règle générale, contenue dans l'article 1327 C. civ., et s'arrêter à la somme moindre, sauf la preuve de l'erreur. - Dalloz, n. 51.

$4.-Mention du nom de celui qui doit payer.

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28.- Un effet tiré d'Ostende, ainsi conçu : Je payerai sur cette lettre de change, à l'ordre de Dufaur, la somme de.... que passerez sans autre avis de.... Cabaré. — A M. Dastre, à Saint-Guislhain... Un tel effet a tous les caractères d'une lettre de change, c'est-à-dire remise de place en place et le concours de trois personnes : les mots, je payerai, qu'on y lit, et l'obligation personnelle qui en résulte de la part du tireur, constituent seulement l'intervention d'une quatrième personne, que la loi, qui a déterminé les caractères de la lettre de change, ne défend pas. Dalloz, n. 55.

§5.-Indication de l'époque et du lieu du payement.

29. Les formalités exigées pour constater le défaut de payement, les délais pour exercer les recours, ne permettent pas de suppléer arbitrairement à l'omission de l'époque et du lieu du payement. — Pard., t. 2, p. 382; Dalloz, n. 57.

30. Cette omission ne peut être valablement réparée dans l'acceptation; car ce n'est pas au tiré à indiquer l'époque du payement, mais bien au tireur permettre au tiré de suppléer à l'absence de l'une des formes essentielles à la lettre de change, ce serait exposer les porteurs à une foule d'inconvients. Dalloz, n. 58. Contrà, 14 mai 1829,

Paris.

31. C'est par suite du principe, que la date du payement est rigoureusement exigée pour la régularité d'une lettre de change et d'un billet à ordre, que la cour royale de Paris a décidé, par arrêt du 29 avril 1829, qu'un engagement dont l'échéance était indiquée par ces mots : je payerai toutefois et quante, n'avait pas le caractère d'un billet à ordre.Dalloz, n. 59.

§ 6. Expression de la valeur fournie.

32. - Le Code de commerce exige, que non-seulement la valeur fournie, mais encore l'espèce de cette valeur, soient exprimées dans la lettre de change.

53. Puisque l'énonciation de l'espèce de valeur fournie est indispensable, il faut conclure que les mots valeur reçue et ceux de valeur entre nous, valeur entendue, qui n'en expriment pas l'espèce, sont insuffisants. L'ancienne comme la nouvelle jurisprudence, les auteurs qui ont commenté soit l'ordonnance, soit le Code, sont d'accord sur ce point (Vincens, 2, p. 177; Merl., Rép., vo Lettre de change, § 2, n. 2). 19 juin 1810, Req.; 15 mars 1811, Turin; 25 mars 1814, Colmar; 1er déc. 1851, Paris.- Contra, Nouguier, 1, p. 96.

34. Il paraît difficile d'admettre l'opinion de Pardessus (t. 2, p. 390), qui attribue aux tribunaux le droit de juger, d'après les circonstances, si ce que les parties entendaient entre elles était une valeur qui pût remplir le vœu de la loi. Le législateur n'a attaché de grands priviléges à la lettre de change, qu'à cette condition, qu'elle serait régulière et notamment qu'elle énoncerait l'espèce de la valeur fournie; rien ne peut donc suppléer à l'omission de cette énonciation.—Dalloz, n. 64.— V. n. 23.

35. On ne peut regarder comme une lettre de change, un effet tiré d'un lieu sur un autre à l'ordre d'un tiers, mais dans lequel le tireur énonce la valeur en ces termes : Valeur que vous avez reçue en espèces, au lieu de dire comment celui à l'ordre de qui la traite est tirée lui a fourni la valeur. Vainement voudrait-on faire considérer cet effet comme tiré à l'ordre du tireur lui-même; dans ce cas même, il ne vaudrait comme lettre de change qu'autant que le tireur l'aurait revêtu d'un endos exprimant la valeur fournie par le bénéficiaire. -20 décembre 1816, Bruxelles.

36. Une lettre de change causée valeur en compte, prouve, même entre le tireur et celui à l'ordre duquel elle est tirée, que la valeur a été fournie. comme si toute autre cause y était énoncée.

37. Une lettre de change causée valeur en moimême, n'est valable que sous deux conditions, à savoir: 1° qu'elle ait été tirée à l'ordre du tireur luimême; 20 qu'elle ait été endossée à un tiers, avec énonciation de la valeur fournie par ce dernier. Pard.. t. 2, p. 389; Dalloz, n. 68.—V. n. 55.

38. Sur certaines places, on souscrit quelquefois des lettres de change avec ces mots valeur changée, ce qui signifie qu'elles se livrent par le tireur avant que la valeur lui ait été fournie et contre une promesse de payer donnée par le preneur. Il est évident que jusqu'à la réalisation de cette promesse, la lettre de change n'est point parfaite. Mais cette imperfection n'est opposable, par le tireur, qu'au bénéficiaire seul et non au tiers-porteur. Car celui-ci ne peut savoir si la condition sous laquelle le tireur a consenti à donner une lettre de change, c'est-à-dire le payement de la promesse, a été remplie par le bénéficiaire. Dalloz, n. 69.

59. La loi n'exige point que la valeur fournie provienne d'une opération commerciale: serait donc valable une lettre de change causée valeur fournie en immeubles, en retour de partage, pour prix d'un fermage, d'un transport, etc.

40. Il serait inutile d'exprimer, préalablement à la souscription des lettres de change, que le conIrat de change est entièrement indépendant d'un autre contrat qui l'a précédé ; l'intention des parties

ressort suffisamment des actes par elle faits.-Locré, sur l'art. 110; Pard., t. 2, p. 391; Vinc., t. 2, p. 178; Dalloz, n. 72.

41. La plupart des difficultés que nous venons d'examiner, relativement à la nécessité de mentionner dans les lettres de change la valeur fournie et l'espèce de cette valeur, se reproduisent par rapport au billet à ordre, comme on le verra plus bas.

§ 7. De l'ordre que doit contenir la lettre de change.

42. La lettre de change doit être à l'ordre de quelqu'un pour qu'elle puisse devenir négociable par la voie de l'endossement. Si elle n'était pas revêtue de cet ordre, elle ne vaudrait, que comme simple promesse. Locré, sur l'art. 110; Dalloz, n. 77. 45. Les expressions à ordre ne sont pas sacramentelles; il suffit que le titre exprime d'une manière non équivoque l'intention de payer à celui auquel il aura été transmis. Les mots à un tel ou en sa faveur ne seraient pas suffisants; mais ceux-ci à un tel ou à sa disposition, ou à celui auquel il la transmettra, rempliraient le vœu de la loi.— Pard., 1. 2. p. 327; Dalloz, n. 78.

44. La lettre de change peut être à l'ordre d'un tiers, c'est-à-dire à l'ordre d'une personne autre que celle qui donne la valeur. Dans ce cas, on indique ordinairement le nom de la personne qui a fourni cette valeur; cependant on peut se dispenser de la faire, sans qu'il en résulte aucun inconvénient.

45. Le donneur de valeur n'est soumis à aucune garantie, quand même son nom figurerait dans la lettre de change; car, aujourd'hui, pour être garant, il faut être signataire de la traite (art. 140 C. comm.). Dalloz, n. 80. — Contrà, Dupuis de la Serra, art. des Lettres de change, ch. 16, §§ 4 et 5.

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46. La lettre de change peut être tirée à l'ordre du tireur lui-même, et dans ce cas elle est presque toujours causée valeur en moi-même. Mais elle ne devient parfaite et par conséquent elle ne peut produire ses effets légaux, que lorsque le tireur l'a passée à l'ordre d'un tiers par un endos, et qu'il mentionne dans cet endos la valeur qu'il reçoit. A ces conditions, la lettre de change devient aussi régulière que si elle avait renfermé dès l'origine l'indication de l'ordre et de la valeur fournie la raison en est que l'endos fait corps avec le titre et le complète (Locré, sur l'article 110; Pard., t. 2, p. 386; Merl., Rép., t. 16, v. Lettre de change; Vincens, t. 2, p. 180; Dalloz, n. 81.-10 mess. an ix, Civ. r.; 31 mars 1815, Turin; 6 juill. 1826, Paris; 14 janvier 1828, Toulouse.-V. Nouguier, 1, p. 102.

47. Lorsqu'une lettre de change est tirée valeur en soi-même et à son ordre, et que le contrat de change ne se forme qu'au moyen de l'ordre, cela ne dispense pas le tireur qui passe cet ordre d'y observer toutes les formalités prescrites par l'art. 137 C. comm., pour en transmettre la propriété : ainsi le défaut de date dans cet ordre le vicie, encore que le corps de la traite soit daté : le motif de cette décision, c'est que le tireur ne fait jamais qu'un endoscement, et que dès lors cet endossement doit, pour être parfait et valable, réunir toutes les formalités exigées par la loi. 25 juin 1817, Civ. c.; 14 nov. 1821, Civ. c.-Contrà, Vincens, t. 2, p. 181; Dalloz, n. 82; 2 prair. an xi, Civ. r. Paris.

48. Lorsqu'une lettre de change tirée par un individu à son ordre, valeur en lui-même, est transmise à un tiers par un endossement irrégulier, elle ne peut sans doute produire aucun effet légal; mais l'irrégularité, quelle qu'elle soit, est couverte par

des endossements subséquents qui sont réguliers et qui réunissent toutes les conditions exigées par l'article 138 Code commerce pour leur validité. V. n. 55.

§ 8.-Mention du nombre d'exemplaires tirés.

49. La lettre de change peut être tirée par première, deuxième, troisième, enfin en autant d'originaux qu'il plaît au tireur, pourvu que chaque exemplaire l'indique (110 C. comm.). Plusieurs cas peuvent se présenter.

50.- Le premier et le plus fréquent, c'est lorsque la lettre est tirée avec deux ou plusieurs exemplaires, afin que l'un étant envoyé à l'acceptation du tiré, la négociation de la traite puisse être faite. Dans ce cas, l'exemplaire négocié indique où est celui qui a été envoyé à l'acceptation. Alors, le dépositaire de la première la rend à celui qui est porteur d'un duplicata. Dans quelques villes, le dépositaire fait cette délivrance au porteur des duplicata même non endossés; dans d'autres villes, au contraire, il exige que cet endossement lui soit représenté. Dalloz, n. 85.

51. Le second cas est celui où l'on n'a créé plusieurs exemplaires que dans la crainte d'une perte; alors le tiré non accepteur est libéré par le payement qu'il fait sur l'exemplaire qui lui est présenté le premier. Si donc les duplicata ont été, par erreur ou par dol, endossés à des personnes différentes, celle qui est la moins diligente doit faire protester et n'a qu'un recours à exercer contre ses endosseurs immédiats, jusqu'à celui qui a commis la fraude ou l'erreur. Dalloz, n. 86.

52. Le troisième cas est celui où la lettre de change, acceptée ou non, est perdue; nous verrons à l'article du Payement, quelles sont les formalités à remplir pour arriver à en obtenir le payement. Dalloz, n. 87; Nouguier, 1, p. 106.

53.-Il n'est pas douteux que le droit de délivrer ces copies appartient à celui qui a envoyé la traite à l'acceptation, et qui néanmoins veut la négocier avant le retour. Dans ce cas, le cédant est responsable de la fidélité de la copie qu'il négocie, et s'il a commis quelque erreur ou quelque fraude, les personnes auxquelles la copie a été négociée remontent jusqu'à lui pour exercer leur action.-Dalloz, n. 89.

54. Celui qui endosse une traite en faveur d'un tiers, peut, en lui remettant l'original, lui en donner en même temps une copie certifiée et endossée, pour que l'endosseur puisse envoyer l'original à l'acceptation, et, avant le retour, négocier la copie; mais, dans ce cas, le créateur de cette copie doit y mentionner exactement tout ce qui se trouve sur l'original.

55. La copie ne pourrait être créée par celui qui, ayant endossé une traite et l'ayant remise à l'endosseur, ne se trouve plus nanti de l'original : en effet, lorsque l'original d'une lettre de change est endossé et livré au cessionnaire, le cédant ne conserve plus aucun droit, et la copie ayant pour objet de l'obliger à faire remettre l'original à celui à qui il la délivre, comment pourrait-il s'engager à livrer ce qu'il n'a plus? comment le cessionnaire pourrait-il acquérir une seconde fois ce dont il est déjà en possession?-Vincens, 2, p. 280; Dalloz, n. 93.

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stances où il est avantageux d'user de la faculté accordée par l'art. 112 C. comm., de tirer une lettre de change sur un'individu, et de la stipuler payable au domicile d'un tiers: cela arrive notamment lorsqu'on a besoin de faire compter des fonds en un lieu où l'on n'a point de correspondant. Si on a quelque correspondant dans une ville voisine, on tire sur lui et on le charge de faire tenir les fonds au domicile indiqué. - Dalloz, n. 94; Nouguier, t. 1, p. 115.

57. - L'art. 111 C. comm. ajoute que la lettre de change peut être tirée par ordre et pour le compte d'un tiers. De graves difficultés se sont élevées à l'occasion des traites tirées de cette manière. Quelles sont les obligations du tireur, tant à l'égard des tiers que du tiré? Quelles sont celles du donneur d'ordre? Quels sont les droits du tiré et des tiersporteurs contre le donneur d'ordre et le tireur? L'examen de ces questions aura lieu aux §§ Provision et Droits des porteurs.

§ 10. Supposition de nom, de qualité, de domicile, de lieu, etc.

58. L'art. 112 C. comm. répute« simples promesses toutes lettres de change contenant supposition soit de nom, soit de qualité, soit de domicile, soit des lieux d'où elles sont tirées ou dans lesquels elles sont payables. » Le motif de cette disposition est que les lettres de change qui ne contiennent pas en réalité toutes les conditions exigées par l'article 110 ne sont pas des actes de commerce et par conséquent ne peuvent rendre ceux qui les font justiciables de la juridiction commerciale, et contraignables par corps. Dalloz, n. 97.

59.-L'art. 112 ne parle que de supposition et non d'omission de quelqu'une des formalités exigées par l'art. 110. La raison en est bien simple: c'est que chacune de ces formalités est substantielle et nécessaire à la validité de la lettre de change; l'absence d'une seule de ces formalités empêche donc la lettre de change d'avoir une existenee légale. Dalloz, n. 98.

60. L'art. 112 étant muet sur la supposition de cause, il semble qu'on doit en conclure qu'elle ne suffirait point pour convertir une lettre de change en une simple promesse. Mais cette supposition, une fois établie, il faudrait qu'il fût bien prouvé que la lettre de change a réellement une autre cause que celle énoncée dans le corps de l'acte et en outre que cette cause pouvait faire la matière du contrat de change. Locré, sur l'art. 112.

61. Si cette preuve n'était pas faite, s'il était constant, au contraire, d'une part, que la cause énoncée dans la lettre de change est supposée, de l'autre, qu'il n'existe aucune autre cause, par exemple, qu'en réalité il n'a été fourni aucune valeur, quoique l'acte en mentionne une, il n'est pas douteux que, dans ce cas, la lettre de change serait frappée d'une nullité radicale: la raison en est qu'il ne peut exister de contrat sans cause (art. 1108 et 1131 C. civ.-Merl., Rép., t. 16, vo Lettre de change, § 2, n. 2 bis. - 20 nov. 1817. Req. Paris. Dalloz, n. 100.

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la prescription de trente ans. —22 juin 1825. Req. Bourges.

65. Bien qu'une lettre de change soit régulière ostensiblement, si on prouve qu'elle contient supposition de lieu, et que les fonds n'ont pas été fournis au souscripteur, mais à un tiers pour lequel le souscripteur a consenti à s'engager, cette traite n'est qu'une simple promesse dont les tribunaux de commerce ne peuvent connaître si aucun des obligés n'est commerçant.-Dalloz, n. 105.

64. Mais par quelles preuves démontrera-t-on la supposition de valeur, de lieu, de nom, de domicile? — Par toutes les preuves usitées en matière commerciale, à savoir:la preuve testimoniale, le serment, l'interrogatoire sur faits et articles, etc.Merl., Rép., t. 16, vo Lettre de change, § 2; Dalloz, n. 107.

65. La simulation de lieu peut s'induire de ce que le tireur n'est pas négociant, et de ce qu'il a son domicile ailleurs qu'au lieu d'où la letre est tirée. -28 juin 1810, Bruxelles.

66. Les juges peuvent admettre qu'il y a simulation, d'après de simples dépositions orales.-7 oct. 1811, Bruxelles.

67.- Si les tribunaux ont le droit, pour éclairer leur religion, de recourir à toutes sortes d'éléments de preuve, ils ne sont pas néanmoins forcés de les admettre.

68. L'accepteur est recevable à prouver contre le preneur, en faveur de qui une lettre de change a été consentie, une fraude faite à la loi, telle qu'une supposition de lieu, qui réduirait cette lettre de change aux effets d'une simple promesse.-21 fév. 1831, Bordeaux.

69.-Les suppositions de nom, de qualité, de domicile, de lieu, ne peuvent être opposées au tiersporteur de bonne foi qui n'a pu être à même de savoir la vérité (Pard., t. 2, p. 544; Merl., Rép., t. 16, yo Lettre de change, § 2, n. 2 bis; Dalloz, n. 119.— 18 juin 1808, Bruxelles.-9 déc. 1808, Paris.-26 déc. 1808. Civ. r. -20 août 1812, Bruxelles.-18 mars 1819. Req. 21 janv. 1815, 8 janv. et 16 avril 1819, 28 juillet 1820, Bruxelles. 12 février 1822, Bruxelles, etc.

70.- Mais les suppositions de nom, de domicile, de lieu, etc., pourraient être opposées au tiers-porteur, si l'on prouvait qu'il en a eu connaissance.-Pard., Merl., Dalloz, eod.

71.- La conséquence du changement de caractère de l'obligation contenant une supposition, est de rendre cette obligation non commerciale, quand elle est souscrite par des individus étrangers au commerce et pour des opérations non commerciales: dans ce cas, le payement ne peut en être poursuivi devant les juges de commerce, à moins que l'un des signataires ne soit commerçant, et dans ce cas même, la contrainte par corps ne peut être prononcée contre le non commerçant. C'est alors le cas d'appliquer l'art. 636 du Code de commerce.— .- Dall. n. 121.-V. Compétence.

marchandes publiques et les mineurs non autorisés à faire le commerce, qui ont apposé leur signature sur une lettre de change, soit comme tireur, accepteur ou endosseur. A l'égard des femmes et filles, leur engagement ne peut valoir que comme simple promesse; à l'égard des mineurs, il est nul, sauf les droits respectifs des parties, conformément à l'art. 1512 C. civ.-Dalloz, n. 122.

73. Toutefois, cette incapacité cesse, lorsqu'au lieu de s'obliger personnellement, les incapables ne font office que de mandataires et de facteurs; par exemple, lorsque la femme d'un marchand est dans l'usage de signer, au su de son mari, des lettres de change pour son mari, qui peut-être ne sait pas écrire; il importe surtout au petit négoce, qu'on valide de pareils engagements, sans lesquels il ne pourrait pas s'exercer. Poth., Cont. de ch., n. 28; Dalloz, n. 125.

74.- De ce que l'engagement des femmes et des filles non marchandes, sur les lettres de change, ne vaut que comme simples promesses, il n'en résulte cependant pas qu'elles ne soient justiciables du tribunal de commerce.-Voyez à cet égard l'art. 656 C. comm., et les mots Actes de commerce, Compétence commerciale, où l'on traite les diverses questions qui peuvent naître des art. 113 et 636 C. comm.

75. Une question, fort controversée devant les tribunaux, s'est élevée au sujet de l'art. 1326 C. civ. qui exige le bon et approuvé en toutes lettres de la somme contenue au billet non écrit de la main du signataire. On la trouvera discutée avec le développement qu'elle comporte, vo Preuve littérale où se placent naturellement toutes les questions auxquelles a donné naissance l'application de l'art. 1326 C. civ. Merlin, yo Billet, t. 16, § 1er; Toullier, liv. 5, titre 3, ch. 6, n. 284 et suivants; Duranton, sur l'art. 1326.

$ 12.

76.

De la législation applicable aux lettres de change créées en pays étranger.

Ici se présente la grave question de savoir par quelles lois doivent être régies les lettres de change créées ou endossées en pays étranger: est-ce par les lois du pays où les lettres de change ont été faites ou endossées? est-ce au contraire par les lois du pays où elles sont payables? Nous croyons qu'il faut distinguer ce qui est relatif à la forme, de ce qui est relatif à l'exécution du contrat; ce qui est relatif à la forme, sera régi par les lois du pays où les lettres de change ont été créées ou endossées; ce qui est relatif à l'exécution, sera régi par les lois du pays où elles sont payables. Cette distinction est basée sur les principes généraux du droit, modifiés par ceux qui sont propres à la lettre de change; elle est adoptée par la plupart des auteurs anciens et modernes, et notammeut par Pard., n. 1485; Vinc., 2. n. 182; Merl., Rép., vo Lettre de change, § 2, n. 8; vo Protet, § 9; Dalloz, n. 127. 77.- Un endossement en blanc, transférant, d'après la loi anglaise, la propriété d'une lettre de

§ 11.-Des personnes qui ne peuvent faire ou signer change, doit, s'il a eu lieu de la part d'un étranger

des lettres de change.

72.-En général, il est permis à toute personne de prendre part au contrat de change. Cette règle souffre cependant quelques exceptions qui dérivent du même principe d'incapacité dont la loi civile frappe certains individus. Ainsi, l'interdit, celui qui est pourvu d'un conseil judiciaire, ne sont pas liés par le contrat de change.-Ne sont pas non plus liés commercialement les femmes et les filles non

envers un Belge, être considéré comme obligation entre Belges et étrangers, dont, par conséquent, les tribunaux Belges peuvent connaître.

78. C'est la loi du lieu où le contrat de change a été formé qu'il faut consulter pour régler l'étendue des droits résultant de ce contrat, et non pas la loi du lieu où la lettre de change est payable. — Ainsi, le porteur d'une lettre de change tirée sur l'Angleterre, à trente jours de vue, ne peut exiger le payement contre le cédant que trente jours après le

protêt faute d'accepter, encore que, de ce protêt, il résulte que le tiré est inconnu au lieu indiqué pour le payement, et ce, conformément aux art. 131 et 165 C. comm. et contrairement à l'usage suivi à Londres, qui est d'exercer le recours immédiatement.— 4 février 1815, Bruxelles.

79. Par la création d'un effet à ordre, le souscripteur, étranger ou non, est censé s'obliger à en payer le montant au porteur, lequel acquiert par là une action contre lui.

Par suite, l'étranger qui a souscrit à l'ordre d'un étranger un effet de commerce, que celui-ci a endossé au profit d'un Belge, peut être traduit par ce dernier devant les tribunaux belges, et contraint par corps au payement.

80. L'acceptation d'une lettre de change soumet nécessairement celui qui l'opère à la législation de tous les pays où le porteur se trouvera domicilié lors de l'échéance.

81.Il en serait autrement si le souscripteur ou accepteur prouvait que l'endossement n'a eu lieu que dans la vue de le soustraire à ses juges naturels et de le faire arrêter en Belgique, preuve qu'il doit lui être permis de fournir.

82. Le recours exercé par un endosseur belge contre le tireur étranger, le jour même où le protêt a été notifié à l'endosseur belge, doit être déclaré formé dans le délai, encore bien que, d'après la loi du pays de cet étranger, le protêt doive être notifié le jour même de sa date. La raison en est qu'il faut concilier ici la loi belge avec la loi étrangère. D'après la loi belge (art. 165 C. comm.), le porteur a quinze jours pour notifier le protêt à l'endosseur contre lequel il exerce son recours. Cet endosseur est donc dans l'impossibilité de notifier le protéêt au tireur étranger, le jour même de la date de ce protêt; il satisfait à toutes les exigences en faisant la notification le jour même où le prolêt a été notifié à sa personne ou à son domicile.

ART. 2. Du billet à ordre et de ses formes.

83.Le billet à ordre est un effet souscrit par une personne à l'ordre d'une autre personne et contenant promesse de lui payer une certaine somme à une époque déterminée. - Dalloz, n. 137.

84.Le billet à ordre n'est pas par lui-même, comme la lettre de change, un acte de commerce; mais il contracte cette qualité lorsqu'il est souscrit par un négociant ou pour une opération commerciale. Alors, il jouit des priviléges attachés à la lettre de change, et en même temps il est soumis presque aux mêmes règles. — Dalloz, n. 158.

85. On a parlé, vo Compétence commerciale, 5, des billets à ordre sur lesquels figurent la signature de négociants et de non négociants. On se borne à y renvoyer pour ce qui concerne la compétence et la contrainte par corps. On renvoie aussi vo Acte de commerce, pour les cas où un effet à ordre souscrit ou endossé par un non commerçant peut être considéré comme acte de commerce. - V. aussi Commerçant.

86. Le billet à ordre doit, comme la lettre de change, énoncer, 1o la date; 2o la somme à payer; 5o le nom de celui à l'ordre de qui il est souscrit; 4o l'époque du payement; 5o la valeur fournie en espèces, marchandises, en compte, ou de toute autre manière (V. Compétence commerciale.) Sur ces diverses formalités, on peut consulter ce qui a été dit dans le précédent article, en parlant de la lettre de change. Nous mentionnerons cependant dans

celui-ci, les principales difficultés qui se sont élevées en ce qui concerne le billet à ordre.

87. Le billet à ordre doit énoncer le nom de celui à l'ordre de qui il est souscrit. Les mots ou en sa faveur, qui, dans un billet, suivent immédiatement ceux-ci, je payerai à un tel, ne sont pas équivalents des mots ou à son ordre. En conséquence, un pareil billet n'est pas transmissible par la voie de de l'endossement. — V. n. 43.

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88. Le billet à ordre doit mentionner l'époque du parement.

89.- Un billet ainsi conçu Je payerai, toutes fois et quantes, à M..... ou à son ordre, la somme de...., n'exprimant pas suffisamment l'époque à laquelle le payement doit s'effectuer, n'est point un billet à ordre, transmissible par voie d'endossement. On dirait en vain que les mots toutes fois et quantes équivalent à ces mots à vue ou à présentation. - 28 avril 1829, Paris.

90. Le billet à ordre doit mentionner la valeur fournie et l'espèce de cette valeur.

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90. Un billet à ordre, causé simplement valeur reçue, n'a pas le caractère d'un billet à ordre et ne doit être considéré que comme simple promesse. 91. Un effet souscrit en la forme des billets à ordre par un négociant au profit d'un non négociant, et causé valeur reçue à ma satisfaction, n'est pas un billet à ordre; par suite, le tribunal de commerce est incompétent pour en connaître, même si, parmi les endosseurs assignés, il figure des négociants (C. comm. 188, 657).—18 mai 1824, Liége.

92. Des billets à ordre conçus valeur en règlement de ce jour, et souscrits par suite d'une vente d'immeubles, sont des effets de commerce, et par conséquent doivent être soumis à la juridiction commerciale, s'il est établi d'ailleurs que la vente des immeubles était faite en vue d'opérations de commerce.-11 mars 1806, Paris.

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95. - Le souscripteur d'un billet à ordre causé valeur en contractant, valeur en quittances dans ces présentes, peut opposer au tiers-porteur toutes les exceptions qui naissent du contrat qui a donné lieu à la création de ce billet. Ainsi, s'il a été créé pour le prix de la vente d'un immeuble, et si, dans le contrat, le vendeur s'est obligé à rapporter mainlevée des inscriptions, le souscripteur peut se refuser au payement envers le tiers-porteur, par le motif que la radiation des inscriptions n'a point encore eu lieu.-Dalloz, n. 155.

94. Le souscripteur d'un effet de commerce causé valeur en compte, ne peut refuser le payement à celui au profit de qui cet effet est souscrit sous le prétexte qu'il n'en a pas reçu la valeur dans un compte ou autrement: il doit d'abord payer, sauf à faire usage du titre dans le compte qu'il établira avec son adversaire.-24 juin 1818, Bruxelles.

95.-Un billet souscrit par un non négociant, qui n'énonce pas l'espèce de raleur fournie, bien qu'il soit à l'ordre d'un tiers-négociant, ne peut être considéré comme billet à ordre... Par suite, le tribunal de commerce est incompétent pour connaître de la demande en payement d'un tel effet, contre le souscripteur, encore bien que le billet soit revêtu de signatures commerciales (C. comm. 188, 647). 17 nov. 1828, Toulouse; 12 fév. 1825, Bourges. Contrà. 18 fév. 1830, Paris.

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96. Pour qu'un billet à ordre soit valable, il ne suffit pas qu'il ait une cause et que cette cause soit exprimée par la valeur fournie; il faut encore que la cause dont il s'agit soit licite. Si elle était réprouvée par la loi, le billet serait nul; la nullité pourrait même être opposée au tiers-porteur, si l'on prouvait

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