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liberté et en raison de son intelligence. C'est donc pour lui le premier des devoirs, de cultiver celle-ci.

7. Le jugement que porte la raison de la bonté morale de telle de nos actions produit en nous un sentiment de bonheur. Le jugement contraire produit le remords, qui forme un des éléments du malheur.

8. Des jurisconsultes ont considéré la raison comme le principe unique des lois naturelles ; c'est à tort; elle doit régner et dominer partout; elle est la directrice de toutes nos facultés; elle est la première, mais non l'unique loi de l'homme moral. 9. 20 Amour de soi. << Tout être animé est porté par la nature à sa propre conservation, à défendre sa vie et son corps, à éviter tout ce qui peut lui nuire, à se procurer tout ce qui est nécessaire à son existence. » (Cic. de Officiis, lib. 1.)- De cette loi naissent le devoir et le droit de veiller à notre conversation.

10. Le premier devoir étant de se conserver soimême, le suicide n'est légitime dans aucun cas; il ne l'est ni pour le citoyen, qui ne veut point survivre à la liberté de son pays, ni pour le malheureux que l'infortune accable, ni pour la femme qui défend sa pudeur, car l'honneur ne peut se perdre que par un acte de notre propre volonté; ni même, suivant quelques auteurs, pour l'innocent qui recule devant l'échafaud. La même loi qui défend le suicide interdit le duel. Pagès (de l'Arriége); Encyclop. moderne, vo Droit naturel. —V. Duel.

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11. D'après la même loi, l'homme n'a pas le droit de se mutiler. Les fakirs, les eunuques volontaires sont également condamnables. Mais on peut se mutiler en se faisant couper un membre gangréné. Inutile d'insister, comme le font de graves auteurs, sur une vérité si claire.

12. L'homme peut-il être soumis à l'esclavage? Répétons, en les défigurant à regret, pour plus de brièveté, ces arguments invincibles de Rousseau :

Il n'est pas vrai de dire que le droit des gens a voulu que les prisonniers fussent esclaves, pour qu'on ne les tuât pas. Il n'est permis de tuer dans la guerre qu'en cas de nécessité; or, on ne peut prétendre que l'homme qui en a fait un autre esclave, ait été dans la nécessité de le tuer. - Il n'est pas plus vrai de dire qu'un homme libre puisse se vendre; la vente suppose un prix; l'esclave se vendant, tous ses biens entreraient dans la propriété du maître; le maître ne donnerait donc rien, et l'esclave ne recevrait rien. — Un homme pût-il se vendre, un peuple ne le pourrait pas; car l'homme qui se fait l'esclave d'un autre se vend tout au moins pour sa subsistance. Mais un peuple pourquoi se vend-il? Un roi ne fournit pas à ses sujets leur subsistance, c'est le contraire. Dire qu'un homme ou un peuple se donne gratuitement, c'est dire une chose absurde; un tel acte est nul, comme dicté par la démence. Quand chacun pourrait s'aliéner lui-même, il ne peut aliéner ses enfants; ils naissent hommes et libres; leur liberté leur appartient; nul n'a le droit d'en disposer. »>

13. Renoncer à la liberté, ajoute Rousseau, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité et même à ses devoirs; il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout; une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme; c'est ôter toute moralité à ses actions, que d'ôter toute liberté à sa volonté.

14. Pour justifier l'esclavage des nègres. on a fait surtout valoir l'infériorité, par rapport aux Européens, de leurs facultés intellectuelles, inferiorité dont, il faut en convenir, la structure anatomique LÉGISL.

de leur tête offre l'incontestable preuve. Mais nous répondons avec Malpeyre les negres ont tous les organes fondamentaux de l'intelligence; l'exercice et la civilisation développeraient infailliblement ces organes. D'ailleurs, cette infériorité intellectuelle fût-elle invincible, elle ne détruirait pas la qualité d'homme, et ne pourrait justifier le pouvoir sans limites qu'on s'arroge sur ces malheureux (Droit naturel et des gens, p. 93).

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15. Du devoir de la conservation, dérive le droit de la défense. L'homme attaqué, qui ne peut se défendre qu'en tuant son adversaire, doit le tuer. La loi de sa conservation lui donne tout droit sur l'assaillant et sur ceux qui seraient, par leur volonté ou par hasard, un obstacle inévitable à son salut. Celui qui aide son semblable attaqué, a les mêmes droits que lui contre l'agresseur. Mais, comme on ne se défend que pour se conserver, on ne peut pousser la défense plus loin que la conservation ne l'exige; car, a dit Barthole, « le droit de se défendre ne provient pas de l'injustice de l'agresseur; il vient directement et immédiatement du soin de notre propre défense. » Nul n'a le droit de se défendre s'il n'est actuellement attaqué. Tous les droits cessent au moment où l'on est en sûreté. - Pagès (de l'Arriége); Encyclop. moderne, vo Droit naturel.

16. Des auteurs graves décident que si des hommes meurent de faim dans un désert, ils peuvent s'entre-dévorer, après le tirage au sort; que si plusieurs personnes surchargent une barque battue par la tempête, elles ont le droit de jeter à la mer une partie d'entre elles, toujours après la formalité du tirage au sort, et en ayant soin d'épargner le propriétaire de la barque. Ils ajoutent qu'on n'a pas le droit, dans un naufrage, de se cramponner à une planche dont un autre s'est saisi. Disons, avec Pagès, que quand la conservation de tous est attaquée, chacuna le droit de préférer la sienne à celle des autres.

17.-30 Attrait des sexes l'un vers l'autre. - De même qu'elle a pourvu à la conservation de l'individu par le sentiment de l'amour de soi, de même, la nature a pourvu à la conservation de l'espèce, par un autre instinct non moins puissant, celui qui attire l'un vers l'autre les deux sexes. L'amour est donc l'une des principales lois de notre nature, loi d'où dérive le devoir de la conservation de l'espèce, et, par suite la condamnation du célibat.-Pagès, loc. cit. 18. Le but du mariage, la nature même de l'homme, semblent repousser la polygamie; Montesquieu pense, il est vrai, que les lois qui la défendent en Europe et qui l'autorisent en Asie et en Afrique sont en rapport avec les climats de ces diverses parties du monde. Mais il est aujourd'hui généralement reconnu que cet auteur a attribué aux climats une influence exagérée. On conteste l'authenticité des calculs par lesquels il prétend établir que, tandis qu'en Europe, il naît plus de garçons que de filles, il naît au contraire en Asie et en Afrique plus de filles que de garçons. Montesquieu avoue lui-même que la polygamie n'est pas, dans les climats méridionaux, une institution utile. De plus, elle est, les faits l'attestent, moins favorable que le mariage à l'accroissement de la population. Elle ne peut convenir qu'aux États despotiques, où la femme est esclave. Elle altère enfin profondément et le sentiment de l'amour conjugal et le sentiment de l'amour paternel.

19. La polyandrie est encore plus contraire que la polygamie à la loi de la propagation, puisque le père ne pouvant être connu, les maris doivent tous se refuser à donner des soins à l'enfant. Aussi la polyandrie n'est-elle admise qu'au Thibet. 102 LIV.

20.-Il suit de ce qui précède que le mari et la femme ont un droit mutuel et exclusif l'un sur l'autre. L'adultère, dit Pagès, loc. cit., est donc un véritable vol, plus odieux chez la femme, parce qu'elle place le mari dans la nécessité de nourrir des enfants dont il n'est pas le père. Les époux, outre la fidelité, se doivent une assistance mutuelle dans leurs besoins. Le mari doit protéger et diriger sa femme, celle-ci lui doit en retour une juste déférence.

21. Suivant l'auteur qu'on vient de citer, le mariage contracté par la volonté libre des époux, peut, en droit naturel, se dissoudre par la volonté contraire; mais on blesserait les lois de conservation, si la séparation avait lieu avant que l'éducation des enfants fût terminée, et que la femme fût assurée de n'en pas porter un autre dans son sein.

22.-40 Tendresse des père et mère pour leurs enfants. L'homme, à sa naissance, est dans l'impuissance absolue de pourvoir à ses moindres besoins. Mais l'amour de ses père et mère supplée sa faiblesse. Ce sentiment est encore l'une des grandes lois de notre nature. Les principaux devoirs qu'elle impose aux parents sont de donner à l'enfant les soins, les aliments nécessaires, de l'instruire à pourvoir par lui-même à ses besoins, de le corriger par des châtiments modérés.

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23. Le pouvoir paternel cesse, suivant Pagès, loc. cit., au moment où l'éducation est terminée. Si, ajoute-t-il, le fils continue d'exister avec le père, c'est par l'établissement formel ou tacite de la société de famille.

24. - 5o Sentiment religieux. Le sentiment qui nous porte naturellement vers l'Être suprême est un des attributs exclusifs de l'humanité; il est, par son importance, la première loi de notre nature morale. C'est de ce sentiment que découlent tous les cultes par lesquels, sous des formes progressivement rationnelles, la religion a favorisé la marche de la civilisation.

25.-60 Sociabilité. — Le besoin de vivre en société ou le sentiment de la sociabilité est encore une de ces lois primitives de notre nature, d'où découlent nos droits et nos devoirs. On sait assez avec quelles ressources d'esprit un illustre écrivain a combattu l'idée, que la sociabilité soit une loi naturelle. Son opinion n'a plus de partisans. Elle est réfutée, à notre avis, par ce fait seul, que dans tous les temps, dans tous les pays, les hommes se sont réunis en société. Rien à conclure de quelques exemples isolés, de sauvages trouvés dans les forêts de l'Europe, vivant dans un complet isolement. La constitution défectueuse de ceux d'entre eux qu'on a pu observer, atteste que ces malheureux étaient de véritables idiots. La constitution physique et morale de l'homme démontre, d'ailleurs, qu'il a été créé pour vivre en société. Pourquoi, sans cela, aurait-il reçu le don de la parole, le sentiment de ses devoirs envers ses semblables, et de hautes facultés qu'il ne peut mettre en action ou complétement développer que dans l'état social?

26. L'existence de la société a pour condition essentielle la justice ou le respect des droits de tous. Elle repose encore sur l'échange de secours et de bons offices que se doivent réciproquement les hommes, nul ne pouvant se suffire à soi-même.

27. Des relations des hommes entre eux dérivent les contrats.-V. Obligations.

Les obligations du droit naturel peuvent être exigées devant le tribunal de la résidence du défendeur. - V. Etranger.

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28.-L'état de société donne naissance au droit

de propriété; car, sans la garantie que lui donne l'association, le droit de propriété ne serait que le droit du premier occupant, droit qui s'évanouirait à l'instant même où cesserait la possession réelle et effective de la chose qui en aurait été l'objet. « La propriété, dit B. Constant, existe de par la société; la société a trouvé que le meilleur moyen de faire jouir ses membres des biens communs à tous, ou disputés par tous avant son institution, était d'en concéder une partie à chacun, ou plutôt de maintenir chacun dans la partie qu'il se trouvait occuper, en lui en garantissant la jouissance, avec les changements que cette jouissance pourrait éprouver, soit par les chances multipliées du hasard, soit par les degrés inégaux de l'industrie. La propriété n'est autre chose qu'une convention sociale. » — Principes de politique, p. 221.

29. Le droit de propriété, né de l'état de société, en devient à son tour le plus ferme fondement, et à ce titre il est un droit sacré. Toutefois, en sa qualité de convention sociale, la propriété est de la compétence et sous la juridiction de la société. Ainsi, on peut, mais moyennant une juste et préalable indemnité, être dépossédé de sa propriété pour cause d'utilité publique, pourvu que cette utilité soit bien constatée.

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30. L'inviolabilité de la propriété doit fléchir encore dans quelques autres cas. Il est évident, par exemple, que le voyageur qui, mourant de faim, ne peut se procurer autrement des aliments, a le droit de cueillir des fruits sur le terrain d'autrui. La conservation présente de l'un, dit Pagès, loc. cit., passe avant la conservation future de l'autre.

31. L'occupation fut la première manière d'acquérir la propriété (elle est encore aujourd'hui le moyen d'acquérir des objets qui n'ont pas de maître); mais une fois les biens de la terre répartis entre les membres de la société, de nouveaux modes d'acquisition s'établirent. Ce n'est point ici le lieu d'en parler avec détail. Nous dirons simplement que les manières dérivatives d'acquérir la propriété peuvent être rangées en trois classes: 1° celle résultant d'une volonté expresse, l'échange, la vente, la donation entre-vifs où à cause de mort; 20 celle résultant d'une volonté que les lois civiles induisent des plus fortes présomptions, pour éviter, dans l'intérêt public, des débats funestes et des interruptions dans la jouissance. A cette classe se rattache le mode d'acquisition par succession et par prescription; 3o enfin celle résultant d'une volonté légalement contrainte, les ventes forcées, les prises faites sur l'ennemi.

32. En consentant à vivre en société, l'homme consent par là même à faire tous les sacrifices indispensables au maintien de l'état social; en échange des garanties et de la protection que la société lui accorde, il renonce à l'exercice de la partie de sa liberté naturelle dont le sacrifice est essentiel au maintien de la chose publique.

33. Mais quelle est cette portion de liberté dont l'intérêt public exige absolument l'abandon; où est la limite entre ce que les gouvernés ne peuvent refuser sans mettre la société en péril, et ce que les gouvernants ne peuvent exiger sans tyrannie? Nous n'avons point à aborder ici cette grande question, dont la solution varie suivant les divers degrés de civilisation, et qui doit être par conséquent l'objet d'un débat éternel. Disons seulement que, dans ce débat, trop souvent sanglant, et où triomphent tour à tour le principe de l'ordre et celui de la liberté, le vainqueur a presque toujours abusé de sa victoire. Ainsi, d'une part, nous avons vu Napoléon,

entouré des éléments d'ordre les plus puissants que l'on puisse concevoir, une armée dévouée, un peuple enthousiaste, des fonctionnaires respectés; nous l'avons vu, disons-nous, s'irriter à l'idée qu'un avocat pût proférer en public quelques paroles de blâme contre son gouvernement; nous l'avons vu soumettre à une censure odieusement minutieuse les écrits, pourtant si réservés, de ces idéologues qui lui inspiraient tant d'aversion. Et, d'un autre côté, nous voyons aujourd'hui les amis de la liberté, par une exagération contraire, attaquer avec acharnement, sous prétexte d'une amélioration qui doit être lente et mesurée pour être progressive, les dernières et faibles digues qui s'opposent encore aux envahissements d'une licence effrénée.

34. L'un des principaux droits naturels dont l'état de la société exige le sacrifice, est celui de se faire justice à soi-même. C'est au magistrat institué à cet effet que doit demander réparation des injures qui lui sont faites, quiconque est attaqué dans sa personne, son honneur ou ses biens; il n'y a d'exception à cette règle que lorsqu'on se trouve dans la nécessité de repousser une violence personnelle contre laquelle on ne peut obtenir le secours de la société.

35. Les sociétés sont instituées dans l'intérêt de tous ceux qui en font partie. Et comme elles ne peuvent avoir de meilleurs juges de leur intérêt qu'ellesmêmes, il s'ensuit que la masse des citoyens doit concourir directement ou indirectement à l'exercice du pouvoir souverain ou législatif. Malpeyre, Droit naturel, p. 164.

36. Le principe de la souveraineté du peuple, c'est-à-dire la suprématie de la volonté générale sur toute volonté particulière, ne peut, dit B. Constant, être constesté. La loi doit être l'expression ou de la volonté de tous, ou de celle de quelques-uns. Or, quelle serait l'origine du privilége exclusif que vous concéderiez à ce petit nombre? Si c'est la force? la force appartient à qui s'en empare: elle ne constitue pas un droit, et si vous la reconnaissez comme légitime, elle l'est également, quelles que mains qui s'en saisissent; et chacun voudra la conquérir à son tour. Si vous supposez le pouvoir du petit nombre sanctionné par l'assentiment de tous? ce pouvoir devient alors la volonté générale ( Principes de politique, p. 1).

37. Mais la souveraineté du peuple, suivant le même auteur, n'est pas illimitée, comme l'a prétendu Rousseau, qui n'a fait, dans son Contrat social, que déplacer le despotisme sans le détruire. Il y a, au contraire, une partie de l'existence humaine, qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante, et qui est de droit hors de toute compétence sociale. La souveraineté n'existe que d'une manière limitée et relative. Au point où commence l'indépendance individuelle, s'arrête la juridiction de cette souveraineté. Si la société franchit cette ligne, elle se rend aussi coupable que le despote qui n'a pour titre que le glaive exterminateur. Les droits individuels auxquels aucune autorité ne peut porter atteinte sans déchirer son propre titre, sont la liberté individuelle, la liberté religieuse, la liberté d'opinion, dans laquelle sont comprises sa publicité, la jouissance de sa propriété, la garantie contre tout arbitraire. V. dans l'ouvrage précité un admirable développement de ces principes.

38. On vient de voir quels sont les principaux droits du citoyen; voici maintenant ses devoirs généraux : Obéir au gouvernement, si ses actes tendent au bien-être de tous; obéir encore, mais en tåchant de l'éclairer, si l'on croit que, par erreur, il

s'égare dans sa marche; lui résister, s'il devient oppresseur, c'est-à-dire s'il porte atteinte aux droits inviolables dont il est parlé dans le numéro précédent, et si l'on n'a pas à craindre que la résistance n'amène l'anarchie, toujours pire que le plus mauvais gouvernement; enfin, contribuer de sa personne et de sa fortune au maintien de la chose publique. - V. Malpeyre, Droit naturel, p. 167.

59. On a nié que les lois naturelles eussent une sanction. C'était ne tenir aucun compte des remords qui suivent toujours, et des peines physiques qui accompagnent souvent leur violation; c'était oublier que les lois positives qu'on doit considérer, quand elles sont justes, comme inspirées par la nature, viennent prêter leur secours aux lois naturelles; que la société punit de ses mépris les mauvaises actions qui ne sont pas atteintes par les lois positives; c'était oublier enfin la crainte qu'inspire aux hommes la perspective des peines, du moins morales et temporaires, qui doivent, dans une vie ultérieure, punir les infractions, commises dans celle-ci, à la loi du devoir.

ART. 2. · Droits des gens.

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40. Le droit naturel, dérivant de la nature humaine, ne régit pas seulement les relations d'individus à individus, mais aussi celles de peuple à peuple. On le nomme alors droit de gens primaire, pour le distinguer du droit résultant des traités intervenus ou des usages établis entre les États et qu'on nomme droit des gens secondaire.

S ler.

Droits et devoirs généraux des nations.

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41. Toutes les nations ont les mêmes droits à exercer et les mêmes devoirs à remplir, quelle que soit leur force ou leur faiblesse numérique. cune d'elles peut se constituer et se gouverner comme il lui plaît, et user, à son gré, de tous ses moyens pour se conserver et pour accroître sa puissance et sa prospérité. Nulle autre nation n'a le droit de s'arroger sur elle aucune préséance.

42. Le territoire qu'une nation habite est sa propriété exclusive. Il en est de même, dit Malpeyre, d'après le consentement tacite des peuples civilisés, des contrées désertes ou occupées par des peuplades sauvages, dont une nation prend possession en y plantant son drapeau, bien qu'elle n'y fonde aucun établissement. Mais il est permis, ce semble, de révoquer en doute la légitimité de cette propriété que les nations prétendues civilisées s'adjugent sur des contrées habitées par d'autres peuples, en vertu d'une plantation de drapeaux, et sous prétexte que ceux-ci sont sauvages. Le plus ou moins grand degré de civilisation ne saurait altérer en rien le droit de propriété acquis à un peuple par le fait de son établissement sur le territoire qu'il occupe, pourvu, 1o que cette occupation soit réelle, effective; car une horde errante qui ne fait que passer d'un lieu à un autre, n'a de droit sur aucun; 2° que l'étendue du territoire soit proportionnée aux besoins du peuple qui prétend y avoir droit. Nul doute, dit Perreau (Elém. de législat., p. 201 ), que le premier occupant aurait aussi le droit de former un établissement sur le territoire qui s'étendrait au delà de cette proportion; car le droit de propriété n'est juste qu'autant qu'il est raisonnable et qu'il peut étre véritablement exercé.

45. Nous ne pensons pas non plus que la prise de possession de contrées désertes, par des navigateurs qui n'y font aucun établissement réel, suffise

pour en assurer la propriété à leurs nations. De tels actes, dit encore Perreau, doivent être entièrement assimilés à ces ridicules dispositions par lesquelles les papes avaient donné la prétendue propriété d'une grande partie de la terre aux souverains de Castille et de Portugal.

44. - Le droit exclusif de propriété d'une nation se divise en droit de domaine (par lequel elle use et dispose de tout ce que le pays peut lui offrir de ressources et d'avantages) et en droit d'empire, (par lequel elle commande seule sur son territoire, permet et défend à son gré tout ce qui s'y fait). Ces deux droits sont inséparables.

45. - Une nation a le droit de permettre ou de défendre, à qui il lui plaît, l'accès de son territoire. Quand elle le permet, c'est toujours sous la condition tacite que l'étranger respectera ses mœurs, ses usages, et sera passible de ses lois de police et de sûreté.

De son côté, la nation s'oblige, par cette permission, à protéger la personne et les biens de l'étranger. Elle ne saurait lui refuser le droit de tester, d'acheter, de vendre, etc. - V. Expulsion, Étranger.

-

46. La donation entre-vifs est du droit des gens. 47. Il est toutefois des droits qu'elle ne saurait sans danger leur accorder, que lorsqu'il perdent, par la naturalisation, la qualité d'étrangers; ce sont les droits attachés au titre de citoyen, par exemple, le droit de participer aux élections, de porter les armes, d'être témoin instrumentaire dans les actes publics, etc.-V. ces mots.

48.-Suivant Perreau, p. 204, une nation ne peut imposer à l'étranger aucune charge à titre de rétribution de la sauvegarde qu'elle lui accorde. Mais comment, pouvant refuser l'entrée sur son territoire, ne pourrait-elle pas ne l'accorder que sous telle condition?

49. On ne conteste plus aujourd'hui l'absurdité du prétendu droit d'aubaine, c'est-à-dire du droit qu'aurait une nation de s'emparer des biens des étrangers morts sur son territoire, et des biens que le naufrage y a jetés. Les immeubles acquis par l'étranger suivent toujours la loi du pays où ils sont situés.

50. Le territoire de chaque nation est sacré; tout proscrit qui y a reçu asile ne peut, tant qu'il continne d'y résider, être saisi que d'après l'autorisation expresse du souverain. Mais il est de l'intérêt des nations d'exercer le droit, ou plutôt de remplir le devoir de l'hospitalité, avec discernement. Il ne faut pas, sous prétexte de protéger le malheur, se rendre en quelque sorte le complice des crimes les plus hideux.

51. Les traités politiques entre les divers États contiennent des clauses particulières sur ce qui est relatif aux extraditions. V. Compétence ( matière criminelle, art. 1er) et Extraditions.

52.- Un peuple peut permettre ou interdire l'importation sur son territoire de telle ou telle marchandise, ou en assujettir l'entrée à une taxe. Convient-il qu'il use de ce droit? c'est une autre question.

53.- L'intérêt des nations leur prescrit de s'accorder mutuellement protection et amitié. Si donc l'une d'elles est injustement attaquée, si elle est en proie à la famine, à la peste, c'est un devoir pour les autres de la protéger, si elles le peuvent sans compromettre leur existence, de lui livrer les denrées nécessaires à des prix raisonnables, de lui offrir tous les genres de secours compatibles avec le soin de leur propre sûreté. C'est un devoir aussi pour tout peuple éclairé de contribuer à la propagation de l'instruction chez ses voisins.

54. Une nation dont le territoire est traversé par un fleuve, qui va ensuite arroser celui d'une nation voisine, ne doit point disposer des eaux de ce fleuve d'une manière préjudiciable à celle-ci.

55.-Il est généralement admis parmi les nations, de rendre tout État responsable du tort qu'un de ses membres fait à un étranger, et de l'obliger à réparation. Ainsi, une nation qui, sans l'ordonner souffrirait cependant que ses membres exerçassent la piraterie, donnerait lieu contre elle à une guerre juste, à moins qu'elle ne prouvât qu'elle est réduite, pour quelque cause que ce soit, à l'impossibilité de réprimer ces désordres.-Perreau, p. 270.

56.- La prescription a lieu entre nations, comme entre particuliers.

$ 2.-De la liberté des mers.

57. La question de la liberté des mers, si vivement débattue au seizième siècle, notamment entre Selden et Grotius, est dès longtemps résolue dans le sens de l'opinion de ce dernier. On ne conteste plus que la mer, étant insusceptible de culture et de bornage, on ne peut acquérir sur elle aucun droit de propriété, et qu'elle échappe, par la mobilité de ses flots, à tout acte de prise de possession. Ainsi, aucune nation ne peut légitimement mettre obstacle à ce que les autres jouissent, dans toute l'étendue des mers, de la faculté imprescriptible de naviguer et de pêcher. Mais une nation peut valablement renoncer à exercer cette faculté sur telle ou telle mer.

58. Toutefois, l'empire de chaque État s'étend sur sa mer territoriale, c'est-à-dire sur la mer qui baigne ses côtes jusqu'à la portée du canon. Cette partie de la mer est censée comprise dans le territoire de la nation à qui appartiennent les côtes; elle peut y exercer les mêmes droits de domaine et de juridiction.

59. Lorsque tous les rivages d'une mer appartiennent à une seule nation, et qu'ils circonscrivent un espace d'eau qui n'a aucune communication avec le reste de la mer, ou qui l'a par une entrée étroite, cette partie de la mer peut être légalement possédée, puisqu'on peut dire qu'elle est occupée, circonscrite et défendue. Azuni, Système universel des principes du droit maritime de l'Europe, ch. 1er.

60. Mais, quand les portions du rivage dont est entourée cette mer renfermée appartiennent à des nations différentes et indépendantes les unes des autres, la nation qui possède les terres formant le détroit n'a point le droit de refuser le passage et la navigation intérieure aux vaisseaux désarmės; elle peut seulement exiger la visite des navires qui passent par le détroit et interdire le passage des vaisseaux armés, quand, par leur nombre ou par d'autres circonstances particulières, il y a lieu à de justes défiances.-Même autorité.

61. Lorsque les détroits maritimes sont placés de manière qu'ils servent de communication nécessaire à deux mers, dont la navigation est commune à toutes les nations ou à plusieurs, celle qui est maitresse des détroits n'en peut refuser le passage, pourvu qu'on en use avec modération, et qu'il n'en puisse résulter pour elle aucun dommage. — Azuni, 1,65.

62.- Le souverain d'un détroit peut n'en permettre le passage qu'à certaines conditions: il peut, par exemple, imposer des droits modiques au passage des navires, soit à raison de l'incommodité qu'ils occasionnent, en l'obligeant à faire garder son territoire, soit à raison de la sûreté qu'il leur procure en les protégeant contre l'ennemi, en éloignant

les pirates, et en se chargeant d'établir des pilotes, des fanaux et signaux nécessaires, etc.

63. Les étrangers sont soumis aux lois de police et de sûreté du peuple dans la mer territoriale duquel ils naviguent; ce qui n'empêche point qu'ils ne continuent d'être placés sous l'autorité du chef qui les commande.-Azuni, 1, 85.

64. Il n'est pas permis d'inquiéter un navire dans les ports ou baies des puissances neutres. La prise d'un navire, faite sous le canon d'une ville, et à une distance de la terre comprise sous la juridiction d'une puissance neutre, est injuste et nulle.— Grotius, de Jure belli ac pacis, lib. 3, cap. 3. §1, cap. 17,3; Vattel, Droit des gens, liv. 3, ch. 7, $5: Azuni, 2, 248.

65. — Alors même que le combat naval a commencé en pleine mer, on ne peut poursuivre le navir ennemi jusque dans le voisinage du territoire d'une puissance neutre. Mais celle-ci doit, dans cette hypothèse, obliger le vaisseau réfugié à désarmer et à ne plus mettre à la voile pendant la durée de la guerre.-Azuni, 2, 249. Contrà, Casaregis, de Commercio, disc. 24, n. 2.

66. — Il suffit que le navire portant pavillon d'une nation amie ou neutre ait été nolisé pour une destination supposée et pour servir à l'exécution d'un complot contre la Belgique, par des Belges, auteurs de ce complot, et contienne des pièces de bord désignant ceux-ci sous de faux noms, pour qu'en cas d'agression de leur part contre l'État, ou seulement en cas de simple commencement d'acte hostile, en ce que, par exemple, on aurait débarqué plusieurs des conspirateurs, on soit autorisé à arrêter et à mettre en jugement ceux restés sur le navire; et il y a lieu d'annuler l'arrêt qui, se fondant sur le principe qu'un navire est la continuation du territoire de la nation à laquelle il appartient, ordonne leur relâchement.

Dans ce cas, il y a lieu d'arrêter et de mettre en jugement même le capitaine étranger qui commande le navire, et l'on doit annuler l'arrêt qui le renvoie de la prévention, sous le prétexte qu'il n'a point participé au complot...

Dans ce cas encore, l'arrestation a pu avoir lieu, quoique le navire fût en état de relâche forcée dans les eaux territoriales ou dans les ports de la Belgique.

Dans ce cas enfin, l'arrestation a pu être faite quatre jours après le commencement d'acte hostile imputé aux auteurs du complot.-7 sept. 1832. Cr. c.

67. Jugé de même que le principe du droit des gens, d'après lequel tout navire étranger portant le pavillon de sa nation, est censé continuer le territoire de cette nation, et comme tel doit être inviolable, cesse d'avoir son effet, lorsque, quoiqu'ami ou neutre, il commet des actes d'hostilité sur le territoire belge, en ce que, par exemple, il débarque sur le rivage de la Belgique partie des auteurs d'un complot contre la sureté de l'État, et qu'il garde à son bord l'autre partie.

En vain invoquerait-il contre son arrestation, dans ce cas, l'exception de relâche forcée, en ce que, par fortune de mer, il aurait été obligé d'aborder à un port belge, alors que le fait de cette relâche forcée ne serait pas suffisamment justifié, alors, d'ailleurs, qu'il y aurait eu simultanéité entre l'agression et la capture nécessitée par légitime défense. 15 oct. 1832, Lyon.

68. Ces décisions sont justes, sauf peut-être celle relative à la mise en jugement du capitaine (V. n. 66 et suiv.).--Il nous semble hors de controverse qu'un navire portant le pavillon d'un neutre ou d'un allié,

qui commet des actes d'hostilité contre la Belgique, sur son territoire ou dans la mer territoriale, peut être arrêté pour ce fait, et traduit, comme tout auteur d'un délit commis en Belgique, devant la juridiction belge. C'est la loi de police, la loi de conservation qui saisit l'agresseur.

Mais ce droit d'arrestation expire-t-il dès que le navire a quitté l'eau territoriale? Non, sans doute; tant que la prescription ne sera pas acquise, et que le navire sera commandé par le capitaine auteur ou complice de l'acte d'agression, ce navire qui s'est mis en état d'hostilité avec la Belgique, pourra être poursuivi en pleine mer, et arrêté par droit de représailles, et ramené sur le territoire belge, qu'il a attaqué. Le droit de le poursuivre ne s'arrêtera que lorsque le navire sera entré dans la mer territoriale d'une nation neutre ou amie. Quant au prétendu principe suivant lequel un navire est réputé la continuation du territoire auquel il appartient, ce principe, ainsi que le démontre Azuni (t. 1er, ch. 2, art. 7, § 2, et t. 2, p. 197), cesse d'avoir son effet, lorsqu'il y a eu des actes d'hostilités.

69. Mais tout ceci suppose le cas où le capitaine, qui exerce une sorte de souveraineté sur son navire, est auteur ou complice de l'acte hostile dirigé contre la Belgique car s'il a été trompé par quelques passagers (noliseurs ou non du navire, ce qui nous paraît indifférent), qu'il se sera chargé de débarquer, ou définitivement ou temporairement, sur telle côte, tel rivage, dans tel port, dans telle île, sans se permettre lui-même aucune espèce d'agression contre la Belgique, il ne sera permis d'arrêter ni sa personne, ni son navire: ou du moins il devra, après que la visite du navire aura été faite, et que son innocence aura été reconnue, être relâché avec ceux des passagers qui auront aussi été proclamés innocents de toute participation au délit.

70. Quant à l'exception de relâche forcée, c'est à tort que, dans l'espèce des arrêts ci-dessus, elle était invoquée par le navire arrêté. Que cette exception protége des accusés ou des condamnés qui, en fuyant leur pays, sont rejetés malgré eux sur ses côtes par la tempête, rien de plus conforme aux lois de l'humanité. C'est le cas, où jamais, de se diriger par cette règle sublime : Res sacra miser. Mais demander la même protection pour le conspirateur ou l'assassin qu'une force majeure fait tomber en notre pouvoir au moment même où il tente de consommer son crime; la demander pour le pirate qui, ennemi de toutes les nations, est en état permanent d'hostilité contre elles; la demander, disons-nous, dans de tels cas, non comme la concession d'une grâce, mais comme la reconnaissance d'un droit, ce seralt pousser un principe de philanthropie jusqu'à ses plus grandes exagérations; ce serait tenter d'obscurcir et de corrompre toutes les notions de justice et d'humanité.

71. Mais l'arrêt ci-dessus (n. 66) de la cour de cassation, devait-il casser l'arrêt de la cour d'appel, en ce qu'il ordonnait la mise en liberté du capitaine? Non, puisque ce eapitaine avait été déclaré par la cour d'appel, appréciatrice souveraine du fait, n'avoir pas conspiré : la supposition de la destination du navire ne pouvait qu'être un cas de prise maritime.

72. Quoique le droit de pêche dans la mer territoriale soit considéré comme un des attributs de la souveraineté, cependant les divers gouvernements ont coutume de ne se réserver que la grande pêche, celle qui se fait à des temps marqués de l'année et dans des lieux déterminés; ils permettent à leurs sujets la pêche qui se fait pour les besoins du peuple;

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