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appartient, avec les mêmes charges, aux descendans de l'adoptant, en cas de prédécès de ce dernier, non-seulement sur les biens donnés par lui, mais encore sur ceux qui proviennent de sa succession, et qui se trouvent encore en 351. nature...

Il y a cependant cette différence entre l'adoptant et ses descendans, que le premier a toujours le droit de reprendre les biens qu'il a donnés, soit qu'ils se trouvent dans la succession de l'adopté, ou dans celle de ses descendans morts eux-mêmes sans postérité; au lieu que les descendans de l'adoptant ne peuvent exercer le droit de reprise, qu'autant que l'adopté est mort sans descendans légitimes. Car, une fois que les biens provenant de l'adoptant ont été recueillis dans la succession de l'adopté par les descendans de ce dernier, le droit de reprise, même en cas de décès de ces mêmes descendans sans postérité, est personnel à l'adoptant, 352. s'il leur survit, et ne passe à aucun autre, s'il est prédécédé.

[Mais je pense que, si l'adopté a laissé plusieurs enfans, l'adoptant ne succédera qu'au dernier mourant, et seulement aux choses trouvées en nature dans sa succession : car il résulte bien évidemment de l'article 351, que, même pour les choses données par l'adoptant, la loi a voulu lui préférer les descendans de l'adopté; par conséquent, tant qu'il existe un de ces descendans, il doit être préféré à l'adoptant.]

CHAPITRE II.

Des Formes de l'Adoption.

Pour déterminer d'une manière précise les formes de l'adoption, il serait nécessaire d'en distinguer préalablemen t deux espèces : l'adoption entre-vifs, et l'adoption dite testamentaire. Mais cette dernière ne pouvant avoir lieu que de

la
part du tuteur officieux, en faveur de son pupille, nous
nous réservons d'en parler, lorsque nous ferons connaître
les règles et les effets de la tutelle officieuse; et nous nous
bornerons ici à ce qui concerne l'adoption entre-vifs.

Les formes en sont déterminées ainsi qu'il suit :

La personne qui veut adopter, se présente devant le juge de paix de son domicile, avec celui, ou celle qu'elle veut adopter; et là, il est passé acte de leurs consentemens res- 353. pectifs.

[Sont-ils tenus de se présenter en personne? Je ne le pense pas. En général on peut se faire représenter dans tous les actes pour lesquels la loi n'a pas exigé la présence des parties mêmes.

Un étranger peut-il adopter? Je ne le pense pas, à moins qu'il ne jouisse des droits civils. L'adoption est une institution de pur droit civil, et qui ne tient en rien au droit des gens. Par la même raison, je pense qu'un étranger ne peut être adopté, même par un Français. Jugé dans ce sens en cassation, le 5 août 1823. ( Bulletin, no 90.) Et effectivement, avant la promulgation de la loi abolitive du droit d'aubaine, il serait résulté de là qu'un simple particulier aurait pu donner à un étranger le droit de successibilité, ce qui n'est pas admissible. ]

[ Il paraît que c'est l'acte de consentement mutuel qui forme le contrat entre les parties, tellement qu'il ne serait plus au pouvoir de l'une d'elles de le révoquer sans le consentement de l'autre. ( Argument tiré de l'article 360, et de ce que, dans toutes les formalités suivantes, l'on n'exige plus que l'intervention d'une seule partie.)

De là je conclus également, contre M. PROUDHON " que c'est au moment du contrat que doivent exister toutes les qualités qui constituent la capacité respective de l'adoptant et de l'adopté, et que les incapacités qui pourraient survenir depuis, soit avant l'admission de l'adoption par les tribųnaux, soit avant l'inscription sur les registres de l'état civil, ne pourraient empêcher l'adoption: comme si, par exemple, l'adoptant venait à se marier dans l'intervalle; si sa femme devenait enceinte, etc. En un mot, je regarde l'adoption comme entièrement opérée du moment du contrat ; à la vérité, sous deux conditions résolutoires; celle de l'admission par les tribunaux, et celle de l'inscription sur les registres de l'état civil, dans le délai prescrit; mais il est de

principe que, dans les obligations contractées sous une condition résolutoire, il suffit, en général, que la capacité des parties existe au moment du contrat ; il n'est pas nécessaire qu'elle subsiste jusqu'à l'événement de la condition. Pourrait-on, en effet, prétendre qu'une obligation contractée sous une condition résolutoire, par deux personnes jouissant de toute leur raison, pût être annulée par la démence de l'une des parties, survenue avant l'accomplissement de la condition?

Cette opinion paraît, au surplus, consacrée, comme je l'ai dit, par l'article 360, qui décide formellement que la mort de l'adoptant, survenue depuis le contrat, n'annule pas l'adoption. Or, quelle plus grande incapacité que celle qui résulte de la mort? Donc l'incapacité survenue depuis le contrat n'annule pas l'adoption.]

Expédition de cet acte est remise, dans les dix jours suivans, par la partie la plus diligente, au Procureur du Roi près le tribunal du domicile de l'adoptant, pour être soumis 354. à l'homologation. [ L'acte serait-il nul, s'il n'était présenté qu'après ce délai? Le Tribunat avait proposé de décider que tous les actes et jugemens, à l'égard desquels on n'aurait pas observé les délais prescrits, seraient regardés comme non avenus. Cette proposition n'a pas été admise. Il paraît, d'après cela, qu'on a voulu abandonner le tout à la prudence des juges, qui, prononçant, dans ces sortes d'affaires, comme jurés, et pouvant, en conséquence, se déterminer par tous les motifs qui leur paraissent convenables, pourront prendre en considération le défaut d'observation des délais prescrits. 1

Le tribunal, réuni en la chambre du conseil, et après avoir pris les renseignemens convenables, vérifie : 1o si toutes les conditions prescrites par la loi sont remplies; et 2o si 555. l'adoptant jouit d'une bonne réputation.

Cette vérification faite, le Procureur du Roi entendu, et sans aucune autre procédure, le tribunal prononce, sans 356. énoncer de motifs: Il y a, ou il n'y a pas, lieu à l'adop

tion.

[Le tribunal prononce en la chambre du conseil. Il pa

raît, d'après l'article 348, qu'il n'y a que le jugement d'appel qui doive être prononcé publiquement; et encore quand il admet l'adoption. - Le jugement n'énonce pas de motifs, parce qu'il pourrait se faire, en cas de rejet de l'adoption, que le jugement fût fondé sur des motifs déshonorans pour l'adoptant. On a dû lui épargner ce désagrément. ]

Le jugement est soumis, dans le mois de sa date, et aussi sur les poursuites de la partie la plus diligente, à la Cour Royale, qui suit les mêmes formes, et prononce également sans exprimer de motifs : Le jugement est confirmé, ou, le jugement est réformé : en conséquence, il y a lieu, ou, il n'y a pas lieu, à l'adoption.

[ Ce que nous avons dit du jugement concerne tant celui d'adoption que celui de rejet ; mais avec cette distinction que, si l'adoption a été admise, le pourvoi est forcé, et l'adoption ne peut avoir lieu qu'en vertu de l'arrêt de la Cour Royale. Mais si l'adoption a été rejetée, il est bien entendu que l'on n'est pas obligé de se pourvoir: mais si l'on ne se pourvoit pas, on est censé renoncer à l'adoption. ]

Si la Cour Royale admet l'adoption, l'arrêt est prononcé à l'audience, et affiché en tels lieux, et en tel nombre d'exemplaires que la Cour juge convenable. Il en est remis une expédition, par l'une ou l'autre des parties, à l'officier de l'état civil du domicile de l'adoptant, qui l'inscrit sur ses registres. Cette inscription doit, à peine de nullité de l'adoption, avoir lieu dans les trois mois de la date de l'arrêt.

[Le jugement doit être prononcé en secret, si l'adoption est rejetée : même motif que pour le jugement de première instance. Mais pourquoi celui-ci doit-il être secret, même lorsqu'il admet l'adoption? C'est qu'il peut être infirmé par la Cour, et que, jusqu'à ce que l'adoption soit définitivement admise, on ne veut lui donner aucune publicité. Le public, qui saurait qu'on a voulu adopter, et que l'adoption a été rejetée, pourrait former des conjectures désagréables pour l'adoptant.

Y a-t-il lieu au recours en cassation? Je ne le pense pas. En effet, ce recours ne pourrait avoir lieu, de la part de ceux qui poursuivent l'adoption, qu'autant que l'arrêt

357.

359.

l'aurait rejetée. Mais alors les parties ne pourraient alléguer que des défauts de forme. Car la Cour ne devant pas donner de motifs, il est impossible de prouver, au fonds, que l'arrêt est en opposition avec la loi. Or, la violation des formes n'est pas un moyen de cassation. Ce ne peut être davantage, dans l'espèce, un moyen de requête civile; car aucune des formes n'est requise à peine de nullité. (Code de Proc., article 480, no 2.) Il n'y a donc réellement pas, dans le cas du rejet de l'adoption, de recours à exercer de la part de ceux qui l'ont poursuivie.

Mais si l'adoption a été admise, et qu'au décès de l'adoptant elle soit attaquée par ses héritiers, quelle voie devrontils prendre? Ce n'est, ni la cassation, ni la requête civile. Ces voies ne sont ouvertes qu'à ceux qui ont été parties dans les jugemens. Ce n'est pas davantage la tierce-opposition. Les jugemens qui ont admis l'adoption, n'ayant pas été rendus sur contestation et entre parties, je partage l'opinion de ceux qui pensent qu'il n'est pas même besoin d'y former tierce-opposition, et qu'ils sont, à l'égard des tiers, comme non avenus. (Argument tiré de l'article 100.) Les héritiers de l'adoptant, qui veulent attaquer l'adoption, doivent donc se borner à en demander la nullité par instance principale, laquelle subira les deux degrés de juridiction. On oppose à ce système, que l'on verra donc un tribunal de première instance examiner le mérite, et prononcer même la nullité d'une adoption qui a été admise par une Cour Royale. Mais l'on peut répondre que cela peut arriver tous les jours. D'abord, pour les arrêts sur requête. Il est très-possible que la rectification d'un acte de l'état civil ait été ordonnée par arrêt ; et cela n'empêchera pas un tribunal de première instance de statuer sur une contestation, comme si la rectification n'eût pas été ordonnée. Et même, quant aux jugemens rendus sur contestation, entre parties, il est de principe que la tierce-opposition ne peut être employée par les tiers qui n'ont pas été parties dans le jugement, que pour en arrêter l'exécution; que, lorsqu'il est exécuté, la tierce-opposition est inutile ; qu'il suffit d'assigner celui qui a obtenu le jugement, auquel, s'il en excipe, l'on opposera

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